Etonnante Chine ! À la veille du COP 17, (Conference of the Parties) sommet climatique de Durban, elle prétend changer de ligne, d’un protectionnisme ombrageux vers une ouverture tous azimuts. Elle l’affirme dans son dernier « Livre blanc » (22/11), publié juste avant la rencontre des 180 pays et entités participants :
[1] Pékin y confirme le lancement d’un plan contraignant de crédits-carbone dans 7 métropoles et provinces, avec quotas d’émission de CO2 et bourses d’échange des reliquats.
[2] Pour la 1ère fois, il fait bon accueil aux ONG, jusqu’alors non-grata en tant que rivales du monopole étatique : « Earth Hour » (du WWF) et « Energy Foundation » sont saluées.
[3] à Chengdu (22e Commission mixte, 21/11), la Chine promettait aux US la production et vente de voitures électriques à pied d’égalité avec celles chinoises. Or les négociateurs américains révèlent que ces privilèges s’étendront à toute l’industrie high-tech (des énergies renouvelables à la biotechnologie, aux nanotechnologies et nouveaux matériaux) : comme sur ces secteurs, au titre du XII. Plan, l’Etat réservera 1700MM$ d’investissements en marchés publics, R&D et subventions, c’est une forte concession à l’Amérique (et à l’Europe, erga omnes), sous réserve d’inventaire !
Sur le plan théorique, tout en maintenant sa vieille prétention, par la voix du vice-Président de la NDRC (National Development and Reform Commission) Xie Zhenhua, que « la responsabilité du réchauffement global incombe d’abord aux pays développés -c’est donc à eux d’assumer l’effort de mitigation », Pékin embouche une trompette plus humble, réaliste et… solidaire : « l’espèce humaine cherche désespérément, à travers tous ses pays, à réduire les émissions de CO 2». Premier producteur de CO², Pékin admet aussi que ses efforts ne suffisent pas puisqu’ils aboutissent à une hausse.
Tout ceci suffira-t-il à arracher un succès à Durban ? Sans doute pas de suite. Une part des 40 nations ayant accepté par le passé, sous le protocole de Kyoto, de se plier à une baisse contraignante, sont déçues par la ligne dure jusqu’à ce jour, du « bloc tiers-mondiste » conduit par Pékin. D’autres comme les USA sont ingouvernables, et sous l’effet de leur lobby pétrolier, refusent tout effort environnemental.
Parmi les problèmes à résoudre à Durban figurent la gestion d’un fonds vert de 100 milliards de $, pour l’accès des pays en voie de développement aux technologies à bas carbone. Les pays en voie de développement le veulent « sans contrôle », or les Occidentaux exigent un droit de surveillance.
De même, le principe d’un traité à deux vitesses, où les grands pollueurs peuvent rester absents (USA) ou exemptés (Chine), devient moins acceptable pour les nations «ex-riches» en pleine tempête financière. Aussi, l’objectif en 2015 d’un accord intérimaire, apparaît prématuré pour la Russie et le Japon. Enfin, le plan européen de crédits carbone « aviation » suscite en Chine et ailleurs, une levée de boucliers (cf p.3, interview).
Mais au-delà du rendez-vous de Durban, la Chine fait ses comptes, à l’horizon 2015. Selon un de ses think-tanks climatiques internationaux, son XII. Plan, lui coûterait 909 milliards de $ en investissements environnementaux et en fermetures d’activités, 15,6 milliards de $ de PIB et 0,95 million d’emplois. Mais ces pertes seraient compensées par 224 milliards de $ de création de PIB et 10,6 millions de jobs. Le calcul est vite fait, et le choix solide et définitif, d’un tournant vers une économie durable et à bas carbone -même s’il implique l’obligation d’attirer les technologies nouvelles et de partager le marché avec l’étranger – comme la Chine se prétend désormais prête à le faire.
Sommaire N° 38