Le Vent de la Chine Numéro 35

du 25 octobre au 1 novembre 2014

Editorial : 4ème Plenum : le Parti « renforcé », et déchiré

Le 4ème Plenum (20-23/10) du Comité Central était le rendez-vous : à la tête du Parti et du pays, Xi Jinping y faisait miroiter le lancement de réformes sociétale, foncière, financière, judiciaire… Dernièrement, le mot d’ordre du meeting, 依法治国 (« yi fa zhi guo », gouvernance selon la loi) semblait choisi pour confirmer cette orientation. 

Or le soir final, le communiqué étala des conclusions ambiguës voire décevantes : tout se passa comme si les 370 délégués et suppléants ne s’étaient entendus que pour voiler leurs divisions et la teneur des débats.
Pourtant, à décortiquer ces principes annoncés, on y trouve de la matière :
– Le Parti décide de créer des tribunaux itinérants pour couper l’influence des pouvoirs locaux sur la justice de base. Ceci devrait limiter la confiscation des terres des paysans ou des salaires des migrants. Ceci permettrait aussi d’accélérer la professionnalisation des 200.000 juges, des 3500 cours de justice de la RPC. 
Le Comité Central veut renforcer le droit de supervision de la Constitution par l’ ANP (Parlement): c’est un progrès depuis 2013, où le seul fait d’évoquer la Constitution comme contre-pouvoir rendait son auteur quasi-dissident. Or à présent, par la Constitution et l’Assemblée, le Comité Central veut renforcer la transparence du pouvoir : le droit pour l’ANP de l’interpeller. Mais en même temps, la Constitution est aussi décrite comme « la base du rôle directeur du PCC » : ce dernier reste au-dessus des lois et avec lui, ses leaders présents, et ceux passés! Pas par hasard, plusieurs lieutenants de Zhou Yongkang voient confirmer leur disgrâce, mais le sort de leur chef demeure durablement en suspens, faute pour Xi Jinping d’avoir désormais rassemblé une majorité assez forte.

Autres lacunes : ce « renforcement » de l’ANP, de la justice de base changeront peu en pratique aux pouvoirs des cadres locaux et nationaux sur leur monopole du pouvoir : le PCC conserve, renforce son contrôle sur le judiciaire. L’armée elle-même défie Xi : le Plenum n’a pas pu lancer la réforme de la Commission Militaire Centrale, pourtant bien nécessaire (corruption) et attendue. 
Un élément, ici, pourrait permettre d’y voir un peu plus clair, sur les rapports de forces secrets de ce Plenum. Mi-août, Jiang Zemin, l’ex-Président a écrit une lettre en six points, révisée en septembre. Représentant l’avis des anciens, et de leurs fils de la « seconde génération rouge » (红二代, hong er dai), Jiang statue que la direction du Parti ne devrait pas punir un ex-leader pour une politique qui a été collective (donc, libérez Zhou Yongkang). La direction du XVIII. Congrès devrait garder la ligne suivie du XV au XVII Congrès (donc, pas de réformes). Les ex-leaders suprêmes (Jiang, Li Peng…) devraient être à l’abri de toute poursuite, sauf pour « faute gravissime ». Et en cas d’enquête anti-corruption, il faudrait « agir avec prudence » : distinguer les revenus des parents de ceux des héritiers.La lettre secrète avait été soumise au Comité Permanent, puis au Bureau politique et à une poignée d’autres dignitaires (mais non, comme l’aurait voulu la Constitution, au Comité Central ou à l’ANP), leur demandant de trancher sur ces six points. Et à la veille du Plenum, une réponse floue était sortie, démontrant une profonde division. D’où la double conclusion inévitable : le club des familles historiques se défend, et l’appareil reste déchiré. On attend la suite : après ce Plenum, le pays reste au milieu du gué !


Tibet : Quelle nouvelle politique tibétaine de Xi Jinping ?

Les temps changent au Tibet. Les signes de dégel se multiplient, telle l’annonce depuis avril d’une loi imminente pour protéger la langue tibétaine. Telle aussi cette déclaration fin août, du n°2 du Parti à Lhassa : le pouvoir était en train de négocier avec le Dalaï-lama son retour au Pays des neiges. Mais l’offre sembla inacceptable aux Tibétains de l’exil : elle excluait a priori toute concession sur la liberté de culte au Tibet (aujourd’hui étroite), ou le retour des 100.000 réfugiés de seconde ou troisième génération.

Malgré ces limitations, l’offre pékinoise traduisait un tournant sans précédent, lui-même miroir d’une embellie économique et d’un apaisement (fin provisoire des auto-immolations et des manifestations). Aussi les soldats en armes se sont retirés des rues, et Pékin semblait pouvoir envisager un retour du Dalaï-lama, pour accélérer la normalisation.
Cependant à Dharamsala (Inde), le Dalaï-Lama énonça (07/09) sa volonté que nul ne lui succède après sa mort, par réincarnation. Puis début octobre, il déclara qu’il souhaitait se rendre à Wutaishan, mont sacré bouddhiste, et que Pékin était quasi d’accord. Sous-entendu, Wutaishan serait une étape, avant son retour à sa terre natale.

Le couperet tomba le 09/10 quand un porte-parole déclara sèchement que le Dalaï-lama « ferait mieux de cesser de parler d’un soi-disant retour au Tibet ».
Le projet était-il enterré ? Que s’était-il passé ? Il faut dire que depuis l’été, il y a en Chine ce mouvement de balancier politique de résistance à Xi Jinping. Venu du bloc conservateur, il se sent en tous domaines, contre la campagne anti-corruption. Un exemple de ces coups, est d’avoir fait entrer des troupes chinoises au Ladakh revendiqué par l’Inde, au beau milieu de la visite de Xi à New Delhi, laquelle s’en retrouvait torpillée.

Vu sous cet angle, le raidissement de Pékin sur le Dalaï-lama n’est pas forcément gravé dans le marbre : si Xi Jinping gagne la bataille sur ses adversaires conservateurs, ou transige avec eux, la nouvelle politique de détente au Tibet reprendra. La bonne nouvelle, est qu’elle est engagée – sans marche arrière possible.


Juridique : À une exception près, la peine de mort recule

Le nombre des peines de mort appliquées en Chine est secret. Or la fondation Duihua (« Dialogue ») comble cette lacune (22/10), en publiant un bilan officieux de 2400 exécutions en 2013. Créée en 1999 par l’ex-homme d’affaires américain John Kamm, Duihua s’est fait reconnaître -des deux côtés- par sa défense discrète et « soft » des droits de l’Homme en Chine.

Selon un autre chiffre d’Amnesty International, ce bilan macabre est triple des exécutions pratiquées ailleurs sur Terre en 2013 (778). Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’il a baissé de 20% par rapport à 2012 et de 80% par rapport à 2002, où 12.000 condamnés étaient passés par les armes. 

Pour 2014 par contre, il faut prévoir une rechute au moins momentanée de tendance due aux violences au Xinjiang, et à leur suite inévitable : l’inflation des peines capitales. Le 13/10 à Kashgar, 12 peines de mort tombent suite à l’attaque à Yarkand du 28/07 : brandissant des haches (de source officielle invérifiable), 59 attaquants auraient tué 37 civils (Hans) avant d’être éliminés dans la contre-attaque. Deux jours après, l’imam de la grande Mosquée de Kashgar était assassiné par 2 ados fanatisés, qui lui reprochaient sa complaisance avec le système. Ils furent condamnés à mort en septembre. Le 12/10, la série noire se poursuit, sur le même mode opératoire d’intifada : quatre commandos suicide, à motos, attaquent un marché Han du district de Bachu (Kashgar), tuent 22 paysans au couteau et aux explosifs, avant d’être éliminés par les forces de l’ordre. 

Signes d’accélérations de la spirale délétère : pour la 1ère fois, Al-Qaeda qualifie le Xinjiang de « terre islamique occupée » et prétend la « libérer pour le Califat islamique ». Pour sa part, de source hongkongaise, Pékin envisagerait de transférer 100.000 soldats vers le territoire dans l’espoir de reprendre la main.
Mise à part l’ « exception » du Xinjiang, la justice chinoise, sous l’angle des peines de mort, est donc en progrès. La Chine à l’évidence, va vers leur éradication. C’est sous l’influence d’hommes tel le procureur He Jiahong (aussi auteur de romans célèbres, inspirés de la même trame), qui traque inlassablement les erreurs judiciaires et leurs causes, vénalité du juge ou aveux arrachés sous la torture. 

En 2007, la Cour Suprême s’est vue restituer le pouvoir de cassation de peines capitales, assorti d’une révision obligatoire de tous les verdicts émis à travers l’empire. Par ce biais, l’an dernier, 39% des peines de mort ont été renvoyées à leurs émetteurs pour insuffisance de preuves : à char-ge du magistrat de se déjuger ou de reconstruire son dossier d’une manière moins arbitraire et réfutable—vers l’Etat de droit. 


Diplomatie : Mer de Chine – tout baigne

Au printemps, la Chine mettait à rude épreuve les nerfs de ses voisins tels le Vietnam, en mouillant en ses eaux une structure pétrolière défendue par 100 navires. Elle faisait chasser d’un atoll des pêcheurs philippins, puis y bâtissait une base permanente—suivie d’au moins deux autres dans la zone. Face au Japon, elle amplifiait son harcèlement dans l’espace naval et aérien de l’archipel des Senkaku-Diaoyu, possédé par Tokyo mais qu’elle revendique depuis quelques années. 

Mais à présent, changement de programme : on se réconcilie à étapes forcées. Fin juin, au large du Vietnam, Pékin retirait sa plateforme : « mission terminée ». Puis le 19/10 à Pékin, Phung Quang Thanh, ministre vietnamien de la Défense, rétablissait avec Fan Changlong, n°2 à la Commission Militaire Centrale, les relations en kaki : les deux pays convenaient d’établir un « téléphone rouge » d’alerte en cas d’escarmouche maritime. Ces retrouvailles manquaient visiblement de chaleur : ces officiers se bornaient à déclarer que leurs pays « devraient garder leurs forces sous contrôle » à l’avenir. Mais l’essentiel était ailleurs. C’était le Vietnamien, le lésé, qui s’était déplacé, faisant le premier pas. Il explicitait ainsi que Hanoi a plus besoin de Pékin que l’inverse, et la Chine qui, au-delà des disputes, reste toujours la « grande sœur », sans laquelle le petit vassal socialiste ne peut vivre. Yang Jiechi, Conseiller d’Etat devait rendre la visite à Hanoi le 27/10, consacrant ainsi la réconciliation. 

Face à Manille, Pékin s’abstenait cet été de toute provocation—même lorsqu’une cour philippine condamnait un équipage chinois, surpris à pêcher sans licence des espèces protégées. 

Face au Japon, des petits gestes étaient échangés entre grands personnages. Xi Jinping recevait en juillet deux émissaires de 1er plan (dont l’ex-1er ministre Fukuda). À Milan au sommet de l’ASEM (17/10), Li Keqiang échangeait avec son homologue Shinzo Abe, une poignée de main intensément négociée par les chancelleries les jours précédents. Ces mêmes diplomates poursuivent les mêmes fiévreux palabres pour permettre une rencontre entre Xi et Abe à Pékin au Sommet de l’APEC, les 10/11 novembre. Ce serait une première : dès lors, un nouvel équilibre serait de rigueur entre les deux pays, assez stable pour permettre la reprise du commerce, tout en mettant entre crochets le conflit territorial. 

Et c’est ainsi qu’avant l’APEC, la Chine a rempli tous ses objectifs : créer des bases militaires dans les Spratley, puis reculer stratégiquement avant que les voisins n’aient le temps d’esquisser une réponse commune, stratégique ou diplomatique – du grand art !


Transports : Le TGV chinois cherche sa voie

Avant de disparaître en 2013, le ministère des Chemins de fer, bâtisseur, investisseur et exploitant unique du réseau ferré, avait accumulé 108 milliards de $ de dettes et était perclus de corruption. C’est ce qui justifie la peine capitale avec sursis, assénée le 17/10 à Zhang Shuguang, ex-vice ingénieur-chef, pour avoir empoché en 10 ans 7,8 millions de $ de bakchichs, sur des achats d’équipements et l’octroi de contrats. Su Shunhu, son adjoint, reçoit la perpétuité, pour un montant de près de 4 millions de $. 

La dette du ministère a été transférée (en partie) à la China Railway Corp, qui en est étranglée, d’autant que l’Etat lui fait emprunter davantage, au titre de nouveaux projets ferroviaires pour soutenir l’économie.
Les derniers en date (16/10) sont trois axes stratégiques : Yuxi-Mohan (Yunnan), 7,2 milliards de $ et 503km vers le Laos ; Dali-Ruili (Yunnan), 4,16 milliards de $ et 336km vers la Birmanie ; Jinzhou (Liaoning) – Bayan Nur (Mongolie), 4,1 milliards de $ et 600km pour le transport du charbon. 

Dans le but d’attirer l’investissement privé, a été créé en septembre un fonds au développement ferroviaire, alimenté par l’ICBC, l’ABC, la CCB et la Banque industrielle du Fujian. Détail bizarre, la BdC –dernière des 4 « sœurs » grandes banques d’Etat-, est absente du deal. La durée du fonds est fixée à « 15-20 ans », son capital est inconnu (autre mystère), et ses intérêts déclarés « stables et raisonnables », sans plus de détail. 

Enfin, CNR et CSR, les géants de construction ferroviaire, accélèrent la quête de contrats pour ses TGV. Aux Etats-Unis, CNR guigne la liaison Los Angeles-San Francisco, à 68 milliards de $ pour 95 rames, voire pour les 1287 km de ligne. Il propose son modèle CRH380BL, capable de rouler à 380km/h. Il affrontera 12 concurrents, du Japon à l’Espagne. NB : le groupe vient de remporter son 1er contrat dans ce pays : à Boston, portant sur 284 rames de métro, pour 567 millions de $.
Au Mexique, la bataille pour la ligne TGV Mexico-Queretaro, 210km à 4,3 milliards de $, sera plus aisée : le consortium de 4 firmes locales et de 4 chinoises dont CSR, est seul candidat.
Les constructeurs chinois sont également sur les rangs en Russie, Thaïlande et Royaume-Uni.

Ce que ce remue ménage signifie : la Chine voit venir la fin de ses programmes d’équipement sur son sol. Il devient urgent de s’imposer à l’étranger. Ses atouts sont ses prix les plus bas, et une forte capacité de financement. Mais lui colle encore à la peau l’accident catastrophique et très mal géré de Wenzhou en 2011. 


Environnement : La Chine dompte son dragon d’eau (2ème partie)

La semaine passée, nous présentions un projet colossal, le canal Sud-Nord.  Nous poursuivons ici avec d’autres méga chantiers : le programme de grands barrages.

Au Sichuan et Yunnan, l’été 2014 a vu naître trois des plus grands barrages au monde, 10 ans de travail de dizaines de milliers d’ouvriers: Xiluodu, Xiangjia et Nuozhadu, n°2, n°3 et n°4 du pays (derrière celui des Trois Gorges), génèrent ensemble autant d’électricité que 26 réacteurs nucléaires. 

Sans fanfare, un autre projet géant débute cette semaine : Lianghekou, 3GW, 295m de hauteur, un des 23 barrages planifiés sur la rivière Yalong (1 323 km-Sichuan). Ils appartiennent à un plan de dizaines de retenues sur les cours d’eaux prenant leur source dans les hauteurs du massif tibétain : la Jinsha (Haut-Yangtzé) et ses affluents Yalong, Min et Dadu. Plus problématique, le plan domestiquera d’ autres cours importants, qui poursuivent ensuite leur périple en Asie du Sud-Est: Yarlung Zampo (Brahmapoutre), Langcang (Mékong), Nu (Salween). D’ici 20 ans, ce méga-projet, dit « corridor du Fleuve Jaune » devrait puiser 30 à 35% des débits de ces fleuves, 150 à 200 milliards de m3 –sans tenir compte des préjudices aux riverains en aval.

Toute cette eau détournée ne se limiterait pas à la seule destination de l’Est, vers Pékin et le Shandong : jusqu’à 50% irait au bassin du Tarim, où elle servirait à l’agriculture, la mine, le pétrole et surtout le gaz de schiste. La Chine est 1er détenteur du méthane captif en formations rocheuses, mais n’y a pas encore accès, faute d’eau, nécessaire en gros volumes pour l’extraction. Avec un tel plan, la Chine ferait d’une pierre trois coups : elle réglerait ses problèmes d’eau, d’énergie et de pollution –le gaz de schiste réduirait sa dépendance au charbon (aujourd’hui 70% de son énergie). 

Concernant la maîtrise de l’eau, la Chine nourrit d’autres projets :
Canton se met en mesure de détourner 3,5 millions de m3 par jour de la Xijiang —9 milliards de yuans ont déjà été investis depuis 2008.
– De l’autre côté de la frontière russe, Pékin lorgne aussi à long terme le lac Baïkal (le plus grand du monde), dont l’eau serait achetée et acheminée par aqueduc.

Tous ces efforts montrent bien la « soif » immense de la Chine : industrie et agriculture embolisent ensemble 85% de sa ressource en eau. L’industrie seule revendique 139 milliards de m3 par an, presque 40% du total, tout en gaspillant à production égale, le décuple de la moyenne mondiale. Le Water Resources Group (think-tank multinational) prédit que d’ici 2030 cette demande industrielle chinoise grimpera à plus de 300 milliards de m3 : alors, elle excédera de 200 milliards de m3 les disponibilités. D’où la quête agressive, de toute ressource à portée. 

Mais on voit aussi les limites de plans si ambitieux, dépassant en échelle tout ce que l’humanité a connu jusqu’alors. Les pays limitrophes, Vietnam, Laos, Cambodge, mais aussi Inde seront gravement lésés et voudront défendre leurs intérêts : le contrôle des eaux de l’Himalaya pourrait être l’épicentre de conflits futurs. 

Puis une avancée technologique vient affaiblir la pertinence des plans chinois, voir les rendre obsolètes : la désalinisation de l’eau de mer voit ses coûts significativement chuter. En 2011, Tianjin a ouvert une usine à 4 milliards de $, de technologie israélienne. 

À des dizaines kilomètres de là, Beijing Enterprises Water Group fait construire à Caofeidian une centrale en JV avec le groupe norvégien Aqualyng : dès 2019, elle produira 1 million de tonnes d’eau douce par jour, 1/3 des besoins de Pékin, pour 2,7 milliards de $ d’investissements, dont la majeure part pour le pipeline. L’eau sera facturée 8 yuans du m3, le double du prix actuel, « mais d’ici là, annonce Wang Xiaoshui, directeur du projet, les prix auront augmenté », rendant ce tarif acceptable.

Car voilà le plan d’action de l’eau annoncé en juin (mais encore non publié), doté de 320 milliards de $ : pour forcer à épargner la ressource et améliorer sa qualité, il prépare la hausse progressive des prix, jusqu’au niveau de coût réel. Un système de quotas par foyer et par usine, assorti de taxes de dépassement naîtrait fin 2015 dans Pékin, pour imposer une épargne de 20%. 

A l’échelle du pays, il s’agit de plafonner la consommation de 610 milliards de m3 à ce jour, à 700 milliards de m3 à terme. L’outil principal serait une bourse d’échanges des droits d’utilisation—un peu comparable à celle en gestation pour les droits d’émission de CO2 LIEN. Le plan d’action veut aussi taxer et réduire les effluents industriels dont la Chine est 1er émettrice avec 6000 tonnes par jour. 

Ainsi, une mentalité nouvelle apparaît, dénonçant les chantiers-dinosaures, et appelant à la remise en cause des modes de consommation. Qiu Baoxing, vice-ministre de l’intégration urbaine-rurale, causa un tollé en février en dénonçant le canal Sud-Nord comme une fuite en avant anti-économique : « non-durable à long terme, cet ouvrage ne peut être un ersatz pour l’indispensable discipline des usagers. La Chine doit consommer l’eau aux mêmes conditions que le reste du monde ».

Retrouvez la version anglaise de cet article sur blog d’Eric Meyer sur Forbes.


Petit Peuple : Qiemo (Xinjiang) – la double vie de Fei Re

Chaque jour aux aurores, dans son district de Qiemo (Xinjiang), avant de rejoindre son poste de vendeuse, Fatima faisait son ménage, inflexible sur la propreté de sa maison. Aussi ce 5 mars 2003, à 6 heures sous un vent glacé, elle sortit balayer le pas de porte de la modeste bicoque. Mais ce matin-là, elle suspendit son geste : dans le gris de l’aube sur le trottoir, un objet indistinct se dessinait.

Elle s’approcha : la matière, l’osier tressé, faisait penser à un panier. Un tissu camouflait le contenu, qu’elle retira prudemment. Elle découvrit alors un bouquet éclatant de lys et de roses, et une lettre. Tout d’un coup, un souffle, un frémissement, un pleur, s’échappèrent du panier. Prise d’une angoisse prémonitoire, Fatima écarta les fleurs : apparut à cet instant, rougi de froid, le minuscule faciès d’un nourrisson aux joues fripées d’une naissance toute proche – il ne pouvait avoir plus de huit jours. 

Agrippant l’anse, elle rentra précipitamment mettre à l’abri le précieux colis, tout en hélant Kurban, son mari. Avec indignation, elle s’interrogea : quel genre de parents pouvaient ainsi abandonner leur nouveau-né ? Kurban arriva, les yeux encore bouffis de sommeil. Voyant l’enfant, le panier, il comprit vite. Il prit le message, et le lut à Fatima qui ne savait pas bien déchiffrer ces idéogrammes maladroitement calligraphiés : « les fleurs sont pour vous. Merci de vous occuper de notre fille ! Le ciel vous le rendra ».

Ils réfléchirent alors. Parler à la police était toujours problématique – en tant que Ouighour, moins on la voyait mieux on se portait. Et puis qu’est-ce qui allait lui arriver à cette petite, une fois déclarée ? On allait la leur retirer – ça ne ferait pas un pli. Elle échouerait dans un orphelinat, encasernée dans une enfance sans amour. 

Surtout, sans en être encore bien conscients, dès la 1ère seconde, Kurban et Fatima avaient pris instinctivement leur résolution : cette gamine, ils l’avaient, ils la gardaient. Dans leur vie conjugale, ils n’avaient qu’une meurtrissure, secrète mais très profonde : en 7 ans de vie matrimoniale, ils n’avaient pu concevoir. Or, n’était-ce pas Allah qui leur faisait à présent ce précieux cadeau pour illuminer leur existence ? Bref, le sort en était jeté, la petite Han était leur fille : elle s’appellerait Fei Re. 

Les années suivantes, comme ils l’avaient pressenti, la fillette devint la lumière de leurs jours. Propriétaires de leur masure, et tous deux au travail (Kurban, comme ouvrier temporaire en cimenterie), ils recevaient ensemble 4000¥ par mois. C’était amplement suffisant pour vivre au Xinjiang et permettait même le superflu : chaque semaine tour à tour, ils gâtaient la petite, lui offrant une nouvelle robe ou une poupée. 

En février 2007, le malheur toujours en maraude, trouva l’entrée de leur chaumière et frappa : à 30 ans, Fatima décéda. Sur son lit de mort, comme dernière volonté, elle fit promettre à Kurban de ne jamais abandonner Fei Re, la prunelle de leurs yeux. 

Pour le père et sa fille, la vie changea sous tous rapports. A 37 ans, le jeune veuf venait de troquer son métier pour celui de garde-forestier à 150km, dans une plantation de peupliers. Vu la durée du trajet, trois heures au bas mot, il ne pouvait laisser la petite à l’école qu’elle fréquentait depuis un an. Il dut l’emmener le lundi sur sa moto, la garder sur place avec lui dans une chambre louée une bouchée de pain, et retourner le vendredi soir à la maison. 

Après quelques semaines, il lui trouva une école sur place. Le soir, il l’aidait comme il pouvait à faire ses devoirs –en chinois–, langue que l’enfant, studieuse de nature, maîtrisa bientôt aussi bien que son ouighour natal. Seul souci, qu’elle confia de plus en plus souvent à Kurban. Sur un ton souvent railleur, les camarades l’interpellaient : pourquoi ne lui ressemblait-elle pas ? A cette question naïve et pressante, il restait coi, n’osant lui dire la vérité… 

En mai 2011, Kurban se remaria. Compatissant envers ses affres de père célibataire dans la force de l’âge, un voisin lui présenta une belle Ouïgoure, aux yeux de feu et aux cheveux de jais, nommée Turkan Mamat. Elle n’avait rien contre le fait que Kurban ait une fille – bien au contraire. D’ailleurs, avant de passer au bureau des mariages et chez l’imam, il avait mis les choses au clair : leur union ne tiendrait, que si Fei Re était acceptée et aimée. 

Une fois mariés, la vie reprit en douceur, les trois apprenant à se connaître et se soutenir. A huit ans, la petite avait de nouveau une mère. Kurban était fier, envers sa chère disparue, d’avoir été « yán ěr yŏu xìn »  (言而有信) – fidèle à la parole donnée ! 

Mais la vie se poursuivra-t-elle comme un long fleuve tranquille ? Pour le savoir, lisez la 2ème partie au prochain numéro.


Rendez-vous : du 27 octobre au 2 novembre 2014
du 27 octobre au 2 novembre 2014

29-30 octobre, Shanghai : China Paper Chem + Tech, Salon du papier et des équipements de production de papier

29-30 octobre, Shanghai : Waterchem + Tech, Salon des technologies de traitement de l’eau

29-31 octobre, Shanghai : Agrochemex, Salon de la protection contre les maladies des plantes

29-31 octobre, Shanghai : Heatec / Boiler Shanghai : Salons des technologies de génération de chaleur et de chaudières

29-31 octobre, Suzhou : Fastener Trade Show, Salon de la fixation

30-31 octobre, Shanghai : Tunnel Expo China

31 octobre – 2 novembre, Shanghai : International Money Fair, Rendez-vous de l’industrie de la finance

1er – 30 novembre, Shanghai : CIIF, Shanghai International Industry Fair

1er- 23 novembre, Shanghai : ProWine China, Salon international du vin