Temps fort : Récolte d’automne : la Chine sauve la mise

Ce début septembre 2010, la Chine agricole est tout sourire, voyant poindre une récolte d’automne inespérée après trois mois de pluies diluviennes sur 28 provinces. De source officielle, le manque à produire, pour l’année, ne sera que de 30Mt. Pleins à ras bord grâce à cinq bonnes récoltes successives, dont 530Mt en 2009, les greniers publics combleront aisément ce déficit.

Côté coûts, le cours du blé a monté de 125 à 200$/t, suite à la sécheresse en Ukraine et Russie, mais comme les imports céréaliers de Chine n’atteignent pas 1% de sa consommation, le marché intérieur ne sera pas touché.

Pour autant, le tableau n’est pas sans zones d’ombres. De janvier à juillet, l’importation agroalimentaire a fusé, tous produits confondus : 845.000t de blé au 1er semestre, 600.000t de riz du Vietnam, 282.000t (+56%) en maïs (surtout pour l’élevage), 3,9Mt de soja par mois (+42%), pour l’huile dont le pays n’assure que 50% de ses besoins. En sucre, on attend une hausse de 50%, à 1,5Mt dans l’année. Au total, le déficit dans la balance commerciale «verte» est géant, 13MM$ (+62%). Il a nourri une inflation de 3,3%, et de 6,8% pour l’alimentaire – 22% pour les légumes. Pour le grain, il est de 11,8%, ce qui force à tempérer l’optimisme officiel : allegro, ma non troppo.

Une partie de ces besoins d’import, selon Alain Bonjean, l’agronome de Limagrain«, est due à la qualité. 15 jours de retard dans la récolte de blé a causé germination sur pied et prolifération de mycotoxines, rendant le grain impropre. En riz, ce sont 20 ans de course au volume (au détriment de la qualité) qui prennent leur revanche: les consommateurs qui s’enrichissent, boudent l’hybride chinois sans goût ni texture, au profit du parfumé thaï (Indica) ou du Basmati indien. Enfin, la hausse des prix est aussi politique: l’Etat veut enrichir le paysan.

Très consciente du défi de son autosuffisance alimentaire, la NDRC (la National Development and Reform Commission) vise un gain modeste, parfaitement à sa portée, de 20Mt d’ici 2020, pour atteindre 550Mt. Avec les autres ministères concernés, elle prépare une loi d’urgence agroalimentaire. Étudiées partout à travers le pays, de nouvelles souches OGM s’apprêtent à la culture plein champs, une fois nationalement certifiées pour la consommation : sans doute d’abord en maïs et en blé, puis en riz. Un dernier volet de cette stratégie d’autosuffisance, est la guerre aux destructions de terres arables autour des villes, déjà estimées à 123Mha depuis 30 ans.

Selon ces paramètres, la Chine agricole devrait d’ici 2025 être quasi-autosuffisante en riz. En blé, elle espère devenir faible exportatrice, en ouvrant à la culture dans le centre et à l’Ouest, des dizaines de millions d’hectares de nouvelles terres aujourd’hui inexploitables, mais qui conviendront à ses souches OGM capables de retenir l’eau. « En matière d’autosuffisance », remarque A. Bonjean, « le risque de famine est bien plus grand en Inde où la population ne cesse de croître, et où les rendements stagnent depuis 10 ans ». Cependant pour faire un sans-faute, il manque au plan agraire chinois un élément essentiel : un droit du sol inaliénable pour le paysan, et donc la fin du dogme de la propriété publique : seule garantie au paysan, pour investir dans « sa » terre sans risque de confiscation ultérieure!

« Co-auteur avec He Zhonghu de "CEREALS IN CHINA", vient de paraître aux éditions du CIMMYT (le centre de coopération internationale de recherche agronomique pour le développement).

 

 

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