A la loupe : Vers une demi-réforme du syndicat unique

Durant la vague de conflits du travail de mai dernier , la rue chinoise avait été frappée d’entendre Wen Jiabao féliciter les jeunes grévistes de chez Honda à Foshan, «fierté de la nation », parce qu’ils venaient d’élire leur syndicat (libre), puis négocié avec la direction et gagné, en dépit de l’obstruction du syndicat unique.

Par sa réaction face à de telles audaces (jusqu’alors réprimées), le régime exprimait sa conscience d’une crise sociale aigue, et de son intérêt à user d’une extrême prudence dans sa réponse. Par la suite, il fit preuve du même pragmatisme en imposant une hausse générale des salaires et en priant le patronat japonais d’augmenter ses employés locaux. C’était une vieille stratégie de laisser croire que le sous-paiement chronique dans l’usine du monde (surtout depuis fin 2008) était le fait de l’étranger – de l’épouvantail nippon. Mais à l’évidence, ce genre d’exutoire ne pouvait indéfiniment suffire. A présent, l’Etat accélère discrètement l’autre mesure, devenue indispensable : la réforme de l’ACFTU, le syndicat officiel (All-China Federation of Trade Unions).

Par la voix de sa présidente Wang Yupu, la centrale annonce un amendement à la loi syndicale et le droit aux 1,8M de sections d’entreprises d’élire leurs délégués. Ceux-ci seraient dorénavant payés par la centrale, pour les affranchir du conflit d’intérêt avec le salaire de l’entreprise. Moyennant ces avancées, l’ACFTU rêve de voir 90% des firmes dotées d’une section syndicale d’ici 2012, contre moins de 50% à présent (selon He Qinglian, dissidente en exil). Partout en Chine, ces branches négocieraient alors avec les directions des conventions collectives salariales, grâce à leur délégué spécialement formé en droit et en management. De ce fait, l’ACFTU se montrerait pour la 1ère fois active au service de ses 230M d’adhérents, et surtout des 84M de migrants affiliés.

Mais la tolérance a ses limites. Cette organisation de masse créée par Mao comme outil de la dictature du prolétariat, exige toujours le maintien du leadership du Parti, et de sa chaîne de pouvoir du sommet vers la base. Pas de liberté d’initiative syndicale à l’horizon, donc. Les concessions sont tactiques, sur l’accessoire, tout en tenant bon sur l’essentiel – le monopole du Parti.

Pour autant, les concessions ne sont pas négligeables : la distanciation entre syndicat et patron (qui confondaient les rôles jusqu’à hier), les conventions collectives et les élections. Encore que celles-ci seront soumises à de nombreuses limitations : introduction «graduelle», pas de scrutin aux niveaux municipal-provincial, et même au niveau local, la liste des candidats sera d’abord approuvée par l’ACFTU avant d’être soumise au vote.

En d’autres termes, la défense des travailleurs doit rester aux mains du PCC. Mais au vu de l’image plutôt négative du syndicat unique parmi les ouvriers (telle qu’elle apparaît sur internet, dans les forums de discussion) les concessions offertes semblent trop faibles pour rétablir la confiance et entraîner les adhésions massives annoncées par Mme Wang. Moins encore, pour désactiver le malaise social.

 

 

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