Temps fort : Totem Loup—découverte mondiale d’un roman chinois majeur

« Totem Loup » vient d’obtenir le 1er prix littéraire pan asiatique, le Man Asia, doté de 10.000$.

Le roman de Jiang Rong (pseudo pour Lu Jiamin) a été désigné par un jury international anglophone. En librairie (chinoise) depuis 2004, le titre est un phénomène, vendu à 2M d’exemplaires légaux, 20M de piratés. Les éditions Penguin préparent sa sortie anglophone pour mars 2008, et prédit 2M de ventes – pour commencer.

L’ouvrage est discuté dans de nombreux forums télévisés, distribué aux états-majors industriels (comme outil de motivation stratégique), aux officiers de l’armée chinoise (qui y étudient les instincts et techniques du loup pour saisir sa proie). Telle est l’étonnant succès de ce texte semi autobiographique, décrivant la vie d’un simple Han dans un village. Mais ce livre, fruit de 30 ans de réflexion et de 6 ans d’écriture, est plus que cela. Jiang le définit comme «réhabilitation de la liberté et l’environnement… arrivé à un moment où les Chinois s’interrogeaient sur les besoins de l’esprit… et  non une théorie abstraite, mais la légende de la force du loup ».

L’histoire : Chen Zhen s’est porté volontaire durant la révolution culturelle pour partager la vie d’un hameau mongol. L’aventure commence, quand Chen adopte un louveteau et se met à observer ses rapports aux humains autochtones. Ces nomades vivent avec leurs troupeaux et partagent l’espace avec les loups : équilibre précaire, bientôt rompu par l’arrivée des hommes de la ville, apportant avec eux modernité et destruction du territoire.

Le symbolisme est puissant. Le mouton souligne le comportement grégaire des foules, trop aisément subjuguées. Tandis que le loup caractérise l’esprit de survie, invincible dans sa liberté, sa loyauté, sa bravoure et son sacrifice. Jiang Rong va plus loin : il voit dans son livre une allégorie de l’importance de la liberté pour la société. Sans liberté réelle, les gouvernements autocratiques peuvent déclencher les guerres. Tandis qu’au contraire, « si les hommes deviennent loups, et exigent les réformes, moins de menaces pèseront sur Terre ».

Avec de telles idées, on peut se demander comment tel livre a pu voir le jour en Chine. « D’abord », dit Jiang, « grâce aux progrès du pays depuis 20 ans, à un gain en tolérance du régime », même si « le processus n’est pas complet ». Mais avant tout, l’auteur a maintenu une prudence extrême, gardant un anonymat maximal. A bon escient. Car Lu, à 61 ans, est un vainqueur usé, ayant été emprisonné pour ses idées, après les événements de juin 1989. Aussi son roman a quelque chose d’une revanche magnanime : bouillonnant de passion, son oeuvre est le legs pacifique d’une révolution perdue, qui renaît de ses cendres 14 ans plus tard, donne un message d’espoir, et réconcilie les générations !

 

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire