A la loupe : La résistible raréfaction des terres rares

Depuis juillet, les échanges sino-mondiaux vivent une mini-tempête sur le marché des terres rares, quand Pékin a édicté la coupure de 72% de ses exports, s’imposant un plafond de production de 89.200m3. C’est que l’empire du Milieu détenait 97% du marché de cette matière aux 17 métaux, tel neodymium ou terbium, dite «vitamine de l’industrie», nécessaire à une gamme surprenante d’articles, tels aimants, pots catalytiques, radars… Aussi un vent d’angoisse passe par les capitales et les groupes, du Japon à l’Allemagne où R. Bruederle, le ministre de l’économie, dénonce le «protectionnisme» de la Chine.

Cela ne date pas d’hier. Comme les USA le font depuis 10 ans, Pékin veut conserver ses réserves, mieux les valoriser et donner priorité d’accès à ses nationaux.

L’année 2004 connaissait un précédent instructif, quand la Chine, avouant une pénurie en charbon à coke, prétendait restreindre l’export dont elle était leader mondial. Charbon à coke et terres rares avaient en commun une forte pollution, un faible prix, et constituaient de ce fait, un genre de subvention indirecte à l’étranger : que la Chine voulait supprimer, causant des réactions nerveuses des pays riches l’accusant de ne pas jouer le jeu de l’OMC (l’organisation mondiale du commerce).

Dès 2005, la Chine tentait de reprendre le contrôle d’une industrie des terres rares atomisée, surtout en Mongolie Intérieure, qui se disputait les marchés en vendant à perte. Durant des années, Pékin échouait, ces PME publiques étant protégées localement. Jusqu’au moment où, à force de fermer par milliers les usines et mines périmées, il put organiser la formation de quelques dizaines de cartels.

Dès lors, tout en consolidant la concentration vers 3 à 5 consortiums, il annonçait la suite du plan : le raffinage local des métaux rares, la mise en place d’un stockage et d’un marché à terme, avec contrats échangés en bourse. Cette idée devient aujourd’hui concevable, avec l’explosion des prix qui se poursuit, tel celui du cerium (additif du verre) décuplé en un an à 60$/kg, ou du samarium (médicament anticancéreux, lasers) septuplé à 35$/kg.

Curieusement, la Chine multiplie les messages contradictoires.

Selon la rumeur, cette rupture des livraisons est une sanction à la fois envers le Japon, suite à la crise des Diaoyu-Senkaku, et envers les USA, suite à leur enquête sur un protectionnisme chinois dans les industries environnementales. Mais Pékin dément tout : avoir interrompu ses livraisons, et exploiter cet export comme levier politique. C’est que l’OMC interdit à la Chine les quotas à l’export de matière 1ères. Washington « enquête », H. Clinton demande des explications à Hanoi, et Pékin multiplie les apaisements, promettant de rouvrir le robinet…

La suite du film, la solution est évidente : un retour pour les nations industrielles à des sources diversifiées. Molycorp (Californie) et Lynas (Australie), les anciens leaders, prétendent revenir, et sous deux ans satisfaire deux tiers de la demande non-chinoise. Le ministre allemand est moins optimiste, qui s’attend à 10 ans d’efforts pour remplacer la Chine par la Mongolie, l’Afrique ou le Groenland.

Enfin, pour ramener ce « drôle de drame » à ses vraies proportions, signalons, d’après Lynas, la valeur en 2010 de ce marché en pleine explosion : 7,8MM$, soit… une semaine de vente des hypermarchés Wal-Mart… Pas de quoi tant s’émouvoir, pour ces terres rares !

 

 

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