Au journal allemand « Welt am Sonntag » le 7 septembre, le dalaï-lama, 79 ans, surprir le monde en proposant d’être le dernier prélat de sa lignée, après presque 5 siècles d’existence. Selon les mots de Tenzin Gyatso (nom de naissance du pontife lamaïste), « l’institution du dalaï-lama existe depuis 1642. Le 14ème dalaï-lama (lui-même donc) est très aimé : restons-en là. Si le 15ème dalaï-lama s’avérait faible, il porterait la honte sur la fonction ». Si le pontife devait devenir un faire-valoir du régime chinois, mieux vaudrait qu’il disparaisse, selon lui. Autre argument avancé : son église dispose d’un clergé structuré. Un chef n’est donc pas indispensable.
De tels propos choquent, mais nul doute qu’ils ont été mûrement pesés par un homme anxieux d’assurer l’avenir. Il est aussi sous pression : en face, l’appareil qui n’attend que son décès pour « identifier » un successeur, enfant docile et sous sa coupe !
Le problème tient bien sûr à l’hostilité et la méfiance latente entre le régime chinois et la communauté tibétaine en exil depuis 1959. Mais les choses changent.
Au « Pays des neiges », Pékin tient les choses en main – manifestations, auto-immolations n’adviennent plus que rarement.
Après avoir investi sur place 14 milliards de $ en 20 ans, Pékin en annonce 21 milliards de plus sous 5 ans, dans des infrastructures (routes, chemin de fer, aéroports) qui ancreront plus solidement le « Toit du monde » à la mère patrie, tout en le développant. Ayant reçu 12 millions de touristes cette année, le territoire s’enrichit, et la confiance augmente.
En août, Wu Yingjie, vice-Secrétaire du Parti au Tibet, révéla à une délégation de presse d’Asie du Sud que des négociations avaient lieu avec le dalaï lama, « très bien engagées », sur « son propre avenir » – son retour au Tibet.
La tenue de ces palabres a été démentie par le gouvernement en exil à Dharamsala – ce qui ne prouve pas qu’elles n’aient pas eu lieu. Après tout, ayant abdiqué de ses fonctions politiques en 2011, le dalaï-lama est un homme libre.
Négocier son retour à la terre de ses ancêtres, peut entrer dans ses aspirations légitimes. Et un tel deal à la puissance symbolique incomparable, pourrait être bénéfique à la Chine, et même au Tibet.
Dernier point, qui déconcerte les observateurs : à peine lâchée cette suggestion d’interrompre à jamais l’existence des dalai lamas, le pontife s’est vu vertement accusé d’hérétique par les cadres du PCC, et interdit de « pervertir l’histoire ». Le Parti, institution athée, devient donc le gardien du temple, défenseur des traditions théologiques et des rites…
Si le dalaï-lama reste sur sa position, à sa mort, le Tibet se retrouvera déchiré : Pékin ne pourra que faire désigner un dalaï-lama qui sera perçu par les Tibétains comme un imposteur.
Mais d’autre part, les discussions dévoilées par Wu Yingjie, suggèrent la recherche d’un accommodement.
Et la petite phrase du pape lamaïste, pourrait être un « coup » destiné à forcer la partie chinoise à accélérer le processus, à élargir le débat sur le point central, au-delà du retour du prélat, parler du sort du Tibet lui-même !
Sommaire N° 30