A la loupe : Kim Jong-il—le voyage secret de Polichinelle

Quatre jours (3-6/05), Kim Jong-il, dictateur de la république populaire démocratique de Corée sillonna la Chine du nord à bord de son train de luxe, de Dandong à Pékin, via Dalian et Tianjin.

Kim quitte rarement sa Corée du Nord. En Chine, sa dernière visite remonte à quatre ans. Par crainte -justifiée- d’attentat : à son retour en 2006, juste après son passage, une explosion sur la voie avait fait 200 morts.

Mais la Chine, pour Pyongyang, est le plus important allié, celui qui la nourrit (avec l’ONU), qui assure plus de 90% de ses échanges (plus ou moins gratuitement), et la protège des sanctions internationales pour sa course à la bombe atomique et son refus de négocier la paix.

La Corée du Nord est passionnée de secret. Mais impossible de cacher la descente du «cher leader» à Dalian, sa suite présidentielle , ses caravanes de limousines en ville. Pékin s’est contentée de retarder son annonce jusqu’à son retour, et de préciser qu’il avait signifié à Hu Jintao sa disponibilité à retourner aux négociations à six pays (incluant USA, Russie, Japon, Chine et les deux Corées).

Cette donnée fournit une raison majeure au voyage. Le 26/04, on s’en souvient, la corvette sudiste Cheonan disparaissait au large des deux Corées, causant 46 morts. Séoul renflouait la carcasse naufragée, et démontrait l’attentat à la torpille, de fabrication allemande, selon les traces chimiques et l’alliage des débris de l’engin ; le choix d’une arme étrangère, croient les experts sudistes, visant à exonérer la dictature de toute accusation.

Ces mêmes analystes croient que Kim serait venu tenter de convaincre Hu Jintao qu’il n’était pour rien dans l’ attentat, espérant escamoter l’enquête et se voir blanchi du soupçon pour repasser direct au tapis vert.

Mais Séoul a averti que les palabres ne reprendraient qu’une fois la lumière faite sur ce naufrage. Et Washington ET Pékin sont d’accord. Séoul s’apprête à rendre ses conclusions d’ici le 15/05, à temps pour un «demi-sommet» à trois avec Japon et Chine. Inévitablement, il incriminera Pyongyang. On voit donc le drame qui se prépare, mais non la manière dont il se résoudra.

Mise à part cette périlleuse affaire, la mission du «cher leader» visait deux autres objectifs :

[1] tendre sa sébile pour obtenir plus d’aide, vitale à ce pays de 20M d’âmes pauvre en terres arables -dont les gens viennent de perdre toute leur épargne suite à une réforme monétaire ratée de 2009, qui valut son exécution au ministre responsable. Pékin a probablement accepté, Pyongyang ayant accédé de retourner au tapis vert. Il lui livrerait donc quelques cargos de céréales, pétrole ou engrais -mais ceci reste encore secret.

[2] présenter au sommet du Parti-frère son dernier fils Kim Jung-Un, comme dauphin de sa dynastie. Car à 68 ans et un infarctus derrière lui, le chef du «matin calme» est en santé frêle. Selon la rumeur, Jung-Un était à bord du train : pour vivre son intronisation auprès de la plus forte autorité morale aux yeux nord-coréens – celle du parrain chinois !

 

 

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