Le Vent de la Chine Numéro 22

du 12 au 18 juin 2011

Editorial : Le PC chinois : en quête d’âme, et d’avenir

A l’ombre d’une censure plus puissante que jamais, mille luttes jalonnent la vie du régime, reflétant les douleurs d’accouchement d’une société chinoise urbaine-industrielle de demain. L’échéance brûlante, en oct. 2012, est le XVIII. Congrès, qui inaugurera l’équipe politique dirigée par Xi Jinping, le vice-Président en tournée en Amérique latine (voir VdlC 23 de la semaine prochaine).

D’ici-là, les choix auront-ils été faits? Des réformes seront-elles offertes pour tirer le pays de son blocage sur toutes les grandes questions (énergie, droit du sol, finance, libertés)?

On en doute, vu les écarts d’intérêts et les conflits, personnels et de faction. Sur ces mutations, nous tenterons de faire le point, par épisodes successifs jusqu’au 1/07, 90. anniversaire du Parti communiste chinois (PCC). A commencer, aujourd’hui, par les grands thèmes qui font frémir le Parti.

Du jamais vu en ce pays: en tir groupé, 30 citoyens viennent de se déclarer candidats indépendants aux élections de mai, où 230.000 assemblées municipales ou cantonales verront 900millions de votants élire 2millions d’édiles. Les indépendants légitiment leur inscription par des pétitions de supporters. Or, en pratique, les listes des éligibles sont à la discrétion du PCC (sections locales), sauf pour les élections au village. Même si en principe, loi et constitution permettent l’élection «des citoyens» par «les citoyens». Il y a même eu des cas d’indépendants élus, et par rapport au scrutin de 2006, l’enthousiasme est « sans précédent », dit Xu Zhiyong, élu de Pékin : traduisant une demande inédite de la base, pour élire ses dirigeants.

Anxieusement, on attendait la position du Parlement (ANP), l’autorité en la matière. Mais elle embrouille plutôt les choses : les indépendants n’auraient «nulle base légale» – propos qui d’ailleurs incendie la majorité, réformiste, de l’opinion. Mais pour autant, l’ANP se garde de leur interdire l’accès au suffrage. Aussi des indépendants tels Li Chengpeng et Wu Danhong interprètent la citation comme un feu vert à leur tentative, du seul fait d’avoir brisé, en si haut lieu, le mur du silence sur le sujet.

Ces indépendants ont d’ailleurs pris la leçon de Liu Xiaobo, dissident que la Charte 2008 avait mené en prison (et au Nobel de la Paix): ils ont évité tout programme commun, espérant échapper à l’accusation de « sédition »…

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De la nomenklatura surgit un conflit insolite:veuve de Mao Anying (fils du Timonier), Liu Siqi lance une action contre Xin Ziling, général, auteur de la chute du soleil rouge, pamphlet anti-Mao qui prédit la chute du Timonier de son piédestal, pour permettre à la société d’en faire une «saine évaluation».

L’économiste Mao Yushi est aussi visé, accusé d’avoir soutenu le livre. Mais la campagne, partie de plus haut, viserait indirectement un vote secret du Politbureau de décembre, bannissant à l’avenir toute référence officielle à la pensée de Mao : la vieille garde tentant ainsi de retarder l’ultime déboulonnage du Soleil des peuples.

Tel vote ne pouvait se faire que sous l’autorité de Hu Jintao. Hasard?

Au même moment surgissait place TianAnMen, face au portrait de Mao, sans plus d’explications une statue de Confucius, contre qui Mao lançait 40 ans plus tôt une campagne 批林批孔? Quelques semaines après, la statue repartait sans plus de commentaire:symptômes d’un douloureux examen de conscience, au Saint du Saint du régime, sur l’homme-symbole, et les choix d’avenir. En filigrane de ce débat, une nouvelle image de Hu vient se superposer à celle du conservateur nostalgique: celle d’un arbitre, les mains liées par la paralysante majorité «léguée» par Jiang Zemin…

Face à l’avenir, le défi de Hu Jintao est redoutable : 1er leader à devoir baisser le feu d’une croissance intenable, il n’a pas, pour s’imposer, le charisme d’un Deng ou d’un Mao. Impossible pourtant de couper les ponts avec le monde, pour une glorieuse autarcie socialiste. On peut juger dangereux l’actuel surgel de la réforme, qui sonne le glas d’une longue ère de dirigeants pragmatistes et volontaristes. Mais des choix du leader présent, dépendent la survie du régime, et il n’aura droit qu’à un essai. Et par malheur, le système veut que le leader suprême, derrière ses murs calfeutrés, n’entende pas les cris du pays, assourdi par ceux de l’armée, des provinces et des lobbies industriels.

 

 


A la loupe : FMI – Lagarde à Pékin, la méthode Coué

«Je suis comme je suis», répondit bourrue Chr. Lagarde, à une question sur son élégance « so French » -c’était à Pékin le 9/06, après son passage devant un genre de jury d’examen pour l’ex-poste de Dominique Strauss Kahn (DSK) à la tête du Fonds Monétaire International (FMI).

La ministre française des finances passait en Chine après le Brésil et l’Inde-les pays émergents, ceux qu’il faut convaincre. La Chine était bien sûr cruciale, 2de puissance économique mondiale, chef de file des pays émergents. 

Lagarde avait été reçue par Xie Xuren le ministre des finances, son «ami de longue date», Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la BPdC, le Vice 1er Wang Qishan (patron de l’économie) et Yang Jiechi le ministre des affaires étrangères. Lagarde se disait « très confiante », du fait du niveau auquel elle venait d’être entendue, de sa propre carrure, et d’atouts structurels qui la précédaient dans sa démarche.

[1] les années de coopération franco-chinoise sur la réforme du FMI, Paris s’étant ingénié à plaider au G8 les vues de la Chine, qui font de Lagarde la candidate la plus fiable pour Pékin, à savoir la plus rôdée à ses objectifs.

[2] Pékin sait qu’il lui manque encore des années pour accéder à ce poste du FMI, et n’est donc pas candidate.

[3] le prochain directeur du FMI devra s’atteler à l’épuration de la dette européenne, d’où la nécessité d’un directeur au profil adéquat. Or Christine Lagarde fait déjà l’unanimité parmi les 27 Pays Membres.

La Chine est convaincue de son intérêt à assister l’Europe, client dont les frontières se ferment à ses exports. Elle y a aussi intérêt, pour assurer ses réserves en ²uro, 630milliards$ (432 milliards ²), qui augmentent vite : depuis le crash bancaire américain de 2008, Pékin procède à une diversification discrète de ses avoirs en US$.

Sur les questions échangées, figurait le Yuan, question délicate. La Chine est divisée entre ses financiers (Banque centrale, Ministère des finances), d’accord pour réévaluer afin d’accéder au statut de devise puissante, et ses politiciens anxieux de conserver emplois et parts de marchés extérieurs -hostiles à une convertibilité immédiate. La ministre française s’est appliquée à concilier chèvre et chou par des formules du type «l’appréciation graduelle du ¥ est un mouvement positif», tout en promettant au FMI d’aider la Chine à «internationaliser» ce dernier -quand elle sera prête.

Lagarde a aussi promis pour Zhu Min, depuis février conseiller spécial de DSK, un poste de DG adjoint « avec des pouvoirs élargis, surtout dans la poursuite de la réforme» de l’institution.

A ce propos, elle a rappelé l’acquis, la hausse des quota parts et de droits de vote chinois dans le fonds de 4,1 % à 6,39%, et promis de faire plus, pour les émergents et pour elle, «dans le temps». Aux oreilles de Pékin, la promesse était douce-même s’il pense que le problème n°1 du FMI est moins le choix d’un directeur, que le droit de vote excessif réservé aux USA.

Lagarde a-t-elle pu convaincre ? D’une rondeur féline, un des interlocuteurs communiquait que la position chinoise allait maintenant être concertée avec les partenaires émergents. Face à cette candidature apparemment la plus sérieuse, Pékin aura su monnayer son influence. Ce qui ne sera pas forcément le cas de l’Inde que Lagarde quittait, nantie de la non assurance d’avoir sa voix. L’Inde se montrant plus franche, et la Chine plus adroite !

 

 


Joint-venture : Einstein à Shanghai – tout est relatif…

Einstein, on le sait peu, était bernois, en 1905, quand il développa E = mc², la théorie de la relativité, et shanghaïen, en 1921, quand il reçut son prix Nobel de Physique.

Quoi de plus normal que le Musée d’histoire de Berne, après avoir mené son expo rétrospective à Pékin et Hong Kong, lui ménage une halte dans la métropole du Yangtzé, pour le 60ème anniversaire des relations ?

Hélas, il n’en sera rien. Berne a jeté l’éponge, suite à l’insistance du Musée local des Sciences et Technologies de «compléter» l’expo par un hommage à un autre maître, Confucius. Côté suisse, délicatement, on invoque des raisons techniques (pas le temps d’adapter l’Expo Einstein à celle du Moraliste). Côté chinois, on « ne comprend pas» la rupture soudaine, perte de face.

Prenant du recul, les experts des deux bords accusent le grand écart entre les visions respectives de l’histoire. La Chine croyait flatter l’Ouest, en associant Confucius à Einstein. Mais à l’historien occidental, le rapport entre le physicien et le conseiller du prince est obscur, autant que celui entre physique et morale.

D’autre part le censeur socialiste est sincèrement gêné par les références au nazisme, et «en son âme et conscience», voulait épargner au peuple des scènes peu «harmonieuses»: substituer des images de sagesse confucéenne à celles d’Holocauste, n’était-ce pas là une idée chic et épatante, en plus fusionnelle du meilleur des cultures d’Orient et d’Occident ? Malheureusement, aux yeux de la démocratie occidentale, le rappel des leçons de l’histoire est un devoir non négociable

 


A la loupe : Li Na à Roland Garros : une étoile (pas rouge) est née

6-4, 7-6 : score sans bavure, le 4 juin à Paris, Li Na bat Fr. Schiavone, tenante du titre de Roland Garros.

C’est un grand moment pour la Chine et le tennis, 1ère victoire d’une asiatique en tournoi ATP -même les Japonais, fans de ce sport, n’y sont pas parvenus. 95 millions de Chinois suivent sur CCTV5 : engouement qui promet de rivaliser avec Liu Xiang, champion de 110m-haies –  «une étoile est née».

Cette popularité a une seconde raison, à vrai dire pas des plus politiquement correctes. Pour gagner, Li Na s’est arrachée à la machine d’État qui la formatait, abandonnant le tennis à 20 ans. Seule, elle a fait sa longue marche, avant de reprendre la raquette, cette fois de sa volonté, et selon des règles qu’elle a imposée aux autres. C’est donc une sportive d’une espèce mutante, aux qualités rares d’humour, de plomb dans la cervelle et camaraderie sportive.

Native de Wuhan (Hubei) en 1982, Li Na entame sa carrière à 6 ans comme tant d’autres, dans un pensionnat spécial où elle vit en forçat du sport, loin des parents. D’abord affectée au badminton, elle est redirigée sur le tennis, « parce qu’elle aime le soleil ». A 16 ans, son flirt avec Jiang Shan, son copain du collège, fait des étincelles -le temple du sport n’admet que deux passions (pour les médailles et la patrie) et surtout pas l’amour, chose rivale. En 2002, 1ère révolte, lassée de cette vie de fonctionnaire du sport, Li Na quitte pour l’université Huazhong où elle étudie… le journalisme, matière d’éveil.

En 2004, elle est rappelée en équipe nationale par la China Tennis Association, anxieuse de rattraper cet espoir en roue libre. Et dès l’année suivante à 23 ans, elle recraque. À la Saint Valentin, boite de chocolats en main, elle a prié Jiang de l’épouser, ce qui fut fait, faisant faire les gros yeux aux entraîneurs : alors, Li Na claque la porte, déballant à la presse (le crime ultime en ce pays!) la bureaucratie, les horaires insensés, les plans d’entraînement rigides et non ludiques, et le droit de l’État d’écrémer les deux tiers des primes engrangées en tournois. Sun Jinfang, patronne du tennis national rétorque, smashant sur son attitude «sans éthique, irresponsable et mercantile». Mais après deux ans, Li Na obtient gain de cause avec Fly Alone, plan expérimental qui lui laisse choisir son entraîneur (son mari) et garder 88% de ses gains : c’est la liberté, chemin tracé vers la gloire de Roland Garros.

Cette victoire plonge en profond malaise la machine d’État – celle du sport, et les autres. A l’étranger, Li Na se retrouve meilleure ambassadrice d’un pays qui en a bien besoin. Mais à l’intérieur, elle est un modèle de la victoire par l’affirmation de soi et la fidélité à des méthodes étrangères, incompatibles avec la discipline passive et l’absence de créativité qu’exige le système.

Aussi pour l’heure, pas de retour triomphal au pays -pourtant un instant envisagé. Et Li Yongbo, le chauvin entraîneur national de badminton minimise ce succès: « elle n’est pas championne olympique… le tennis, d’ailleurs, est une affaire plutôt occidentale… Roland Garros n’est pas vraiment une compétition internationale »… Sur la raison ultime de ce dénigrement, Pei Dongguang, de l’institut capital d’éducation physique a son idée : « trop d’intérêts sont en jeu. Si nous démantelons la machine, comment tous ces gens retrouveront-ils du travail ?».

Cette idée, au demeurant, vaut aussi bien à tous les autres organes de contrôle des masses, aux effectifs et budgets pléthoriques, mis en place par Mao pour assurer la « dictature du prolétariat » …

 

 

 


Pol : Libye—oeufs chinois dans les 2 paniers

Surprise (7/06), le ministère des affaires étrangères, par la voix de son Porte-parole, dévoile qu’à 2 reprises, des émissaires chinois ont rencontré des membres de l’opposition du Conseil National Transitionnel libyen, dont la seconde au fief des insurgés, Benghazi. Le leader Abdul Jalil est attendu à Pékin sous peu.

Pour la Chine, c’est un tournant rare, qui viole sa règle jusqu’alors intangible de ne jamais traiter avec des mouvances séparatistes. En même temps, Yang Jiechi reçoit le 8/06 le ministre en titre, Abdelati al Obeidi, l’homme de Kadhafi. Attitude en apparence « équilibrée », mais qui exprime surtout, sans ambages une exaspération envers son allié:«les deux camps» devraient «prendre à coeur les intérêts basiques du pays et du peuple».

Tardivement, à petits pas, Pékin change de camp, et se veut « médiateur » : même s’il reste peu à négocier -sauf à soutenir une partition du pays, sauvant ainsi une bribe de pouvoir au dictateur de Tripoli. Mais ce scénario semble de moins en moins tenable, avec son acceptabilité qui s’amenuise chaque jour à travers le monde.

‘ La nouvelle position vise à refaire l’image de la Chine en Libye, compromise après y avoir misé sur le mauvais cheval. Elle espère aussi protéger ses 30 milliards de US$ d’investissements (dont 3 déjà perdus en pillages). Le plus intéressant, dans l’affaire, pourrait être le prélude à une réévaluation des voies d’expansion de la Chine : voyant l’Afrique du Nord sous la fièvre du Jasmin, Pékin se pose de sérieuses questions sur la région, en tant que « destination d’investissements sans risque »…

 

 


Temps fort : PCC : Environnement, un bilan accablé

Le 3 juin, le ministère de l’environnement publiait son bilan de ses airs, sols et eaux: examen alarmiste. Li Ganjie le vice-ministre, évoque une situation «très grave». 16,7% des cours d’eau sont impropres à l’irrigation, et 43% des lacs et réservoirs sont eutrophisés, saturés d’en-grais au point d’être couverts d’un tapis végétal éteignant toute vie sous lui. 50% des villes du pays souffrent de pluies acides et 20% n’atteignent pas les normes atmosphériques nationales (inférieures à celles de l’Organisation Mondiale de la Santé).

La Chine compte 2588 réserves «protégées», 14,9% de son sol, mais 22% sont grignotées par des chantiers sans permis, pouvoirs locaux complices. Car on est ici dans la Chine des mairies et provinces, sourde aux ordres de Pékin, et pour qui croissance à tout prix, PIB et emploi comptent plus que la protection du milieu naturel. Aussi la biodiversité chinoise perd du terrain à grande vitesse.

Par rapport à tous ces maux, un problème semble encore mince : les cas d’empoisonnements aux métaux lourds, 14 en 2010, 7 de janvier à mai 2011. Mais comme 1er consommateur de plomb et 1er producteur de batteries au monde, sans législation sur l’usage des métaux lourds, le vice-ministre ne peut que sonner l’alarme: « ces incidents ne font pas qu’affecter sérieusement la santé publique, ils endommagent aussi la stabilité sociale et il faut bien admettre que la situation est sévère ».

En terme de progrès, le ministère a tenu ses objectifs de réduction de 32% des émissions d’effluents aquatiques, et de 19% pour celles de dioxyde de souffre dans l’air. Mais pour celles de CO², il ne cherche pas même à produire un chiffre— il n’en a pas le droit, c’est trop sensible.

La pollution agricole aussi est lourde : 1ers au monde pour bien des espèces, les élevages chinois rejettent 243 millions de tonnes d’excréments et 163Mt d’urine qui contaminent pour des dizaines d’années sous-sols et nappes phréatiques.

Le ministère affirme bien avoir rejeté 59 projets comme nuisibles à l’environnement, mais sans données chiffrées, et sur les territoires excentrés tels Tibet, Xinjiang ou Mongolie, il avoue son impuissance : les besoins bruts en minerais, houille et hydroélectricité priment sur le reste. Son manque d’effectifs reste notoire…

Le rapport ne reprend pas l’étude de juin 2010 de l’office de prévention/contrôle épidémique, qui dénonçait 2,2 millions de morts/an sous la pollution en appartement, 10 fois plus contaminés que l’extérieur. Ni celui du MIT (Massachusetts Institute of Technology) (2011) qui estime, sur base de l’étude de l’atmosphère chinoise de 1975 à 2005, une perte de PIB de 6 à 9%.

Tirant de ce rapport sa propre évaluation, notre collègue Jonathan Watts, un des meilleurs experts en matière de politique environnementale, accorde au ministère un « D+ » sous l’angle de l’attitude, soit « médiocre mais manifestant une indiscutable volonté d’agir ». Quant au résultat lui-même, c’est un « E », soit « échec dangereux ».

On aimerait offrir en conclusion une scène plus souriante. Hélas écrivant ces lignes, tombe la nouvelle que Pékin menace l’Europe des 27 de guerre commerciale, si celle-ci insiste pour imposer au 1/1/2012, ses taxes carbones aux avions chinois survolant son territoire (cf VdlC n°21). La Chine envisage des amendes aux flottes européennes, et/ou des fermetures de liaisons. Bruxelles a déjà proposé une exemption, si les transporteurs chinois démontrent des « mesures équivalentes » de réduction d’émission…

Affaire à suivre, mais au plan mondial comme sur son sol, au nom de « sa » souveraineté, la Chine reste fermée à toute concession pour protéger l’air et l’eau de la planète bleue.

 

 


Petit Peuple : Huaishan, Xi’an : chiens perdus sans colliers

– A Huaishan (Anhui), le 28 avril, Zheng, collégien de 17 ans mourait d’envie de s’offrir Ipad-2, le ruineux gadget.

Pour frimer devant les copains et les filles, il lui fallait ce joujou coûte que coûte. Mais comment payer, avec ses poches percées et ses parents intraitables? Il pianota sur internet, et trouva:à Chenzhou (Hunan, plus de 1000km au Sud-Ouest), quelqu’un payait 22.000¥ un de ses reins. Cool. L’annonce le spécifiait, «aucun danger» et pour vivre, on n’avait besoin que d’un. Rapide comme l’éclair,muet comme une tombe, il prit contact. Lâchant foyer et école, il fugua pour Chenzhou, où on l’opéra en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Quand il rentra de cavale, pâle et maigre comme un chat, ce furent l’Ipad-2 et l’Iphone-4 que sa mère trouva en son sac, et surtout le trait de bistouri hachuré sur sa hanche qui lui mirent la puce à l’oreille.

Ayant perdu sa superbe, le fils avoua tout – affaibli qu’il était du viol chirurgical, qui venait de lui faire prendre 20 ans en huit jours. La mère le ramena à Chenzhou pour porter plain-te: ce fut pour trouver un joli sac de noeuds. L’agence intermédiaire n’avait pas laissé d’adresse – juste des téléphones aux abonnés absents. Quand à l’ «hôpital 198» auteur de l’ablation, il n’avait pas la licence pour faire des transplantations, son service d’urologie était sous-traité à un groupe d’affaires privé du Fujian, il n’y avait nul responsable à la ronde, nul ne se souvenait de rien – Zheng était fait comme un rat !

– Six jours avant, Yao Jiaxin, 21 ans, du conservatoire de musique de Xi’an (Shaanxi), était condamné à mort pour son geste du 20/10/2010.

Au sortir du campus de l’Université du Nord-Ouest, ce soir vers 22h30, au volant de sa petite Chevrolet Cruze, il avait accroché Miao Zhang, la fille de la cafétéria (22 ans, mère d’une fillette de 2 ans) qui pédalait vers son chez soi, son service achevé. Elle n’avait que des égratignures et (la radio l’établirait) une fracture du péroné. Mais la maudite s’obstinait à rester à terre, guignant sa plaque minéralogique, en train de concocter toute une embrouille pour soutirer à ses parents de faramineux dommages.

C’est alors que Yao trouva la solution lumineuse, le plus court chemin pour mériter la balle de l’exécuteur, qui l’attendait le 6/04 : sortant du coffre à gants son poignard contre les mauvaises rencontres, il frappa huit fois la fille, insensible à ses supplications, avant de re-démarrer, renversant dans sa fuite deux témoins.

Entre ces enfants perdus, quelles similitudes ? Chez tous deux, on voit une imagination démente que n’arrête ni la peur de la loi, ni celle de la souffrance d’autrui, ni de la sienne propre. On voit le même passage à l’acte immédiat. Yao et Zheng vivent une liberté primitive, presque animale, sans autre re-père que leurs besoins immédiats vus au filtre du fric, outil d’échange de leur monde matériel. Monde inculte, sans contre-pouvoir: on devine des décennies de silence parental et démission des maîtres. Le fruit est une méfiance viscérale envers tou-te la terre, à commencer par leurs aînés: comme un jardin en friche, aux valeurs à l’abandon: 阴差阳错 Yīn chà Yáng cùo, «le Yin manque, et le Yang est faux».

A qui la faute ? A l’histoire, au hasard, à la mutation sociale d’un système à un autre. A mesure que la société gagne en sophistication et personnalité, le régime endurcit ses programmes scolaires, décourageant l’expression personnelle et l’esprit d’équipe – foyers de démocratie. Et la course aux exams, ce marche ou crève écarte ceux qui ne vont pas dans le moule. Un symptôme est le départ des jeunes vers des études à l’étranger (230.000 en 2009, 600.000 en 2014). Mais cette expression de soi, cette forme incompressible d’indépendance ne peut être éradiquée – elle est le principe fondateur de l’humanité.

Tout au plus peut la plonger dans la démence, en la réprimant à l’extrême: c’est la névrose, telle que la définissait déjà, un siècle en arrière, le bon docteur Sigmund Freud !

 

 

 


Rendez-vous : A Shanghai : les Salons des voyages de luxe, et de l’industrie textile

13-15 juin, Shanghai : Conférence asiatique sur le papier et pâte à papier

13-16 juin, Shanghai : ALTM – Salon asiatique des voyages de luxe

14-17 juin, Shanghai : Shanghaitex – Salon international de l’industrie textile

16-18 juin, Suzhou : Salon mondial de la logistique

17-19 juin, Pékin : Salon int’l du tourisme et des loisirs