Diplomatie : Philippines – Pékin lâche du lest

Benigno Aquino III, Président des Philippines, réservait à la Chine sa 1ère visite d’Etat (30/08-03/09) : normal, son ancêtre ayant émigré en 1861 de Hongjian (Fujian).

Aquino fut reçu en grande pompe par les n°1 du Parti communiste chinois (Hu Jintao ), du Conseil d’Etat (Wen Jiabao ) et de l’ANP – le Parlement (Wu Bangguo ). Idem, la liste des promesses chinoises fut longue: le doublement des échanges d’ici 2016 à 60MM$; 1,5MM$ d’investissements aux Philippines par des firmes d’Etat; une part substantielle du fonds Chine-Asean (1MM$). (Association des Nations d’Asie du Sud-Est)

Et pour insuffler une « énergie nouvelle » aux échanges, Pékin offrait une route navale en Mer de Chine du Sud à l’abri des interceptions de l’APL (l’armée populaire de libération), et des modalités d’application mutuellement contraignantes du code de conduite Chine-Asean (proposées dès juillet à l’Asean) sur cette mer.

La relation sino-philippine revient de loin. En 1949, la révolution chinoise héritait d’une revendication du KMT (Parti du Kuomintang) sur toute la Mer de Chine.

Exigence anachronique, mais qui devient dangereuse, à l’heure où la Chine commence à avoir les moyens de ses ambitions, se dotant d’une flotte puissante dont le dernier gadget est le porte-avions Shi Lang racheté à l’Ukraine, relancé en juillet. Depuis 2009, l’APL a arraisonné 500 chalutiers vietnamiens, chassé en mars un navire d’exploration philippin, puis en juin, un autre pour le compte du Vietnam. La tentation est exacerbée par les richesses de cette mer: 17,7MMt d’hydrocarbures estimés (plus que le Koweit), des routes maritimes entre Asie, USA et Europe (convoyant 25% du pétrole mondial).

Tout ceci a résonné sur toute l’Asie comme un signal d’alarme : Hanoi a commandé six sous-marins à la Russie, Manille a racheté un vieux navire de l’US Navy. Hanoi a invité l’US Navy et la flotte russe à revenir à sa base de Cam Ranh et « inspiré » en juin, des manifs antichinoises sur son sol.

Face à l’APL, le rapprochement militaire Asie-USA s’accélère : en juillet, un navire d’assaut indien, le INS Airavat rendait visite au Vietnam -et recevait, de retour en mer, un appel chinois le priant de s’identifier et expliquer sa présence -ordre qu’il ignora, mais qui fit le tour des chancelleries. En octobre, Inde, USA et Japon discuteront à Tokyo «stratégies communes». Philippines et Vietnam en tête, l’Asean revendique un partage de la Mer de Chine du Sud en négociations multilatérales, sous parrainage américain, ce que Pékin refuse, prétendant tout régler avec chacun séparément, sans témoins, selon sa loi.

Pour sortir de cette confrontation explosive, la dernière offre de Hu peut changer la donne. Sans renoncer en rien, pour l’instant, à toutes ses prétentions, ses «modalités contraignantes» expriment une volonté de prévenir tout dérapage. Si elles étaient acceptables par les petits voisins (leur permettant de commencer à exploiter le pétrole à leur porte, ce dont Manille a désespérément besoin), elles pourraient rendre superflu l’arbitrage américain, et permettre à Pékin d’accepter le principe de palabres multilatérales, voire d’un arbitrage de l’ONU, seule vraie voie de sortie.

Cet espoir, ou plutôt retour de balancier chinois, a suffi à Aquino pour affirmer que « de très distantes au départ, les positions des deux pays s’étaient rapprochées» et qu’il « s’apprêtait à rapporter beaucoup de bonnes nouvelles » à ses concitoyens. Sur le fond bien sûr, rien n’est réglé. Mais la concession rhétorique permet à Pékin de gagner du temps et de préparer l’idée que cette Mer, comme toute, est à tout le monde. Un dossier lourd de plus, à traiter après 2012 par le prochain gouvernement de Xi Jinping.

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