Pol : Les bonnes résolutions de l’Etat—Confucius

Qui craint le grand Obama ?

Au jour de son intronisation (20/01), Barak Obama jouit au sein du pouvoir chinois d’une image un peu frileuse, au-delà des offres d’amitié. Le 1er souci concerne ses racines ethniques : en Chine, une telle situation se traduirait par un leader tibétain ou ouighour, auquel l’opinion est loin d’être prête. D’autre part, les « obamologues » prêtent au jeune Président  le projet de réclamer plus de droits de l’homme en Chine, une réévaluation du Yuan, et il méditerait une relance de missions spatiales lunaires pour ne pas laisser à la Chine ce monopole.  Autant de vues qui dérangent… 

Mais les leaders savent aussi que 10 ans avant, ils ont su aiguiller un «小 xiao-» Bush mal disposé au départ, vers de meilleurs sentiments. En 2009 plus encore, ils ont confiance de « tenir» les USA, avec dans leurs coffres, les plus grosses réserves en bons du trésor !

L’opinion de la jeunesse est aussi importante. Intriguée par Obama, son succès, sa jeunesse, son incarnation du rêve américain, elle a fait son best-seller de son livre « l’audace de l’espoir », et ne demanderait qu’à être séduite par un come-back des USA démocratiques, ce qui là encore inquiète Pékin – mais ceci est une autre histoire.

 

Les bonnes résolutions de l’Etat-Confucius

Comme chaque année à même époque, l’Etat voit ressurgir sa vieille culture confucéenne, et veut assumer ses devoirs envers les masses : à la veille du chunjie, il multiplie promesses et projets, dont voici une première livraison :

[1] Hausse de la prime de pauvreté de 15¥ en ville, 10¥ aux champs. A 20% du revenu moyen, elle fera 410¥ pour le Pékinois urbain, 170¥ pour le campagnard. Ce budget explosera en 2009, bien plus que les +20% (276MM¥) enregistrés l’an passé.

]2] Guerre aux arsenaux clandestins. Le 12/01, quatre usines ont été détruites à Chongqing- par une armée de 1000 paras, des blindés et hélicoptères d’assaut. Quelques dizaines de membres de triades, des milliers de revolvers et PM ont été saisis.  

[3] Le ministère de la santé se lance dans des frappes dissuasives dans les usines et magasins de sept provinces, à commencer par le Hebei, celui par qui le scandale du lait contaminé est arrivé. Aux utilisateurs d’additifs illégaux, il promet des sanctions pénales et une dénonciation immédiate dans la presse. 

[4] Guerre traditionnelle à la fraude. – Une vague de faux billets de 100¥ envahit 10 provinces, imprimés à Taiwan avec des presses allemandes, si véridiques que les actuels détecteurs ne marchent plus. Les faussaires osent les vendre par internet. – Le Xinjiang est le site d’une expérience souvent promise, jamais tentée : 1000 cadres de l’Altay verront leurs revenus publiés en  mars. – Le Président Hu Jintao adjure la Commission  de vérification de la discipline (police du Parti) de redoubler d’efforts dans des “domaines majeurs” : contrats publics, octroi de sol, de licences, de positions, et expropriations. Hu s’inquiète de limiter la part que les cadres détourneront, des 500MM² à dépenser “d’urgence”, pour arracher la Chine à l’enlisement…

[5] Très nouveau et intéressant, constatant son image extérieure qui demeure médiocre, et le peu de crédit que lui porte les media étrangers, le régime veut “se servir soi même”, remplacer la presse étrangère par la sienne propre. Elle offre 6,6MM$ à ses trois maisons les plus fidèles, pour diffuser sur les cinq continents. CCTV prépare ses chaînes en russe et arabe (arabe, pour septembre, 100 postes créés). Xinhua va presque doubler, à 186, ses bureaux étrangers, chacun doté de dizaines de “journalistes”, et créer son magazine “Global Times”. Via son porte-parole, Li Changchun, tsar de la propagande, donne le nouveau ton: “La Chine n’est plus le malade de l’Asie, ni pauvre, arriéré et stupide. Le grand peuple chinois s’est réveillé, parmi les nations “!

~ Au même moment, un groupe d’intellectuels propose à ses concitoyens de boycotter CCTV : “trop conservateur”, et “tournant les nouvelles et téléfilms en propagande”…

 

 Tibet : le round d’après

Depuis les trois jours d’émeute de mars 2008, le dossier tibétain n’en finit pas de rebondir. Après ces violences suivies d’une importante reprise en main, Pékin et les milieux tibétains en exil autour du Dalai Lama avaient tenté de reprendre les négociations – l’encouragement de pays de l’Ouest et l’imminence des Jeux Olympiques avaient aidé. Puis les débats s’étaient enlisés—peut-être, suite aux attentes d’un côté tibétain très au-delà de ce que Pékin pouvait céder (cf édito VdlC n°35).

 Après cet échec, les nouvelles de part et d’autres, laissent apparaître une désillusion réciproque, l’impression que plus rien ne justifie la retenue de l’avalanche. Les incertitudes de la crise, ne font rien pour arranger les choses. A Lhassa, la session du parlement territorial a émis (11/01) le projet d’une nouvelle fête publique locale, dite « de l’affranchissement du servage ». La fête devait être votée par cette instance le 19/01, et sa date fixée au 28/03, qui marquera cette année le cinquantième anniversaire du passage complet du Toit du monde sous administration chinoise. Pang Boyong, le militant vice Président de cette assemblée, expliqua que la loi devait « rappeler à tous les Chinois, y compris les Tibétains, la réforme initiée en 1959, pour rendre des millions de serfs… maîtres de leurs destins, en supprimant résolument la rébellion et abolissant le système de servage féodal théocratique ».

L’édile accusa aussi le Dalai Lama de tenter de « saboter » le système d’autonomie régionale pratiqué au Tibet. Il se trouve que ce rapport était prononcé le même jour qu’un discours du Dalai Lama à Sarnath (Inde), affichant sa conviction que « des changements auraient sans doute lieu en Chine ». Suggérant une fin prochaine du « système communiste de gouvernance », suivant le même schéma qu’en Union Soviétique, née et morte dans le même siècle.  Le prélat lamaïste afficha aussi sa conviction que « la question du Tibet dominerait à long terme », permettant d’espérer la sauvegarde du patrimoine culturel victime d’une « tentative de destruction complète ». De plus en plus de Chinois exprimeraient « ouvertement leur solidarité » à sa cause, une fois connues « les véritables circonstances » (sous entendu : des émeutes).

Comme on le voit, des deux côtés, on ne prend plus de gants. Par rapport à six mois plus tôt, l’heure n’est plus au dialogue. Tout se passe comme si, faute de capacité de compromis, chaque bord pariait désormais sur la disparition de l’autre. Mais qu’adviendra-t-il, si les deux, dans cinq ou dans vingt ans, sont toujours là ? C’est une  hostilité de long terme qui menace, à la mode basque… ou palestinienne !

 

 

 

 

 

 

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