Editorial : Le PC chinois : en quête d’âme, et d’avenir

A l’ombre d’une censure plus puissante que jamais, mille luttes jalonnent la vie du régime, reflétant les douleurs d’accouchement d’une société chinoise urbaine-industrielle de demain. L’échéance brûlante, en oct. 2012, est le XVIII. Congrès, qui inaugurera l’équipe politique dirigée par Xi Jinping, le vice-Président en tournée en Amérique latine (voir VdlC 23 de la semaine prochaine).

D’ici-là, les choix auront-ils été faits? Des réformes seront-elles offertes pour tirer le pays de son blocage sur toutes les grandes questions (énergie, droit du sol, finance, libertés)?

On en doute, vu les écarts d’intérêts et les conflits, personnels et de faction. Sur ces mutations, nous tenterons de faire le point, par épisodes successifs jusqu’au 1/07, 90. anniversaire du Parti communiste chinois (PCC). A commencer, aujourd’hui, par les grands thèmes qui font frémir le Parti.

Du jamais vu en ce pays: en tir groupé, 30 citoyens viennent de se déclarer candidats indépendants aux élections de mai, où 230.000 assemblées municipales ou cantonales verront 900millions de votants élire 2millions d’édiles. Les indépendants légitiment leur inscription par des pétitions de supporters. Or, en pratique, les listes des éligibles sont à la discrétion du PCC (sections locales), sauf pour les élections au village. Même si en principe, loi et constitution permettent l’élection «des citoyens» par «les citoyens». Il y a même eu des cas d’indépendants élus, et par rapport au scrutin de 2006, l’enthousiasme est « sans précédent », dit Xu Zhiyong, élu de Pékin : traduisant une demande inédite de la base, pour élire ses dirigeants.

Anxieusement, on attendait la position du Parlement (ANP), l’autorité en la matière. Mais elle embrouille plutôt les choses : les indépendants n’auraient «nulle base légale» – propos qui d’ailleurs incendie la majorité, réformiste, de l’opinion. Mais pour autant, l’ANP se garde de leur interdire l’accès au suffrage. Aussi des indépendants tels Li Chengpeng et Wu Danhong interprètent la citation comme un feu vert à leur tentative, du seul fait d’avoir brisé, en si haut lieu, le mur du silence sur le sujet.

Ces indépendants ont d’ailleurs pris la leçon de Liu Xiaobo, dissident que la Charte 2008 avait mené en prison (et au Nobel de la Paix): ils ont évité tout programme commun, espérant échapper à l’accusation de « sédition »…

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De la nomenklatura surgit un conflit insolite:veuve de Mao Anying (fils du Timonier), Liu Siqi lance une action contre Xin Ziling, général, auteur de la chute du soleil rouge, pamphlet anti-Mao qui prédit la chute du Timonier de son piédestal, pour permettre à la société d’en faire une «saine évaluation».

L’économiste Mao Yushi est aussi visé, accusé d’avoir soutenu le livre. Mais la campagne, partie de plus haut, viserait indirectement un vote secret du Politbureau de décembre, bannissant à l’avenir toute référence officielle à la pensée de Mao : la vieille garde tentant ainsi de retarder l’ultime déboulonnage du Soleil des peuples.

Tel vote ne pouvait se faire que sous l’autorité de Hu Jintao. Hasard?

Au même moment surgissait place TianAnMen, face au portrait de Mao, sans plus d’explications une statue de Confucius, contre qui Mao lançait 40 ans plus tôt une campagne 批林批孔? Quelques semaines après, la statue repartait sans plus de commentaire:symptômes d’un douloureux examen de conscience, au Saint du Saint du régime, sur l’homme-symbole, et les choix d’avenir. En filigrane de ce débat, une nouvelle image de Hu vient se superposer à celle du conservateur nostalgique: celle d’un arbitre, les mains liées par la paralysante majorité «léguée» par Jiang Zemin…

Face à l’avenir, le défi de Hu Jintao est redoutable : 1er leader à devoir baisser le feu d’une croissance intenable, il n’a pas, pour s’imposer, le charisme d’un Deng ou d’un Mao. Impossible pourtant de couper les ponts avec le monde, pour une glorieuse autarcie socialiste. On peut juger dangereux l’actuel surgel de la réforme, qui sonne le glas d’une longue ère de dirigeants pragmatistes et volontaristes. Mais des choix du leader présent, dépendent la survie du régime, et il n’aura droit qu’à un essai. Et par malheur, le système veut que le leader suprême, derrière ses murs calfeutrés, n’entende pas les cris du pays, assourdi par ceux de l’armée, des provinces et des lobbies industriels.

 

 

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