Editorial : Hu Jintao chez Barack Obama—la paix des braves ?

Hu Jintao sera le 19/01 aux USA chez Barack Obama : ultime tentative d’une longue série pour trouver la détente entre ces pays-continents interdépendants, mais que tant de choses opposent.

D. Lampton, professeur d’études chinoises à Washington croit que la tension provient d’«attentes mutuelles irréalistes». Comme si fascinés par les perspectives d’avenir commun (de maîtrise du monde), ces empires sous-estimaient les concessions à faire pour y parvenir.

La visite (8-12/01) de R. Gates, secrétaire à la défense résume bien ces tensions latentes. Avec H. Clinton, la secrétaire aux affaires étrangères, (à Pékin le 6/01), Gates était supposé déblayer les contentieux avant le départ de Hu. Ce à quoi, il n’a qu’en partie, réussi. Couvant sous ses cendres, la tension avait redémarré au printemps 2010, avec le déploiement d’une armada chinoise en mer de Chine, la déclarant son nouvel «intérêt stratégique» et y arraisonnant des 10aines de chalutiers étrangers. Résultat : dès l’été, les pays de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) menés par le Vietnam se rassemblaient autour des USA.

De même, l’incapacité de Pékin à lâcher Pyongyang après ses foucades militaires contre la Corée du Sud raffermissait l’alliance entre Washington, Tokyo et Séoul. Sur ces deux convergences, et sur de récentes ventes d’armes à Taiwan, R. Gates, apparaissait comme cheville ouvrière de ces manoeuvres pour contenir la Chine. Il causait la fureur de l’état-major chinois, au point d’annuler purement et simplement son invitation de juin 2010…

Partant de si bas, la visite de Gates apparaît un demi-succès. L’émissaire d’Obama peut se targuer d’avoir été reçu à Qinghe, poste de commande de la Bombe nucléaire chinoise, et d’avoir fait accepter son invitation aux USA courant 2011, par Chen Bingde et Qing Zhiyuan, les plus hauts gradés de l’armée chinoise, l’APL. Ils ont aussi validé une reprise du dialogue entre forces armées, sans fixer de date et du bout des lèvres, tout en réitérant leurs exigences de respect des «intérêts vitaux» de la Chine, (sur les ventes d’armes à Taiwan, sur leur souveraineté maritime etc). Apparent camouflet, le test en vol du bombardier furtif J-20 eut lieu durant la visite de Gates, annonçant l’imminente vulnérabilité des porte-avions américains dans la zone.

Hu Jintao prétendit à son hôte qu’il n’y avait là nul message, rien qu’un simple manque de coordination, lui-même n’ayant pas été mis au courant: quelque interprétation qu’en ait tiré Gates, l’affaire faisait indéniablement désordre !

Parmi les autres contentieux à régler figure, l’éternel sujet du taux du Yuan chinois que les USA accusent d’être sous-évalué de 30 à 40%. Ici aussi, la scène est confuse. La Banque centrale promet à l’avenir «plus de flexibilité». En six mois, le yuan a déjà remonté de 3,4% voire, en incluant l’inflation, 10% selon Tim Geithner le secrétaire aux finances. En décembre, l’excédent commercial a baissé de presque moitié, de 23 à 13MM$, et les pronostics sont encore à la baisse pour 2011, vu la fermeture de milliers d’usines polluantes et/ou non viables. Autant dire que B. Obama aura du mal à obtenir de Hu Jintao une promesse de réévaluer… Reste encore le désaccord sur la Corée du Nord, Pékin tentant de rouvrir les «Négociations à six» en «oubliant» les récentes agressions du Nord contre le Sud et sans aucun effort à faire côté nordiste.

Conflit commercial aussi, sur le protectionnisme chinois en énergies renouvelables (cf p.2). Washington a déposé une plainte devant l’OMC, l’organisation, mondiale du commerce. Hu Jintao tentera là de détourner le tir en proposant une alliance industrielle …

Dans ses bagages enfin, Hu apporte des cadeaux. Le plus notable sera une étape à Chicago, fief d’Obama, voire la visite d’une usine chinoise d’équipements solaires ou éoliens. Comme pour suggérer que la Chine crée des emplois aux USA, et pour donner du coeur au ventre à une métropole frappée par la crise, en saluant sa transition rapide vers une économie à bas carbone. Sans avoir l’air d’y toucher, le tout viserait aussi à soutenir la réélection du président Obama l’an prochain—et à s’en faire enfin un allié !

 

 

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