Petit Peuple : Nanjing : une course poursuite en cascade

C’est l’histoire d’un xiao huangdi (小皇帝petit empereur, fils unique trop gâté) de 21 ans, qui vient de payer au prix fort son dernier caprice. Cadre d’une usine de cuir à Nankin, Ji Ao allait le 18/03 à son bureau, à bord de son bus n°8. Arrivé à son arrêt, il remarqua une chose qui brillait dans le repli du siège: un portable, et pas n’ importe lequel. Quelle chance ! De son point de vue, l’appareil était désormais à lui, bien sûr.

Il y avait même plus à gagner: sur écran, il découvrit les photos d’une fille aux hanches envoûtantes, habillée (très peu) à la dernière mode. Il y avait un n° de QQ, la messagerie internet de la belle. Le soir, Ji l’appela, et quand elle réclama son dû, il ne trouva rien de mieux à faire que de dicter ses conditions : «seulement si tu couches avec moi!» Furieuse, Xiaoli (c’était son nom) le taxa d’une ribambelle de noms d’oiseaux, sur quoi il raccrocha. Après huitaine, à tout hasard, il rappela: à sa surprise, elle accepta cette fois l’offre déloyale, et poussa même la prévenance jusqu’à lui signaler une heure plus tard qu’elle avait réservé pour eux une chambre à l’Holiday Inn: « Voilà, se dit-il en toute fatuité, une fille qui tient à son portable. A moins qu’elle n’ait chuté à mon irrésistible charme». Le temps de se passer un coup d’after-shave, ce 27/03, de sauter dans un bus, et bientôt il frappait à la chambre 607.

Arborant un sourire ambigu, une Xiaoli aussi étourdissante que sur sa photo lui ouvrit. Mais tandis qu’il lui rendait le GSM, la porte soudain céda sous les coups de bottes de 5 malabars qui firent irruption, immobilisèrent le malchanceux et dans un pur style de série B, se mirent à le travailler au corps, comme rumsteck à l’attendrisseur. Tout cela car avec Xiaoli, Ji Ao était tombé sur la copine de Zheng Lixiang, de son état parrain d’une triade. Comme la plupart des sociétés noires (黑社会 heishehui), cette bande de jeunes frustes, en échec scolaire pour la plupart, vivant de gros bras et de délits, était très à cheval sur son code d’honneur, la loi du silence, la défense des copains, et par-dessus tout, celle de la femme du chef. Comme on voit, l’infortuné libertin n’aurait pu tomber pire: réalisant son malheur, sous les taloches, Ji Ao tomba dans les pommes.

Il fut réveillé par un seau d’eau glaciale. Ses bourreaux l’avaient porté à un gourbi infect où il se retrouvait nu comme un ver, avec pour tout meuble la chaise sur laquelle on l’avait ligoté. D’un mot lapidaire, pour sa faute, ils lui annoncèrent son imminente exécution, d’une mort garantie lente, chargée d’affres et d’indicibles souffrances. C’était une mise en scène – on ne voulait lui donner qu’une leçon. Mais les prenant au mot, le petit rond-de-cuir tremblait comme une feuille, en proie à la plus abjecte épouvante. Des coups suivirent, vicieux, assénés au poing ou au pied, à la matraque ou au bout de tuyau d’arrosage, alternés de brûlures de cigarette, et de l’épreuve de boire leur urine—pas dans un verre.

Après une éternité conclue par un dernier simulacre d’exécution, Ji dut leur remettre le code de sa carte de débit, leur permettant d’éponger dans la demi-heure ses 8000¥ d’épargne. Une heure plus tard, un jeune en larmes, alignant bleus et coquards se présentait au commissariat de Kexueyuan, le quartier où on l’avait relâché.

Après l’avoir entendu, les pandores se mirent en chasse et chose rare, arrêtèrent les hommes de main en un temps record, tout en poursuivant les traces chaudes de Xiaoli et de son mafieux amant.

Toute l’affaire reproduisait le célèbre proverbe chinois qui évoque une poursuite en cascade, “la mante religieuse attrape la cigale, mais le moineau est derrière” (螳螂捕蝉,黄雀在后 táng láng bǔ chán, huáng què zài hòu).

 

 

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