Economie : Conjoncture : le retour au galop de l’investissement public !

En mai 2014, l’économie chinoise s’est arrachée à la panne qui la bloquait depuis janvier. 

L’exportation a repris de 7%, le surplus commercial a presque doublé à 35,9 milliards de $. L’inflation a remonté de 2,5%, traduisant une vraie demande et écartant le spectre de la déflation. L’indice des directeurs d’achats industriels (PMI), baromètre d’optimisme des patrons, remonte, atteignant 49,4 en mai—signe de consolidation mais il reste négatif, sous de la barre des 50. Ce sont surtout les services qui redémarrent, à 55,5, comme l’export à 53,2 – meilleur score en 22 mois. 

Seul indice encore faible : l’immobilier (qui pèse 15% de l’économie et soutient 40 secteurs) dont la hausse s’effrite, voire passe au rouge (Xiamen, -6,4%). Là, il y a réel problème quand on sait (selon une étude de l’Université du Sud-Ouest) que 49 millions de logements (22% du total) sont vendus mais sans locataires, et que 3,5 millions restent invendus. 

C’est une des raisons à la chute du PIB de 7,7% (fin 2013) à 7,4% en mai 2014. On attend un PIB de 7,3% pour l’année 2014 – le plus faible en 24 ans. 

Le bilan eût été pire sans un fort coup de pouce du Conseil d’Etat : en mai, il a investi pour 209 milliards de $ en soutien à la consommation, soit +25% et bien plus que ses 9,6% de hausse de janvier à avril. 

Au 17/06, pour les prêts à la consommation, il libère pour deux tiers des banques, 0,5% de leurs fonds de réserve. Cumulés aux mesures de mai, ce sont 90 millions de $ que Li Keqiang a débloqué : montant modeste, mais destiné surtout aux banques municipales et rurales, maximisant ainsi l’effet. Pékin a aussi ouvert en mai 80 projets d’infrastructures faisant appel à l’investissement privé, dont 54 dans les énergies, avec 117 milliards d’euros d’apport public. 

Autres mesures 

– En faveur des exportateurs, la Banque Centrale fait baisser le yuan de 3% par rapport au $. ‚ 

– Par deux fois, Li Keqiang tonne contre les cadres gelant leurs budgets, les menaçant de les confisquer en 2015, s’ils n’étaient pas déboursés en fin du mois. 

– Début juin, le Conseil d’Etat publie un plan « expérimental » autorisant 10 entités parmi les plus riches et les plus endettées (telles Pékin, Zhejiang ou Shandong) à émettre des obligations directes. Les modalités (tels les quotas) restent à définir, mais c’est la deuxième année qu’un tel plan est émis, contredisant la promesse souvent réitérée par Li Keqiang de réformer la taxation pour doter les provinciaux de ressources plus saines et moins toxiques… 

En fait, Li Keqiang, après avoir fait de la dérégulation son cheval de bataille, semble commencer à faire du stimulus sans le dire : son dernier mot d’ordre est : « Non à la croissance aveugle, Oui à une croissance « raisonnable ! »

Face à l’apparente volte-face, Banque mondiale et Fonds monétaire international (FMI) froncent les sourcils, priant Pékin de tenir bon.
Pour ces institutions, le régime d’austérité, pour cette économie à forte surcapacité, est bénéfique. Afin d’aider les provinces à réduire leurs investissements spéculatifs ou protectionnistes, le FMI voudrait voir Li Keqiang rogner l’objectif de PIB annuel, des 7,5% annoncés au Parlement en mars, à 7%. 

Cela dit, le souci du Premier ministre s’entend bien, face à une économie bloquée depuis janvier, aux faillites de PME, aux lourdes pertes des consortia publics, et aux administrations gardant leurs budgets non dépensés afin de s’éviter des accusations de corruption. 

Si la baisse se poursuivait jusqu’à 2017, fin de sa première législature, Li Keqiang ferait face à la meute des mécontents, et risquerait de rater sa nomination à un second mandat. Depuis la Révolution culturelle, il serait alors le premier chef de l’exécutif à n’avoir pas tenu l’objectif de croissance promis (7,5% de PIB)… 

Dernier point, marginal en Chine mais qui concerne davantage le lecteur. La morosité des derniers mois a déteint—c’était à prévoir—sur les firmes expatriées de la Chambre de Commerce Européenne : en 2013, elles sont 57% sur 550, prêtes à poursuivre l’investissement en Chine, contre 86% en 2012. 46% feignent de croire que « la Chine, c’est fini ». Les vieilles récriminations ressortent : le protectionnisme larvé et l’application discrétionnaire des lois et règlements leur ont fait perdre l’an dernier 21,3 milliards d’euros de parts de marché. 

Tout ceci devrait être un signal d’alarme pour le tandem au pouvoir. Son programme de 2012, de dérégulation et de croissance plus faible pour assurer l’avenir, garde sa pertinence, mais n’a pas abouti. La Chine continue à consommer plus qu’elle ne produit. 

La preuve : l’investissement social public continue à croître deux fois plus vite que le PIB, mais son rendement a disparu. Face aux 0,87$ qu’il rapportait par dollar investi en 2007, il n’en génère plus en 2013 plus que 0,10$ ! Autrement dit, Xi Jinping et Li Keqiang n’ont plus un temps infini devant eux, pour réagir.

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