Le Vent de la Chine Numéro 25

du 21 juin au 4 juillet 2014

Editorial : « La sœur de César doit être irréprochable »

Canicule et campagne anti-corruption : même climat de pesanteur ! Les limiers de la CCID (la police du Parti) multiplient les enquêtes tous azimuts.

State Grid et Southern State Grid, les distributeurs étatiques d’électricité, sont accusés par le Bureau National d’Audit d’avoir détourné 6,7 milliards de ¥ (1 milliard de $) sur un projet de ligne à ultra-haute tension, et selon le professeur Wang Yukai, ce ne serait que la face visible de l’iceberg. Citic Resources, le grossiste public des métaux, avoue piteusement « ne pas retrouver » 123.000 tonnes d’alumine au port de Qingdao—43 millions de $ perdus ! La CIC (China Investment Corporation) aussi, déclare des « pertes » imputées à une gestion « illégale ». De nombreuses firmes sont épinglées pour avoir acheté leur certificat ISO9000 de complaisance.  L’ Académie des Sciences Sociales (CASS) se retrouve accusée de « déviation idéologique » et d’« intelligence avec l’étranger ». Avec une telle chasse aux sorcières, pas étonnant que tant de hauts cadres, invoquant surmenage ou autres prétextes, trouvent ce moment opportun pour fuir les Conseils d’administration ! 

Deux hauts personnages voient s’approcher l’heure du procès : le Général Xu Caihou, ex-n°2 à la Commission Militaire Centrale et Su Rong, ex-n°2 à la CCPPC (l’Assemblée consultative), plus gradé qu’un ministre. On attend toujours le point d’orgue de cette campagne, le procès de Zhou Yongkang, l’ex-allié de Bo Xilai. Zhou reste protégé des grandes familles « historiques », qui craignent pour elles-mêmes. Selon le New-York Times, sur 9 membres du Comité Permanent de 2007 à 2012, dont Zhou-même, quatre possédaient via leurs proches, plus de 150 millions $ d’actifs.

Face à l’orage, les grands de ce monde se mettent en règle, pour éviter de prêter flanc aux attaques anti-corruption : Qi Qiaoqiao (cf photo), la sœur de Xi Jinping, a revendu de 2012 à 2014 pour des centaines de millions de $ d’actifs, permettant au leader de donner l’exemple d’un entourage familial irréprochable face à la loi. 

Une main de fer frappe les dissidents (les membres de « Nouveaux citoyens »), mais aussi les sectes, les avocats, la presse. Toute critique envers l’Etat peut désormais être traitée comme cas de corruption et par les organes compétents. 

Tout en imposant ce climat glacial, Xi Jinping, qui pilote désormais tous les organes directionnels, avance aussi dans la réforme. Au Comité Directeur des Affaires Financières et Economiques, il ordonne (13/06) une révolution énergétique et des efforts inédits en économies d’énergie, en renouvelables et en nucléaire. Des dizaines de centrales thermiques à haut rendement et faible pollution, seront bâties proches des mines au centre du pays, avec capitaux partiellement privés. Le courant voyagera vers la côte via des lignes à ultrahaute tension, permettant de déclasser les unités polluantes. 
Par ailleurs, Xi lance des pistes de réformes inédites : celle de la « prison de rééducation » et celle du système judicaire. En six lieux, dont Shanghai et Qinghai, juges et procureurs seront nommés par la province. De même, le Conseil d’Etat prépare des directives pour supprimer le hukou (permis de résidence) dans les petites et moyennes villes. La Banque Centrale s’apprête à alléger taxes sur les PME et échanges transfrontaliers en yuan. On voit aussi se dessiner une réforme des écoles avec entre autres, un dépoussiérage des programmes.


Religion : Rapprochement Pékin-Vatican – La Chine vaut bien une messe !

Quand Xi Jinping fut adoubé 1er Secrétaire du Parti communiste chinois (PCC) en mars 2013, le Pape François qui lui aussi entamait ses fonctions, lui adressa un message de félicitation, auquel Xi répondit. 

C’était une nouvelle donne en géopolitique : deux hommes « neufs », chacun promettant des réformes de fond dans leurs vieilles maisons. 

Entre Pékin et le Vatican, les rapports sont brisés depuis 1949. Plusieurs essais de rapprochement ont échoué, comme en 2012 après l’assignation à résidence de Ma Daqin, l’évêque de Shanghai qui à peine nommé par le régime, dénonçait l’organe étatique de contrôle du catholicisme en Chine. 

De facto, le pays compte deux églises : l’officielle (sous contrôle) et celle de l’ombre (sporadique-ment persécutée). 

Toutes deux insistent sur leur fidélité au Pape, quoiqu’elles la matérialisent de façons différentes (l’officielle refuse de lire en chaire les lettres pastorales du Pape). Or, l’enjeu d’une normalisation est aussi de réunir ces deux clergés.

Aujourd’hui, les signes d’embellie se multiplient : 

– Le 8 juin 2014, Mgr Fang Xingyao, évêque officiel de Linyi (Shandong), Président de l’« Association Patriotique Catholique », confie à un media de Hong Kong que « le meilleur moyen de régler la question de l’ordination des prêtres (pierre d’achoppement entre Rome et le PCC) est de rétablir la relation diplomatique ». 

Un tel pas présuppose l’abandon des liens de la Curie avec Taiwan, mais le Vatican y est prêt depuis longtemps. 

– Le Dalai Lama, en Italie, souhaitant rencontrer le Pape François, a trouvé porte close—trois fois. Le Pape reste aussi silencieux suite à l’arrestation (30/05) de Jean Peng Weizhao, administrateur apostolique à Yujiang (Fujian) et aux destructions d’églises autour de Wenzhou (Zhejiang). - Dès mai 2014, un proche du St Siège à Pékin estime réunies les conditions pour de nouvelles négociations, et précise que le Pape François n’attend que la notification du rendez-vous pour envoyer son émissaire. 

Monastère Contemplatif De Femmes Lintou Shanxi

– Le 1er mai, le Pape donne sa bénédiction apostolique au premier couvent de sœurs contemplatives ouvert en Chine depuis 1949. Le Jardin de Saint-Augustin fut consacré à Lintou (Shanxi) par Mgr Wu Jinwei, évêque de Yuncheng (même province), devant plus de 1700 fidèles.

Une visite papale en Chine ?

La rumeur qui envisage une visite papale en Chine fin août, lors de son passage en Corée du Sud (14-18/08), va peut-être un peu vite en besogne. Mais après 60 ans de rupture, les choses peuvent se précipiter : le temps d’une décision des deux bords, de franchir le pas. 

À un PCC aux relations tendues avec ses églises bouddhiste lamaïste et islamique ouïgoure, une normalisation permettrait de prouver qu’il n’y a pas chez lui de refus idéologique de s’entendre avec quelque confession que ce soit. 

Tandis que le Pape pourrait renouer à ciel ouvert avec ses ouailles en Chine : donner un élan à cette communauté déjà en plein essor et qui pourrait lui permettre de servir de levain à un regain de ferveur à l’Ouest.

Avant un tel dégel, l’Eglise patriotique chinoise (et derrière elle, bien sûr, le PCC, Xi Jinping en tête) attendent certainement du Pape un effort de plus : sa validation de la nomination de Joseph Tang Yuange, à la tête du diocèse de Chengdu (Sichuan), le 8 mai dernier. 

Une concession mineure par rapport à l’enjeu : la Chine vaut bien une messe !


Défense : « Pour le repos, le plaisir du militaire… »

Insolite, cette information du PLA Daily (le journal de l’armée) porte à réflexion : à la Direction générale de l’Equipement, le budget des «  loisirs et équipements culturels » de l’homme du rang vient d’être doublé. Des centaines de casernes vont donc voir arriver juke-boxes, guitares, batteries, karaoké ainsi que cameras. L’objectif serait de « satisfaire les besoins spirituels et culturels de l’engagé », et « renforcer le sens de l’armée en cohésion et en capacité d’engagement ». 

La nouvelle apparaît authentique, mais pourrait bien avoir été passée à la moulinette de la censure pour masquer une crise au sein de « notre nouvelle grande muraille », surnom affectueux de l’APL. Cette décision arrive au cœur d’une campagne anti-corruption, dont l’effet majeur est de libérer d’énormes budgets, jusqu’à hier détournés à des fins imprésentables. Or, l’action suscite une panique chez les cadres, qui croient judicieux de limiter toutes dépenses au strict indispensable. 

De ce fait, pour relancer une économie atone, le 1er ministre Li Keqiang leur ordonne de recommencer à dépenser, sous peine d’être taxés de « passivité budgétaire », forme inédite de corruption pour se mettre en règle, l’Etat-major trouve comme moyen le plus inattaquable, d’équiper les soldats en cinémas, bibliothèques et salles de musique !

L’autre news de l’armée n’est pas moins curieuse : jusqu’à hier, lorsqu’elle recrutait, elle exigeait des candidats une musculature au-dessus de la norme. Mais depuis une semaine, elle s’intéresse aux QI et CV scolaires décents. Et elle en rabat sur ses attentes eugénistes : la taille minimum des garçons baisse de 2cm à 1,60cm, et celle des filles à 1,58cm. Ils ne doivent plus avoir une vision de faucon, 10/10. Ils peuvent même porter le tatouage, hier signe extérieur de passé carcéral ou d’esprit efféminé – sa taille ne devra toutefois pas excéder 10cm², dont pas plus de 25% visibles sous l’uniforme. 

Loin d’être dû à une évolution philosophique chez les recruteurs, ce chamboulement est la conséquence directe de l’informatisation ultrarapide de l’APL, anxieuse de se doter de forces de déploiement rapide et téléportée, et de capacité de guerre éclair. 

Radars, drones, hacking et télécoms de terrain consomment en permanence une matière grise, que les actuelles recrues de choix n’étaient pas à même de fournir. Tandis les petits, les bien-portants et tatoués eux, ont souvent développé les qualités, l’éveil mental, nécessaires au maintien du nouveau parc électronique. Autrement dit, à l’armée aussi vaut l’adage : « autres temps, autres mœurs ».


Diplomatie : Londres et Pékin : la résistible embellie

Après deux ans de froid, les liens sino-britanniques se réchauffent, avec la visite à Londres de Li Keqiang les 17-20 juin. Honneur rare, le 1er ministre a été reçu par la Reine Elisabeth II. En échange, il a bien aidé Londres à la veille d’un référendum crucial en Ecosse sur son indépendance, en déclarant : « la Chine préfère un Royaume-Uni, uni ». 

La réconciliation a lieu parce que la Chine, à terme, ne peut se passer du marché du RU, de ses technologies, de sa place financière londonienne. D’autre part, sur un plan géostratégique elle ne peut maintenir trop de fronts tendus : en conflit sur la mer de Chine avec la moitié de l’Asie (Japon, Vietnam, Philippines), elle juge le moment opportun pour repasser au beau fixe avec l’Europe. Ceci, jusqu’au prochain litige commercial…

Li Keqiang CameronComme gage d’amitié, et suivant l’exemple de la France, David Cameron, le 1er ministre britannique, a créé un visa rapide pour Chinois et Indiens, avec possibilité de dépôt en ligne. Les deux pays ont échangé deux nouveaux consulats : Belfast pour la Chine, Wuhan pour le RU. Le nombre d’étudiants va exploser : 10.000 bourses chinoises au Royaume-Uni sous 5 ans, 80.000 jeunes anglais en Chine d’ici 2020.

Une moisson de contrats…

Au chapitre « contrats », le bilan est flatteur mais pour certains accords, il y a encore manifestement loin de la coupe aux lèvres. 

Pour 20 milliards de $, BP livrera d’ici 2034 à la Cnooc 1,5 million de tonnes de gaz GNL par an. Conclu peu après l’accord « russe » entre CNPC et Rosneft (30 ans, 400 milliards de $), ce « deal » suggère que la Chine veut discrètement diluer sa dépendance au gaz russe.

Les autres contrats, ensemble, « pèsent » 23 milliards de $. La banque privée Mingsheng met 1,5 milliard de $ dans son QG euro-londonien. China Construction Bank, 2nde banque chinoise, déjà implantée dans la capitale, y reçoit la 1ère licence de clearing en yuan—elle pourra financer directement des affaires traitées en RMB. La China Development Bank s’associe à Lloyds pour sécuriser les chantiers de futurs réseaux de TGV et de centrales nucléaires. 

Ces deux marchés sont au cœur des débats. Un mémorandum a été signé, pour permettre à la Chine de construire et d’opérer au Royaume-Uni des équipements dans les secteurs de l’énergie et des transports. En échange, Pékin pourrait laisser des groupes britanniques participer au chantier du tunnel Dalian-Yantai, « monstre du Loch Ness » de 123 km sous la mer de Bohai, pour 42 milliards de $. 

Mais méfiance…

– Ayant déjà foré des milliers de tunnels sur son sol, la Chine pourrait n’avoir plus besoin d’assistance.

– A Londres, la méfiance règne. 10 ans en arrière, la Chine avait offert à Shell et Exxon un partage du chantier du gazoduc Ouest-Est de 4500 km de long. Les étrangers avaient donc réalisé les études dont la Chine n’avait pas l’expertise. Puis Pékin avait adjugé l’affaire à 100% à la compagnie nationale CNPC. 

– En nucléaire, malgré un 1er projet à Hinckley Point signé avec EDF Energy comme garantie de qualité, le Royaume-Uni s’inquiète de la sécurité d’une technologie chinoise encore jamais construite – s’agissant de centrales « de 3ème génération ». 

– De même, en TGV, le RU, comme le monde entier, garde en mémoire les accidents parfois graves ayant émaillé le déploiement du réseau chinois. « Ce que les Britanniques attendent de nous, soupire Wang Mengshu, vice-ingénieur en chef à China Railway Tunnel, est notre financement, rien d’autre »… 

Une attitude décomplexée

En conclusion de cette visite, ce qu’il faut retenir, est l’attitude décomplexée, voire un peu revancharde de la Chine face au Royaume-Uni. 

Avant l’arrivée de Li, la presse rectifiait son palmarès des puissances en Europe, entre RU, Allemagne et France : de la 1ère place en 2000, elle rétrogradait Londres à la 3ème cette année. Puis à peine Li envolé pour sa 2ème étape en Grèce, les médias chinois faisaient ces commentaires désinvoltes : « la Grande-Bretagne, vieil empire sur le déclin », « l’Angleterre, on ne fait pas plus chauvin », et « la Chine a éclipsé le Royaume-Uni comme superpuissance ». Or, il ne faut pas s’illusionner : en termes de vision d’une Europe en perte de vitesse, ce qui vaut pour Londres, vaut aussi pour Paris ou Berlin…


Santé : Chine—mieux vaut prévenir que guérir…

Que la société chinoise jouisse d’une espérance de vie comparable à celle de l’Européen moyen, est une raison légitime de fierté, souvent publiée par le régime. Mais quid de l’espérance de vie en bonne santé ? Relativement banal en Occident, cet indicateur jusqu’à hier manquait en Chine. 

Suivant la recommandation de l’OMS, le Centre de Prévention et de Contrôle des maladies (CDC) de Pékin vient de calculer le sien, chez 6000 Pékinois (des quatre districts intra-muros complétés de deux cantons ruraux), en soustrayant de l’espérance de vie les années passées sous l’empire de cancers, arthrite, troubles cardiaques ou cérébrovasculaires, diabète ou hypertension. 

Le portrait qui se dégage des résultats, est brutal : sur une espérance « brute » de 81,5 ans, le Pékinois de 18 ans peut espérer en tirer 40,2 autres en bonne santé. Dès 58 ans, commencera le lent naufrage, 18 ans de vie (un quart de la vie entière) diminuée et en souffrances et/ou handicaps croissants. Deng Ying, directeur du CDC, conclut que « la qualité de vie des Chinois est tout sauf idéale ». C’est une litote : en Occident, cette phase de fin de vie diminuée n’est que de 10 ans, voire de 8 au Canada. 

Une autre injustice désignée par l’étude, est celle des genres. 

L’ homme vivra 80 ans dont 43,4 années sans maladie. La femme elle, atteindra 84 ans, mais seulement 38 années saines. 

Les hommes vivent donc moins longtemps, mais en meilleure santé, et le CDC conseille au beau sexe, dans l’empire du Ciel, de se soucier davantage de sa santé.

Pourquoi ce déficit de santé face à l’Occident ? Les réponses des épidémiologues sont à vrai dire sans surprise : la qualité alimentaire et la pollution jouent un rôle déterminant. La disponibilité en soins médicaux est aussi un facteur aggravant. En Occident, de bons hôpitaux, une bonne prise en charge permettent de détecter et prévenir ces maladies avant qu’elles ne fassent leurs ravages. 

En 2012, selon le ministère de la Santé, 260 millions de patients chinois souffraient de maux chroniques, qui occasionnaient 85% des décès, et 70% des frais de santé. Mais traités trop tard, ces maux deviennent souvent inguérissables, causant une ponction fatale dans le budget des Chinois, comme dans leur bien-être. 

Autrement dit, le sens de toute réforme médicale en Chine à l’avenir, consistera à aller vers la prévention et des campagnes de dépistage—beaucoup plus tôt.


Petit Peuple : Linyi – l’odyssée d’un marin pauvre (1ère partie)

Jusqu’à cette nuit d’octobre 2010, il n’était jamais arrivé rien d’extraordinaire à Sun Zhenlong, 35 ans, pauvre bougre du Shandong, embarqué à bord d’un chalutier de Weihai qui en-chaînait les campagnes de 15 jours à un mois en mer de l’Est, entre Chine, Corée et Japon. 

Sous un grain de mi-saison, la mer faisait de grosses vagues, troublant le somme des hommes dans leur dortoir, derrière la timonerie. Mais l’air était bon, en ces quelques semaines qui séparent la canicule orageuse d’été, des blizzards glaçants et humides de l’hiver. 

Vers 3h du matin, tiré de ses songes par le roulis, Sun sortit sur le pont prendre l’air, observer le blanc perlé des embruns se détachant de l’obscur glauque. Alors, le destin voulut qu’un fort rouleau fasse tanguer le bâtiment par le biais : trop près du bord, engourdi de sommeil, Sun trébucha sans parvenir à se rattraper au bastingage, passa par-dessus bord et fut projeté dans l’eau noire.

Buvant la tasse, il se vit proche de la noyade. Sa chance fut, contrairement au marin chinois moyen, de savoir nager et d’avoir les muscles de ses 35 ans. Il se mit à la brasse, de toutes ses forces, et une demi-heure après, au moment où elles venaient à lui manquer, il trouva son salut : un débris de flottaison, une large planche à laquelle il put s’arrimer. 

À l’aube, un autre coup de pouce des Dieux arriva : apercevant ses gestes désespérés, un chalutier tout rouillé et en mauvais état, fit halte pour le recueillir. 

Ces nouveaux compagnons, marins pêcheurs comme lui, ne se montrèrent ni chaleureux, ni volubiles. Mais ils lui donnèrent des vêtements secs, un bol de « zhou » brûlant (soupe de riz) agrémenté de navet fermenté, une paillasse et une couette dans un coin du dortoir, où il s’effondra durant 12h. Le soir venu, ils partagèrent avec lui leur ordinaire – un bol de poisson avec du riz – puis lui permirent quelques heures de repos. 

Vers deux heures du matin, ils le réveillèrent pour la pêche. Tandis que le navire immobile sur son ère, allumait ses mâts éblouissants de projecteurs, il reçut l’ordre de lancer au loin une ligne lestée à 200 grammes, montée d’hameçons à espaces réguliers, puis de rembobiner à la force des bras et déverser les poissons dans un bac, à côté de lui. Plein de gratitude envers ses sauveteurs, Sun travailla avec ardeur, la nuit et le jour suivant, acceptant, sans rechigner, un quart à la barre. 

Il ne put toutefois s’empêcher de noter l’ambiance étrange à bord, les signes sourds et inquiétants. Ces gars étaient Chinois comme lui, mais du Dongbei, et non de son Shandong – il ne comprenait pas leur dialecte rau-que, entrecoupé de mots étrangers, russes ou coréens, Sun ne pouvait pas dire. Dans la journée, il y avait eu ces messes basses entre matelots et officiers, conciliabules qui s’interrompaient quand il se rapprochait. 

Puis vint le soir de la catastrophe. Prenant son courage à deux mains, Sun tira la porte coulissante de la timonerie pour s’adresser au capitaine, le remerciant encore avec effusion pour son sauvetage, et le priant de lui dire quand il pourrait rejoindre le port, la terre ferme, sa femme et son enfant à Linyi (Shandong), à deux jours de navigation. 

Quelle ne fut pas sa stupéfaction, son désespoir quand l’homme, dans son sabir désagréable, lui signifia que rien sans rien, son repêchage avait engendré des coûts, qu’il allait devoir rembourser. Pas en argent, mais en travail forcé : « t’en as pour trois ans, mon gars », conclut l’officier, d’un sourire persifleur.

Élevant la voix, criant de toutes ses forces, Sun tenta de les impressionner : il y avait une justice dans ce pays, ils risquaient gros et feraient mieux de le relâcher sans faire d’histoires ! C’est alors que la demi-douzaine de gars se contenta de l’entourer en silence, retroussant les manches, bombant des pectoraux, se fendant d’un sourire malsain : en guise de réponse à son petit discours, le bosco lui flanqua un poing dans la mâchoire qui l’envoya à terre. 

Nettoyant d’un revers de main le sang sur ses lèvres, Sun se releva en riant jaune, tentant de prendre l’affaire à la blague. Il implora alors, par compassion, qu’on le laisse appeler sa femme par téléphone portable. En effet, le sien avait pris l’eau… Mais sans la moindre inflexion d’humour, ou d’une quelconque émotion dans la voix, le maître d’équipage lui répondit que « non – on te laisse pas leur dire que t’es en vie, et avec nous : sois content comme ça ». 

C’est alors, que parvint à sa conscience claire ce détail qui le taraudait depuis son arrivée : ni sur la coque, ni en timonerie, il n’avait vu de numéro d’immatriculation, de nom du navire. L’implication était aussi implacable que gravissime : il était prisonnier sur un navire de pêche pirate, et « d’une vague, s’étaient ensuivis trois désastres » (一波三折) – il était tombé de Charybde en Scylla ! 

Le pauvre Sun se sortira-t-il de son odyssée maléfique ? Vous le saurez en lisant la suite, au Vent de la Chine n°26-27, publié le 7 juillet !


Rendez-vous : Semaine du 23 juin au 6 juillet 2014
Semaine du 23 juin au 6 juillet 2014

25-27 juin, Chengdu : NEPCON, Salon des équipements de l’industrie électronique

25-27 juin, Shanghai : AQUATEC, Salon international des procédés pour l’eau potable et le traitement de l’eau

25-27 juin, Shanghai : FLOWEX, Salon international des pompes, valves et tuyaux

26-27 juin, Shanghai : AD:TECH Chine, Salon et Conférence sur les technologies de la publicité numérique

26-28 juin, Canton : HOSFAIR, Salon international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie, de l’alimentation et des boissons

26-28 juin, Shanghai : BIOPH / CPHI, Salons de la pharmacologie et des biotechnologies, et des ingrédients pharmaceutiques

26-28 juin, Shanghai : Expo Starch, Salon international dédié à l’amidon et ses produits dérivés

26-28 juin, Shanghai : FI Asia-China, Salon international des ingrédients alimentaires

26-28 juin, Shanghai : ICSE / INNOPACK China, P-MEC, LABWORLD China, Salons de l’industrie pharmaceutique, de ses emballages, et des machines et équipements pour l’industrie pharmaceutique

27-29 juin, Pékin : BITE, Beijing International Tourism Expo

1er- 6 juillet Shanghai : SILE-LED Shanghai, Salon international de l’éclairage et des technologies de LED

Mariage Traditionnel

3-6 juillet, Shanghai : CIWE, Salon du mariage

3-6 juillet, Shanghai : CONVERTECH China, Salon du laminage, film et impression

3-6 juillet, Shanghai : Photo & Imaging China, HD Screen and Digital Signage Expo, Salons de l’image et affichage numérique

4-6 juillet, Pékin : CIPFE, Salon des produits agroalimentaires importés

4-6 juillet, Yantai : SITEVINITECH China, Forum international du vin et des équipements vitivinicoles

4-7 juillet, Pékin, Luxury China, Salon asiatique du luxe