Quand Xi Jinping fut adoubé 1er Secrétaire du Parti communiste chinois (PCC) en mars 2013, le Pape François qui lui aussi entamait ses fonctions, lui adressa un message de félicitation, auquel Xi répondit.
C’était une nouvelle donne en géopolitique : deux hommes « neufs », chacun promettant des réformes de fond dans leurs vieilles maisons.
Entre Pékin et le Vatican, les rapports sont brisés depuis 1949. Plusieurs essais de rapprochement ont échoué, comme en 2012 après l’assignation à résidence de Ma Daqin, l’évêque de Shanghai qui à peine nommé par le régime, dénonçait l’organe étatique de contrôle du catholicisme en Chine.
De facto, le pays compte deux églises : l’officielle (sous contrôle) et celle de l’ombre (sporadique-ment persécutée).
Toutes deux insistent sur leur fidélité au Pape, quoiqu’elles la matérialisent de façons différentes (l’officielle refuse de lire en chaire les lettres pastorales du Pape). Or, l’enjeu d’une normalisation est aussi de réunir ces deux clergés.
Aujourd’hui, les signes d’embellie se multiplient :
– Le 8 juin 2014, Mgr Fang Xingyao, évêque officiel de Linyi (Shandong), Président de l’« Association Patriotique Catholique », confie à un media de Hong Kong que « le meilleur moyen de régler la question de l’ordination des prêtres (pierre d’achoppement entre Rome et le PCC) est de rétablir la relation diplomatique ».
Un tel pas présuppose l’abandon des liens de la Curie avec Taiwan, mais le Vatican y est prêt depuis longtemps.
– Le Dalai Lama, en Italie, souhaitant rencontrer le Pape François, a trouvé porte close—trois fois. Le Pape reste aussi silencieux suite à l’arrestation (30/05) de Jean Peng Weizhao, administrateur apostolique à Yujiang (Fujian) et aux destructions d’églises autour de Wenzhou (Zhejiang). - Dès mai 2014, un proche du St Siège à Pékin estime réunies les conditions pour de nouvelles négociations, et précise que le Pape François n’attend que la notification du rendez-vous pour envoyer son émissaire.
– Le 1er mai, le Pape donne sa bénédiction apostolique au premier couvent de sœurs contemplatives ouvert en Chine depuis 1949. Le Jardin de Saint-Augustin fut consacré à Lintou (Shanxi) par Mgr Wu Jinwei, évêque de Yuncheng (même province), devant plus de 1700 fidèles.
Une visite papale en Chine ?
La rumeur qui envisage une visite papale en Chine fin août, lors de son passage en Corée du Sud (14-18/08), va peut-être un peu vite en besogne. Mais après 60 ans de rupture, les choses peuvent se précipiter : le temps d’une décision des deux bords, de franchir le pas.
À un PCC aux relations tendues avec ses églises bouddhiste lamaïste et islamique ouïgoure, une normalisation permettrait de prouver qu’il n’y a pas chez lui de refus idéologique de s’entendre avec quelque confession que ce soit.
Tandis que le Pape pourrait renouer à ciel ouvert avec ses ouailles en Chine : donner un élan à cette communauté déjà en plein essor et qui pourrait lui permettre de servir de levain à un regain de ferveur à l’Ouest.
Avant un tel dégel, l’Eglise patriotique chinoise (et derrière elle, bien sûr, le PCC, Xi Jinping en tête) attendent certainement du Pape un effort de plus : sa validation de la nomination de Joseph Tang Yuange, à la tête du diocèse de Chengdu (Sichuan), le 8 mai dernier.
Une concession mineure par rapport à l’enjeu : la Chine vaut bien une messe !
Sommaire N° 25