Editorial : 4ème Plenum : le Parti « renforcé », et déchiré

Le 4ème Plenum (20-23/10) du Comité Central était le rendez-vous : à la tête du Parti et du pays, Xi Jinping y faisait miroiter le lancement de réformes sociétale, foncière, financière, judiciaire… Dernièrement, le mot d’ordre du meeting, 依法治国 (« yi fa zhi guo », gouvernance selon la loi) semblait choisi pour confirmer cette orientation. 

Or le soir final, le communiqué étala des conclusions ambiguës voire décevantes : tout se passa comme si les 370 délégués et suppléants ne s’étaient entendus que pour voiler leurs divisions et la teneur des débats.
Pourtant, à décortiquer ces principes annoncés, on y trouve de la matière :
– Le Parti décide de créer des tribunaux itinérants pour couper l’influence des pouvoirs locaux sur la justice de base. Ceci devrait limiter la confiscation des terres des paysans ou des salaires des migrants. Ceci permettrait aussi d’accélérer la professionnalisation des 200.000 juges, des 3500 cours de justice de la RPC. 
Le Comité Central veut renforcer le droit de supervision de la Constitution par l’ ANP (Parlement): c’est un progrès depuis 2013, où le seul fait d’évoquer la Constitution comme contre-pouvoir rendait son auteur quasi-dissident. Or à présent, par la Constitution et l’Assemblée, le Comité Central veut renforcer la transparence du pouvoir : le droit pour l’ANP de l’interpeller. Mais en même temps, la Constitution est aussi décrite comme « la base du rôle directeur du PCC » : ce dernier reste au-dessus des lois et avec lui, ses leaders présents, et ceux passés! Pas par hasard, plusieurs lieutenants de Zhou Yongkang voient confirmer leur disgrâce, mais le sort de leur chef demeure durablement en suspens, faute pour Xi Jinping d’avoir désormais rassemblé une majorité assez forte.

Autres lacunes : ce « renforcement » de l’ANP, de la justice de base changeront peu en pratique aux pouvoirs des cadres locaux et nationaux sur leur monopole du pouvoir : le PCC conserve, renforce son contrôle sur le judiciaire. L’armée elle-même défie Xi : le Plenum n’a pas pu lancer la réforme de la Commission Militaire Centrale, pourtant bien nécessaire (corruption) et attendue. 
Un élément, ici, pourrait permettre d’y voir un peu plus clair, sur les rapports de forces secrets de ce Plenum. Mi-août, Jiang Zemin, l’ex-Président a écrit une lettre en six points, révisée en septembre. Représentant l’avis des anciens, et de leurs fils de la « seconde génération rouge » (红二代, hong er dai), Jiang statue que la direction du Parti ne devrait pas punir un ex-leader pour une politique qui a été collective (donc, libérez Zhou Yongkang). La direction du XVIII. Congrès devrait garder la ligne suivie du XV au XVII Congrès (donc, pas de réformes). Les ex-leaders suprêmes (Jiang, Li Peng…) devraient être à l’abri de toute poursuite, sauf pour « faute gravissime ». Et en cas d’enquête anti-corruption, il faudrait « agir avec prudence » : distinguer les revenus des parents de ceux des héritiers.La lettre secrète avait été soumise au Comité Permanent, puis au Bureau politique et à une poignée d’autres dignitaires (mais non, comme l’aurait voulu la Constitution, au Comité Central ou à l’ANP), leur demandant de trancher sur ces six points. Et à la veille du Plenum, une réponse floue était sortie, démontrant une profonde division. D’où la double conclusion inévitable : le club des familles historiques se défend, et l’appareil reste déchiré. On attend la suite : après ce Plenum, le pays reste au milieu du gué !

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