Le Vent de la Chine Numéro 17

du 9 au 16 mai 2010

Editorial : Politique Immobilière – virage à 180°

Sans en avoir l’air, c’est lors de la trêve du 1er mai que Pékin choisit de brider l’immobilier, freinant le fleuve en centaines de milliards d’² qui porte la croissance chinoise.

Depuis le 17/04 en fait, pas un jour ne vient sans qu’une agence de l’Etat, la Banque centrale, la commission de régulation bancaire (CBRC) ou le Ministère du sol ne rajoutent un plat au menu de cette campagne tous azimuts. En voilà quelques unes, tantôt nationales, tantôt municipales, signe que le volontarisme traditionnel du socialisme chinois fonctionne à plein, Pékin donnant la musique, les villes l’exécutant à leur manière :

– passé l’achat d’un second bien par foyer (incluant tous les membres de la famille), les prêts sont interdits;

– pour le premier ou second bien, le prêt n’est accordé qu’après un an de résidence, et ne couvre que 50% (voire 40%) du prix contre 70% en 2008. L’intérêt sera 1,1 fois le taux de base (contre 0,8 hier).

– en cas d’infraction, la vente est annulée—au détriment des deux parties.

– une taxe des logis vides se prépare.

-les banques doivent hausser de 0,5%leurs réserves, à 14% aux petites, 17% aux grandes. 60MM² seront ainsi épongés du circuit des prêts. C’est la 3e hausse de ces réserves depuis janvier.

– les promoteurs ne pourront plus gonfler leurs prix à la demande, et voient se fermer pour un temps les portes de la banque et de la bourse.

– Mais le plan épargne le logis social : 180.000 ha de terrain lui sont débloqués, 70% du quota de 2010, dont 40% aux apparts de moins de 90m².

Par ces actions, Pékin veut prévenir l’éclatement de la bulle immobilière, prédite par M. Faber d’ici décembre 2010, et décourager la spéculation tout en logeant les petites gens.

De fait, les feux rouges clignotants se multiplient, tels ces +11,7% de hausse de l’immobilier au seul mois de mars, avec des pics de 59,5% à Pékin et 64,5 à Haikou. En 2009, 80% des salaires passaient dans les hypothèques. De même, toujours à Pékin, 80% des candidats-acheteurs doivent ronger leur frein, faute de pouvoir payer les 26.000¥/m² du marché moyen.

Tout ceci explique que l’Etat, encore hier divisé (craignant l’effondrement) ait fini par se jeter à l’eau. Un geste déjà efficace : la dernière mesure du prix du terrain en mars (indicateur de l’avidité des promoteurs) révèle une baisse de 31%. Idem au 1er trimestre, les banques ont prêté 2600MM¥ contre 4580MM un an plus tôt (-40%). Surtout, au WE du 1er mai, les reventes d’apparts d’occasion atteignaient 211 à Pékin contre 1164/jour en avril, en recul de 82%. Signe que le remède de cheval commence à faire effet.

C’est aussi signe d’une capacité de l’ Etat à gouverner sans céder aux pressions internes, en s’en tenant à une ligne: celle de l’économiste Zuo Xialei: « pour éviter les crises pénibles qu’ont connu Japon, Thaïlande ou Dubai, l’immobilier chinois doit être basé sur la propriété individuelle ». Ce nouveau choix dissipe l’impression des dernières années, que provinces et lobbies ont les coudées franches, le profit tenant lieu de stratégie d’Etat.

Si Pékin sort gagnante de ce pari, on verra un tournant historique: celui de la volonté politique prenant le pas sur l’arbitraire. Il fera bon s’en souvenir, les jours plus trop lointains où la Chine sera prête à réévaluer et/ou à rendre son yuan convertible. Pour y parvenir, les obstacles semblent aujourd’hui insurmontables. Mais en cas de succès, elle aura démontré une capacité gestionnaire supérieure à celle du Japon des années ’80, des Etats-Unis de 2009, de l’Europe de 2010…

NB : ce n’est pas gagné, et d’autres événements dans le monde, ne viennent pas aider Pékin. Le 6/05, la bourse de Shanghai, inquiète de cette campagne, et du dévissage de l’Euro, reculait de 4%…

 

 


A la loupe : Kim Jong-il—le voyage secret de Polichinelle

Quatre jours (3-6/05), Kim Jong-il, dictateur de la république populaire démocratique de Corée sillonna la Chine du nord à bord de son train de luxe, de Dandong à Pékin, via Dalian et Tianjin.

Kim quitte rarement sa Corée du Nord. En Chine, sa dernière visite remonte à quatre ans. Par crainte -justifiée- d’attentat : à son retour en 2006, juste après son passage, une explosion sur la voie avait fait 200 morts.

Mais la Chine, pour Pyongyang, est le plus important allié, celui qui la nourrit (avec l’ONU), qui assure plus de 90% de ses échanges (plus ou moins gratuitement), et la protège des sanctions internationales pour sa course à la bombe atomique et son refus de négocier la paix.

La Corée du Nord est passionnée de secret. Mais impossible de cacher la descente du «cher leader» à Dalian, sa suite présidentielle , ses caravanes de limousines en ville. Pékin s’est contentée de retarder son annonce jusqu’à son retour, et de préciser qu’il avait signifié à Hu Jintao sa disponibilité à retourner aux négociations à six pays (incluant USA, Russie, Japon, Chine et les deux Corées).

Cette donnée fournit une raison majeure au voyage. Le 26/04, on s’en souvient, la corvette sudiste Cheonan disparaissait au large des deux Corées, causant 46 morts. Séoul renflouait la carcasse naufragée, et démontrait l’attentat à la torpille, de fabrication allemande, selon les traces chimiques et l’alliage des débris de l’engin ; le choix d’une arme étrangère, croient les experts sudistes, visant à exonérer la dictature de toute accusation.

Ces mêmes analystes croient que Kim serait venu tenter de convaincre Hu Jintao qu’il n’était pour rien dans l’ attentat, espérant escamoter l’enquête et se voir blanchi du soupçon pour repasser direct au tapis vert.

Mais Séoul a averti que les palabres ne reprendraient qu’une fois la lumière faite sur ce naufrage. Et Washington ET Pékin sont d’accord. Séoul s’apprête à rendre ses conclusions d’ici le 15/05, à temps pour un «demi-sommet» à trois avec Japon et Chine. Inévitablement, il incriminera Pyongyang. On voit donc le drame qui se prépare, mais non la manière dont il se résoudra.

Mise à part cette périlleuse affaire, la mission du «cher leader» visait deux autres objectifs :

[1] tendre sa sébile pour obtenir plus d’aide, vitale à ce pays de 20M d’âmes pauvre en terres arables -dont les gens viennent de perdre toute leur épargne suite à une réforme monétaire ratée de 2009, qui valut son exécution au ministre responsable. Pékin a probablement accepté, Pyongyang ayant accédé de retourner au tapis vert. Il lui livrerait donc quelques cargos de céréales, pétrole ou engrais -mais ceci reste encore secret.

[2] présenter au sommet du Parti-frère son dernier fils Kim Jung-Un, comme dauphin de sa dynastie. Car à 68 ans et un infarctus derrière lui, le chef du «matin calme» est en santé frêle. Selon la rumeur, Jung-Un était à bord du train : pour vivre son intronisation auprès de la plus forte autorité morale aux yeux nord-coréens – celle du parrain chinois !

 

 


Joint-venture : La saga des frégates taiwanaises

La France est condamnée (5/05) à 830M$ par la Cour d’Arbitrage Internationale de Paris, dans l’affaire des frégates de Taiwan. Voire 1,2MM$ en comptant les intérêts. 170M$ sont à charge de Thalès, successeur de Thomson-CSF, signataire du contrat. Le reste est à payer par la France. 

La cour conclut que cette vente en 1991 (6 frégates «Lafayette», pour 2,8 MM$) a bien comporté, comme l’alléguait Taiwan, un intermédiaire  (A. Wang Chuan-pu, taiwanais), et des commissions (500M$), en infraction aux termes du contrat. Sept ans après, la marine taiwanaise mécontente de la qualité des navires, portait plainte.

Bien des secrets demeurent sur cette affaire trouble : les morts, en France de l’espion Thierry Imbot, à Taiwan du capitaine Yin Ching-feng, les cachets versés en Chine, les vaines tentatives françaises pour transiger hors cour.

A l’avenir, Taiwan risque de gagner sur plusieurs tableaux : la restitution par la Confédération des 700M$ gelés sur les comptes de Wang, disparu depuis 1993; et d’autres prodigieux dommages de la France, suite à ses livraisons de 60 chasseurs bombardiers Mirage et d’un satellite -la France pénalisée pour avoir imprudemment amalgamé aide à Taiwan et financement occulte…

NB: Thalès envisage de réclamer l’annulation de toute la procédure, et la levée du secret-défense lui permettant de se défendre.

 

 


A la loupe : L’Expo universelle, au télescope

Démarrée le 1er mai, l’Exposition universelle a pris son rythme de croisière, fantastique et épuisante, où tout site s’ingénie à capter l’attention.

Mais comme si visiteurs et pays avaient attendu du grand rendez-vous plus qu’il ne pouvait fournir, des soucis apparaissent dès le 1er jour. Les organisateurs avaient annoncé 70M de visiteurs en 6 mois, soit 380.000/jour. Or face au marathon rêvé, les débuts sont faibles : 215.000 le 2 mai, 130.000 le lendemain. Pire, 64% des 43000 surfeurs interrogés par Ifeng, le portail internet, déclarent qu’ils éviteront Shanghai pendant l’exposition. Soudain, professeurs et sociologues s’avisent que la fréquentation d’un événement est inversement proportionnelle à son accessibilité par les voies virtuelles de l’internet… D’autant que la télévision a saturé d’images glauques de files d’attentes de 4 heures pour un site, de femmes évanouies, d’enfants perdus… L’Etat se rassure en décomptant, au 6/05, déjà 33M de tickets vendus…

Côté France, quoique grand et doté de bons moyens (45M²), l’espace organisé par José Frèches avec le parrainage d’Alain Delon ne souffle pas l’émotion. En attractivité, le carré en résille de béton BCBG ne fait pas le poids, face aux folies conceptuelles du site nippon à la voilure rose (qui, bizarrement renonce à afficher son drapeau national, par peur de réactions xénophobes), du britannique aux 60.000 « cheveux » de fibre optique, des intelligents pavillons suisse et belgo-européen ou du fier « Burg » luxembourgeois en rouille de fer forgé. Parmi les critiques les plus entendues concernant le quadrilatère hexagonal : l’excès de tendance rive gauche peu compréhensible à des non-initiés, le refus d’explications afin de (sic) « ne pas rompre la fluidité du parcours » …

Un sport auquel se livrent les provinciaux: collectionner les «visas» des espaces nationaux, les timbres des pavillons à thèmes. Dès le jour d’ouverture, les 110.000 passeports avaient été avalés par la foule, en nombres bien insuffisants face à la demande. La suite, vous la devinez : la course de site en site, la queue recommencée sans rien visiter, pour parvenir à remplir ses 49 pages du carnet-souvenir. Dans l’Expo, ce petit jeu ré-égalise les chances : les grands pavillons étant soudain moins prisés, et les halles communes comme celle de l’Afrique ou des provinces chinoises plus courtisées, pour leur capacité à distribuer beaucoup de tampons en moins de temps…

Pas si bête, le passe-temps offre à ces millions de Chinois le loisir oublié par l’Etat : s’amuser, en dépit des ordres stricts de présenter «leur meilleur comportement pour montrer au monde que la Chine est devenue un grand pays ». Au nom de cet impératif, en ville, les magasins d’audiovisuel ont dû hypocritement cacher leurs CD pirates dans une antre secrète, et les vieux Shanghaïens remiser leurs pyjamas dans leurs armoires… Mais à travers l’Expo, le remplissage du passeport, la chasse aux « stamps » donne aux petites gens un jeu de piste imprévu, non balisé : une liberté de boy-scouts, qui parviennent à court-circuiter à la fois l’ordre moral local, et la tautologie stérile des branding nationaux !

 

 


Pol : Meurtre en série, et crise culturelle

Dans l’épidémie d’assassinats frappant les écoles, on ne sait ce qui l’emporte, le triste ou le bizarre.

Le mécanisme ressemble à celui des suicides en avalanche, sauf qu’ici ce sont des enfants que l’on tue. En 40 jours, 5 crimes ont eu lieu, de Weifang (Shandong) à Leizhou (Guangdong), un ou plusieurs hommes massacrant des mômes au couteau ou au marteau. Au moins 13 morts, des blessés par dizaines. Les assassins sont parfois des intellectuels – un docteur, un professeur. La vague se poursuit par deux essais de chantage d’escrocs ou d’affabulateurs à Wuxi (Jiangsu), arrêtés… Tous ont « copié » sur le 1er crime, celui de Nanping (Fujian, 8 morts).

Pourquoi? La question taraude le pays en examen de conscience. Par désespoir, plus que par vengeance: c’est à l’humanité plus qu’à la société que l’on s’en prend. Yu Jianrong, sociologue, parle de folie et crise psychologique de masse. Comme dans le cas du suicide, pour expliquer la série de crime, on pourra sans doute détecter non pas une, mais des causes multiples, parmi lesquelles l’aliénation et le refus de l’avenir tel que tracé par le régime.

‘ Partout, ces attentats suscitent la peur : on exécute le premier tueur, on ordonne de tirer à vue, on garde les écoles… L’opinion réclame plus de sévérité, sans se rendre compte que la tension sociale est peut-être à l’origine du problème.

Certains analystes voient dans ce drame l’occasion de découvrir l’impasse de cette société à son stade de développement, avec trop d’autorité et pas assez de citoyenneté.

 

 


Temps fort : Xinjiang : le New deal du premier mai

Le temps de fêtes en Chine tel le 1er mai est souvent celui de tournants politiques. Alors la presse, les analystes réagissent moins, et le Parti peut lâcher du lest sans avoir l’air de se déjuger ou réparer des erreurs.

Ce week-end du 1er mai donc, Pékin semble infléchir sa politique au Xinjiang. Il s’agit d’une question de fond.

Comme au Tibet, la Chine y poursuit depuis des décennies une politique d’assimilation ethnique rapide, incluant transferts de populations Han, exploitation du sous-sol et forte présence armée pour museler l’expression culturelle ou religieuse. Mais depuis 2008, cette stratégie a été mise en échec par les deux désormais célèbres séries d’émeutes violentes à Lhassa (14/03/08) et à Urumqi (5/07/09). Pékin a d’abord réagi par la répression mais sur le fond, depuis lors, il cherche la réconciliation -à condition qu’elle soit compatible avec le maintien de sa loi d’airain.

Or au Xinjiang, la série de mesures annoncées semble justement viser la cicatrisation de ces vieilles blessures :

[1] Fin avril, Wang Lequan, le secrétaire du Parti depuis 15 ans, de tendance dure, dont les Ouighours demandaient le départ, laisse place à Zhang Chunxian, l’ex-secrétaire au Hunan, plus jeune (56 ans) et modéré, qui passe pour priser davantage la prospérité que l’ordre musclé.

[2] Un règlement local du 27/04 impose le bilinguisme aux cadres, même ceux nommés depuis 2 ans. En plus du putonghua, les profs, policiers et autres agents devront parler, selon la région où ils travaillent, une des 12 autres langues non-Han (ouighour, kazakh, kirghiz)… Les fonctionnaires auront 18 mois et trois chances de passer l’examen oral -en cas d’échec, ce sera le licenciement. Cette mesure revenant en pratique à consolider le ouighour comme 2de langue officielle du territoire.

[3] Pékin annonce aussi le renforcement du soutien logistique à ce territoire potentiellement le plus riche du pays (par ses hydrocarbures, sa houille, son énergie solaire et éolienne), mais qui reste arriéré et un des plus pauvres. Deux projets apparaissent, chacun appuyés sur une conférence centrale sur le Xinjiang. Selon Xinhua, une 1ère réunion au sommet en mars, a approuvé un plan d’aide dans le cadre du 12.Plan (2011-2016) de 1,47 MM$/an. Il s’agit de la prolongation du plan «Go West» initié en 1998 à l’initiative de Zhu Rongji, qui fait parrainer chaque sous-région du Xinjiang par les prospères provinces de l’Est. 82 de ces villes ou préfectures seront bénéficiaires au lieu de 56 jusqu’alors, et les provinces donneuses sont portées de 16 à 19. Les jumelages sont d’autre part redistribués : les zones moins avancées comme Hotan et Kashgar étant confiés aux plus riches (Canton et Pékin), et les plus nordiques (Tacheng, Altay) au Heilongjiang, en raison de leurs affinités climatiques.

[4] Nos confrères du South China Morning Post évoquent une autre conférence centrale spécial Xinjiang, convoquée fin mai sous la présidence de Hu Jintao en présence du Politbureau au complet. L’objectif: affecter des financements sans précédent à des projets d’infrastructures dans le tourisme, l’énergie, l’acier, l’agro-industrie, la protection de l’environnement et le recyclage des déchets. On parle du double du PIB du Xinjiang (de plus de 3MM²), à verser par le niveau central.

NB: cette politique offre plus de langue locale, moins de leaders haïs, plus d’argent, mais pas plus de libertés culturelles ou religieuses, sans même parler d’autonomie locale. Les bornes historiques de la tolérance ne sont pas reculées. Question : un tel “new deal” suffira-til ?

 

 

 

 


Petit Peuple : Nanjing : une course poursuite en cascade

C’est l’histoire d’un xiao huangdi (小皇帝petit empereur, fils unique trop gâté) de 21 ans, qui vient de payer au prix fort son dernier caprice. Cadre d’une usine de cuir à Nankin, Ji Ao allait le 18/03 à son bureau, à bord de son bus n°8. Arrivé à son arrêt, il remarqua une chose qui brillait dans le repli du siège: un portable, et pas n’ importe lequel. Quelle chance ! De son point de vue, l’appareil était désormais à lui, bien sûr.

Il y avait même plus à gagner: sur écran, il découvrit les photos d’une fille aux hanches envoûtantes, habillée (très peu) à la dernière mode. Il y avait un n° de QQ, la messagerie internet de la belle. Le soir, Ji l’appela, et quand elle réclama son dû, il ne trouva rien de mieux à faire que de dicter ses conditions : «seulement si tu couches avec moi!» Furieuse, Xiaoli (c’était son nom) le taxa d’une ribambelle de noms d’oiseaux, sur quoi il raccrocha. Après huitaine, à tout hasard, il rappela: à sa surprise, elle accepta cette fois l’offre déloyale, et poussa même la prévenance jusqu’à lui signaler une heure plus tard qu’elle avait réservé pour eux une chambre à l’Holiday Inn: « Voilà, se dit-il en toute fatuité, une fille qui tient à son portable. A moins qu’elle n’ait chuté à mon irrésistible charme». Le temps de se passer un coup d’after-shave, ce 27/03, de sauter dans un bus, et bientôt il frappait à la chambre 607.

Arborant un sourire ambigu, une Xiaoli aussi étourdissante que sur sa photo lui ouvrit. Mais tandis qu’il lui rendait le GSM, la porte soudain céda sous les coups de bottes de 5 malabars qui firent irruption, immobilisèrent le malchanceux et dans un pur style de série B, se mirent à le travailler au corps, comme rumsteck à l’attendrisseur. Tout cela car avec Xiaoli, Ji Ao était tombé sur la copine de Zheng Lixiang, de son état parrain d’une triade. Comme la plupart des sociétés noires (黑社会 heishehui), cette bande de jeunes frustes, en échec scolaire pour la plupart, vivant de gros bras et de délits, était très à cheval sur son code d’honneur, la loi du silence, la défense des copains, et par-dessus tout, celle de la femme du chef. Comme on voit, l’infortuné libertin n’aurait pu tomber pire: réalisant son malheur, sous les taloches, Ji Ao tomba dans les pommes.

Il fut réveillé par un seau d’eau glaciale. Ses bourreaux l’avaient porté à un gourbi infect où il se retrouvait nu comme un ver, avec pour tout meuble la chaise sur laquelle on l’avait ligoté. D’un mot lapidaire, pour sa faute, ils lui annoncèrent son imminente exécution, d’une mort garantie lente, chargée d’affres et d’indicibles souffrances. C’était une mise en scène – on ne voulait lui donner qu’une leçon. Mais les prenant au mot, le petit rond-de-cuir tremblait comme une feuille, en proie à la plus abjecte épouvante. Des coups suivirent, vicieux, assénés au poing ou au pied, à la matraque ou au bout de tuyau d’arrosage, alternés de brûlures de cigarette, et de l’épreuve de boire leur urine—pas dans un verre.

Après une éternité conclue par un dernier simulacre d’exécution, Ji dut leur remettre le code de sa carte de débit, leur permettant d’éponger dans la demi-heure ses 8000¥ d’épargne. Une heure plus tard, un jeune en larmes, alignant bleus et coquards se présentait au commissariat de Kexueyuan, le quartier où on l’avait relâché.

Après l’avoir entendu, les pandores se mirent en chasse et chose rare, arrêtèrent les hommes de main en un temps record, tout en poursuivant les traces chaudes de Xiaoli et de son mafieux amant.

Toute l’affaire reproduisait le célèbre proverbe chinois qui évoque une poursuite en cascade, “la mante religieuse attrape la cigale, mais le moineau est derrière” (螳螂捕蝉,黄雀在后 táng láng bǔ chán, huáng què zài hòu).

 

 


Rendez-vous : Pékin, Salon sur les marchés des moyens de paiement

10-11 mai, Pékin : Payment China, Conférence sur le marché des moyens de paiement

11-13 mai, Shanghai Tube Expo

11-14 mai : Pékin : M+M China, Salon sur les fours industriels et l’industrie métallurgique

13-15 mai, Pékin : NGV China, Salon du gaz naturel et des stations de stockage