Le Vent de la Chine Numéro 37
Le tumulte de la rentrée se prolongea loin dans l’automne, sous l’explosion des exports, de la bourse et d’un XVII. Congrès qui nomma un nouveau gouvernement.
Le 28/11 verra à Pékin le sommet économique Euro-chinois suivi -peut-être- d’un traité pour piloter 20 ans de croissance des relations entre nos continents. Pékin accueillera aussi le Président français N. Sarkozy (25-27 /11). Entre ces temps forts, le temps chute de 14°en 48h, entrant dans l’hiver : la Chine reprend haleine, comme pour réfléchir aux petits faits de sa vie ordinaire !
[1] Poursuivant leur stratégie de promotion du paysan, six ministères (dont agriculture, finance) sont las des visites résolument optimistes et mensongères qu’on leur maquille en permanence : ils lancent leurs inspections-surprises conjointes à travers 4 provinces et territoires spécialement suspects de cette pratique. Les leaders lo-caux trouvés fautifs de taxes illégales ou de non gratuité scolaire recevront des amendes, et un délai pour rétablir la situation, faute de compromettre leur carrière.
[2] Lors de ces visites non annoncées, les limiers pourraient découvrir cette taxe juste inventée à Cheng’an (Hebei), vibrant hommage à l’inventivité des ronds de cuir aux champs : la «taxe de pliage des tiges de maïs». Les paysans qui refusent de s’en acquitter, se font frapper. Pourtant la technique permet de récupérer les tiges comme fourrage du bétail, au lieu de les brûler en une fumée qui cause, avec le tabac, 1,28M de morts/an, par maladies chroniques d’obstruction pulmonaire, 1ère cause de décès des campagnards – le 14/11 était la journée mondiale de lutte contre ce mal.
[3] Après les paysans, les citadins : dès 2008, les villes devront à leur tour assumer les frais de 9 ans d’école : ainsi, le principe de l’école gratuite et obligatoire est rétabli – comme avant l’ère de Deng Xiaoping.
[4] Sous la contrainte, deux grandes firmes viennent de renoncer à des pratiques controversées. Pour obtenir le retrait de leurs plaintes, Yahoo! (13/11) a payé un montant non précisé, aux familles de deux internautes en prison par sa faute.
Tandis que Huawei est «convaincu» par le syndicat unique (12/11), de suspendre son plan de «démissions volontaires» de 7000 employés (VdlC 36), par lequel il espérait contourner la nouvelle loi du travail.
[5] Selon un sondage sur 6000 célibataires à Shanghai, ces derniers ne croient plus en eux-mêmes pour trouver l’âme-soeur, et font plutôt confiance, à 90%, aux entremetteurs -voire leurs avatars modernes des clubs de rencontre. Sur les raisons de leur échec, ils évoquent mille causes, parmi lesquelles la pauvreté, le surmenage, la pression des parents. Ce qui frappe l’observateur, en cette circonstance, est le renoncement du jeune à tenter l’aventure, choisir et décider seul de son destin. Échec d’une frange sociale, qui fait remonter en surface une vieille question : cette inaptitude est-elle le fruit du présent socialiste, ou l’héritage du passé confucéen?
On pourrait accuser l’éducation autoritaire, d’avoir mal préparé ces jeunes à leurs vies d’adultes. Toutefois, ailleurs dans le sondage, ces célibataires précisent la raison n°1 du voeu de se marier : pour se confier, communiquer. Ce qui pourrait se révéler, tout bien considéré, un 1er pas vers la démocratie de demain!
« Totem Loup » vient d’obtenir le 1er prix littéraire pan asiatique, le Man Asia, doté de 10.000$.
Le roman de Jiang Rong (pseudo pour Lu Jiamin) a été désigné par un jury international anglophone. En librairie (chinoise) depuis 2004, le titre est un phénomène, vendu à 2M d’exemplaires légaux, 20M de piratés. Les éditions Penguin préparent sa sortie anglophone pour mars 2008, et prédit 2M de ventes – pour commencer.
L’ouvrage est discuté dans de nombreux forums télévisés, distribué aux états-majors industriels (comme outil de motivation stratégique), aux officiers de l’armée chinoise (qui y étudient les instincts et techniques du loup pour saisir sa proie). Telle est l’étonnant succès de ce texte semi autobiographique, décrivant la vie d’un simple Han dans un village. Mais ce livre, fruit de 30 ans de réflexion et de 6 ans d’écriture, est plus que cela. Jiang le définit comme «réhabilitation de la liberté et l’environnement… arrivé à un moment où les Chinois s’interrogeaient sur les besoins de l’esprit… et non une théorie abstraite, mais la légende de la force du loup ».
L’histoire : Chen Zhen s’est porté volontaire durant la révolution culturelle pour partager la vie d’un hameau mongol. L’aventure commence, quand Chen adopte un louveteau et se met à observer ses rapports aux humains autochtones. Ces nomades vivent avec leurs troupeaux et partagent l’espace avec les loups : équilibre précaire, bientôt rompu par l’arrivée des hommes de la ville, apportant avec eux modernité et destruction du territoire.
Le symbolisme est puissant. Le mouton souligne le comportement grégaire des foules, trop aisément subjuguées. Tandis que le loup caractérise l’esprit de survie, invincible dans sa liberté, sa loyauté, sa bravoure et son sacrifice. Jiang Rong va plus loin : il voit dans son livre une allégorie de l’importance de la liberté pour la société. Sans liberté réelle, les gouvernements autocratiques peuvent déclencher les guerres. Tandis qu’au contraire, « si les hommes deviennent loups, et exigent les réformes, moins de menaces pèseront sur Terre ».
Avec de telles idées, on peut se demander comment tel livre a pu voir le jour en Chine. « D’abord », dit Jiang, « grâce aux progrès du pays depuis 20 ans, à un gain en tolérance du régime », même si « le processus n’est pas complet ». Mais avant tout, l’auteur a maintenu une prudence extrême, gardant un anonymat maximal. A bon escient. Car Lu, à 61 ans, est un vainqueur usé, ayant été emprisonné pour ses idées, après les événements de juin 1989. Aussi son roman a quelque chose d’une revanche magnanime : bouillonnant de passion, son oeuvre est le legs pacifique d’une révolution perdue, qui renaît de ses cendres 14 ans plus tard, donne un message d’espoir, et réconcilie les générations !
L’Iraq, de nouveau, achète Chinois
A la veille de la guerre iraquienne, les échanges de ce pays avec la Chine fleurissaient à 975M$. Ensuite, ce commerce avait bien sûr décliné, à 56M$ en 2003 (l’année des hostilités), pour se rétablir en 2006 à 1,1MM$, dont 650M$ en fournitures chinoises.
Aujourd’hui, les partenaires regagnent en confiance en soi: profitant de l’actuelle accalmie des attentats suicides, la Shanghai Heavy Industry va monter à Wasit, au sud-ouest de Bagdad une forte centrale thermique, pour 940M$.
Un autre contrat, plus mince, de 100M$ irait en vente d’armes, pour équiper la police locale. Cette reprise des échanges, signifient deux choses :
[1] vis-à-vis de la dette contractée par Saddam Hussein envers la Chine, évaluée entre 8 et 10MM$, un accommodement a été trouvé—Pékin effaçant jusqu’à 80%, comme l’a fait le club de Paris.
[2] Et les forces d’occupation n’ont plus tout à dire sur les affaires du pays. D’ailleurs, Bagdad l’a déjà clarifié: le contrat de 1997 qui octroyait à la compagnie nationale pétrolière (CNPC) 23 ans de droits (développement + JV d’exploitation) sur le champ pétrolier d’Al Ahdab, sera renégocié au plan technique (forage horizontal et non vertical, pour épargner ce terroir à vocation agricole), mais non remis en cause. Le prix de l’époque pour la CNPC aurait été d’1,3MM$, pour une capacité estimée à 90.000barils/jours.
Et comme pour souligner la volonté bilatérale de renouer les liens, les contrats de service chinois en Iraq ont discrètement quintuplé en 2006, à 50,5M$ !
APL : combinaisons sur les uniformes
On n’entend jamais parler de fraudes sur les militaires.
Non qu’elles n’existent pas, ni qu’elles soient si secrètes -la simple vue de somptueux palais flambant neufs de généraux, dans tout le pays, suffit à édifier. Mais l’armée est puissante, et protégée. Or, deux petites nouvelles de cette semaine, semblent suggérer le désir du pouvoir, de limiter ce secret-défense discrétionnaire.
Depuis le 11/11, l’APL revérifie les qualités physiques et morales des recrues. Souvent, des familles paysannes paient des officiers vénaux pour caser leur rejeton, même s’il ne répond pas aux normes. L’information ne précise pas l’étendue de la fraude, parmi les 2,3M de soldats.
‚ Le 15/11, l’APL émet un ultime ordre à ses démobilisés : rendre leurs uniformes.
Jusque alors, elle laissait les sortants partir avec leurs nippes kaki, pour leur permettre de garder souvenir du «bon vieux temps». Mais les temps changent : depuis le 1er juillet, les uniformes sont flambants neufs, redessinés et de bon look. L’intendance est lasse de voir ses tenues de haut prix, traîner dans les marchés aux puces ou pire, les voir portées un peu partout en Chine par des manifestants, ex-soldats réclamant de l’aide, un nouveau métier, une nouvelle existence !
Barrage de Xiluodu, c’est parti
Nouveau départ pour le barrage de Xiluodu (Sichuan), projet de la corporation du barrage des Trois Gorges. Lancés fin 2005 puis interrompus par la SEPA, l’agence nationale de l’environnement, les travaux viennent de franchir le point de non-retour en détournant la Jinsha de son lit, le temps d’élever la digue à 278m, d’ici 2015.
Pour 5MM² de coûts, elle générera l’équivalent de 12 réacteurs nucléaires (12,6Gw). Xiluodu sera le second barrage de Chine. Sa pertinence écologique est nette, en retenant des sédiments en amont du barrage des Trois Gorges, et générant de l’électricité sans émission de gaz à effet de serre. Mais la SEPA tenta de l’arrêter, à cause d’une autre pollution (les rejets d’engrais et d’effluents convertissant le réservoir en cloaque), et de l’impopularité mondiale du système.
NB : à propos d’un projet similaire de 17 barrages le long de la Salween/Nu, l’Unesco menaça en 2006 de rayer une région voisine de sa liste de sites du patrimoine mondial – suite à quoi la Chine fit marche arrière. Concentrant 17% du potentiel hydroélectrique du pays, la Jinsha est un cours stratégique pour la Chine, qui y prépare 4 barrages de 35Gwatts. Deux sont en chantier (Xiluodu et Xiangjia), et deux (Baihetan et Wudongde) sur la planche à dessin.
La télévision internet, sans foi ni loi
La Chine s’essaie déjà à la TV de l’avenir : l’IPTV, portée par l’internet. Mais si la technique est là, la loi, pas encore.
Justement le 13/11 à Shanghai, Xinchuan, de Pékin, groupe propriétaire des droits sur le film français « l’empire des loups », porte plainte contre les empires médiatiques SMG et BesTV et l’investisseur Shentong (Hangzhou), pour diffusion pirate. Xinchuan réclame 230.000¥ de dommages et des excuses publiques dans la presse. La loi des droits de marque ne couvre qu’incidemment les droits de diffusion dans les « nouveaux media ».
Profitant du vide juridique, les producteurs des nouvelles chaînes de TV par internet squattent impunément les émissions et films des autres. Les producteurs, le plus souvent, feignent de ne rien voir, visant la publicité que leur rend l’exploitation de leur travail. Plus pour longtemps, désormais, car ce procès impliquant des intérêts étrangers, fera jurisprudence.
Nb 1: manifestement, la censure ne prend pas encore très au sérieux l’IPTV. Inaccessible au commun des Chinois sur leur petit écran, Phoenix-TV l’est aux 136M d’internautes.
NB 2: la Chine a 2548 chaînes de radio/TV, et 900 M de public (126M par câble). Prochaine étape : la TV digitale/câble, en 2015.
Cette semaine encore, se renforcent les nouvelles et actions écologiques. Pas de doute, sous pression, Pékin doit multiplier les initiatives, et défendre son bilan environnemental, sur les deux fronts : intérieur (pour conscientiser), et mondial (pour faire patienter).
Ainsi, l’AIE, l’agence internationale de l’Energie, affirme devant le Congrès mondial de l’énergie que d’ici 2030, les émissions chinoises et indiennes de carbone auront monté de 60%. Le CGP, centre de recherche privé américain, annonce ce même bilan pour la Chine, dès 2017. Aussi Pékin multiplie les initiatives afin de ne laisser aucun doute sur son engagement—sans se lier par la promesse de coupes contraignantes :
[1] La semaine passée (VdlC n°36), la SEPA, l’agence nationale de l’environnement, tambourinait son projet (très contesté par les lobbies et provinces) d’évaluation stratégique environnementale obligatoire pour tout investissement nouveau, et d’un fonds de crédits-carbone à 3MM$.
[2] Puis on apprend qu’au lac Tai (au Jiangsu, colonisé quelques semaines l’été dernier par une couche d’algues nauséabondes), la taxe de rejets d’effluents sera portée à 10,5¥/kg de COD. Le pouvoir espère la fermeture de 1000 usine locales (chimiques, textiles et de pâte à papier) : faute de payer, l’usine se verra – peut-être – couper son compteur d’eau et d’électricité.
[3] Une nouvelle loi de l’énergie se prépare, ainsi qu’un ministère unique, peut-être dès mars 2008, qui brisera les privilèges des pétroliers et électriciens, pour donner priorité aux renouvelables.
[4] Le Bureau de Sûreté Maritime prépare (depuis 2005) un fonds de compensation en cas de marée noire, et une assurance obligatoire à tout navire dans ses eaux. En 13 ans, 2635 accidents ont eu lieu, dont 69 cas ayant déversé plus de 50 tonnes. En 2006, jusqu’à 431Mt de produits pétroliers transitèrent en mer de Chine.
[5] De façon dramatique, le 15/11, la SEPA révèle que ses efforts portent leurs 1ers fruits : suite à l’équipement en filtres, depuis janvier, de 74 GWatts de centrales thermiques, à l’ouverture de stations d’épuration pour 9Mt d’eaux usées/j, et à la fermeture de 1700 PME sales, la pollution reflue depuis l’été. Moins 1,81% pour l’air (19Mt de SO² émis), moins 0,28% pour l’eau, à 10,33Mt de COD. Pourtant, l’an passé dans le Yangtzé, elle progressait toujours, de +3% d’effluents, avec 30.500MMt déversés…
De tels résultats, à vérifier, sont le fruit de l’effort sans précédent du pays, avec l’aide d’étrangers, tel Earth Tech (US) qui ouvre à Canton son centre de traitement d’eau de 260.000m3/j, en BOT (Build-Operate-Transfer) de 130M$. Ou tel Veolia dont les branches (déchets, énergie, transports) tiennent 15.000 jobs.
A 30% de croissance/an, il ne lui faudra que six ans pour faire passer son investissement de 1MM$, à 2,5MM$ !
Le 14/11, tous les indicateurs conjoncturels donnaient des signes de fin de cycle.
[1] L’inflation brute est remontée à 4,5%, le triple d’un an plus tôt. A 6,5%, la hausse de l’IPC d’octobre rejoint son record d’août 2007 et de 1997, poussé par les prix des vivres (+17,6%).
[2] La Banque centrale avoue une masse monétaire supérieure aux prévisions : 39.300MM¥, +18,5% fin septembre.
[3] Maigre fruit d’intenses efforts de l’Etat, la croissance de l’export se calme en octobre, à +22,3% sur 1 an (+0,5% depuis septembre).
[4] L’import rebondit à +9,4% (+25,5% sur 1 an).
La croissance générale baisse de 0,2%, à 11,5% – taux qui reste intenable à long terme…
Mais voici un signe qui ne trompe pas : les matières 1ères sont toutes à la baisse, et la bourse de Shanghai, indécise, récupère le 14/11 les 5% perdus le 12. Au 15/11, ses pertes se résument à 8% depuis début novembre (cf VdlC n°36), dues au malaise d’un marché mondial perturbé par la crise des « subprimes », et par l’action de l’Etat qui semble mettre «toute la gomme» pour résorber la bulle, sans l’éclater. Pour ce faire, il vient d’imposer aux banques une 9ème hausse de leurs réserves, à 13,5% des dépôts (échéance au 26/11). Épongeant ainsi 200MM¥ d’argent frais du marché. Parmi d’autres mesures, figure la hausse importante du gaz le 13/11, que nous annoncions la semaine passée: +35%, soit +0,4¥ /m3.
Faute de savoir la gérer, l’Etat renonce pour l’instant à une taxe de 10% sur les sorties de capital étranger. A la Banque centrale, Guo Jianwei déplore l’« inefficacité » des contrôles sur les comptes capitaux, du fait de l’afflux de fonds spéculatifs pariant sur l’appréciation du yuan. L’essentiel de l’inflation serait imputable à ce petit jeu, lui-même facilité par l’absence de « contrôles transparents et uniformes des entrées et sorties de capitaux ». Absence qui au demeurant, ne saurait durer : plusieurs bases de données se mettent en place, telle celle de l’AQSIQ dès mars (en chinois) puis juin (en anglais), qui tiendra le compte des entrées et sorties de 4000 types de produits, leur qualité, et leur financement !
Une autre plainte s’entend parmi industriels et cadres locaux : la hausse mondiale du pétrole brut, à 100$ le baril, serait un complot pour mettre à genoux l’économie chinoise: la surchauffe serait au fond, pilotée par un « mur d’argent » d’Outre Pacifique. Fondée ou non, cette hantise est renforcée par celle d’un petit peuple à bas budget, frappé par la valse des étiquettes: au Carrefour de Shapingba (Chongqing), une bousculade autour d’une promotion d’huile de table (10/11) causa 3 morts, 31 blessés.
Enfin, le malaise ne frappe pas tout le monde! En octobre, les ventes au détail ont monté de 18%, celles de voitures, de 21% (497.000). Avec ses 150% de gains depuis janvier, la bourse divise la société en 2 classes : les agioteurs, qui s’enrichissent, et les autres – les perdants !
Kodak revend son pirate, Lucky
Après avoir avalé trois petites marques de photo argentique en 1998, Kodak avait en 2003, repris 20% de Lucky, le dernier restant. A 100M$, l’affaire était chèrement défendue contre Fuji (Japon), son concurrent mondial : le groupe de Rochester semblait bien parti pour « finir » Lucky (et toute marque locale) dans les années suivantes.
Mais le 12/11, quatre ans plus tard, on constate tout autre chose. Kodak revend ses parts à un groupe cantonais, avec lourde perte – presque 100%, en tenant compte des équipements investis. Pourquoi la débâcle ?
D’abord, insidieusement, l’ex-entreprise d’Etat de Baoding (Mongolie Intérieure) a phagocyté les milliers de boutiques franchisées de Kodak : le boutiquier pouvait y vendre son papier photo sous le nom et au prix « Kodak ». De la sorte, Lucky avait recolonisé 25% du marché local, au détriment du partenaire américain. Ensuite, le digital est arrivé, prenant Kodak de court. Détail qui ne trompe pas : Kodak annonce pour après 2008, son désengagement de tout sponsoring olympique. Pour développer à toute vapeur sa propre gamme de produits digitaux – il y va de sa survie !
Tandis que Lucky, le mourant de 4 ans plus tôt, aujourd’hui en très bonne forme, va faire sa réforme de capital, permettre aux actionnaires hors bourse d’y rentrer, et faire le plein de l’épargne locale par la même occasion !
Mines : la peur du croquemitaine BHP-Rio Tinto
Début novembre, de Pékin à Shanghai, les courtiers mondiaux se pressaient auprès des aciéristes et financiers locaux, en quête du contrat du siècle: celui qui empêcherait la fusion de BHP-Billiton (Australie) avec Rio Tinto (US), pour 131MM$. A 400MM$, le nouveau géant figurerait parmi les cinq 1ers mondiaux, détiendrait près de 40% du minerai de fer, 20% de l’alumine, 65% du charbon à coke. Luo Jianchuan, Président de Chalco estimait qu’il «pourrait dès 2008, doubler les prix de la plupart des ressources »… De plus, ce monstre cumulant 100MM$ de ventes par an et 100.000 jobs, pourrait par ce mariage, économiser 5 à 7MM$ /an.
L’appel aux actionnaires de Rio (3 actions du groupe contre une de BHP, plus une prime collective de 34MM$) arrivait le 12/11, au beau milieu du Congrès pékinois des minéraliers chinois et de leur ministère, et des négociations mondiales pour le prix annuel du minerai de fer. Aussi nos courtiers firent-ils défiler toutes les alliances secrètes et combinaisons pour monter une offre rivale à celle de BHP : des banques comme la Banque de Chine, le nouveau groupe d’Etat China Investment Corporation (CIC), les grandes aciéries, Petrochina (1er détenteur national de capital).
Dans cette tentative, les atouts ne manquaient pas à la Chine, à commencer par une abondance de devises. On crut même un moment la voir apparaître. La China Development Bank dut démentir un achat « de blocage » de moins de 1% de la « fiancée » Rio… Cependant, quelques jours de rumeurs suffirent pour tirer les choses au clair : la Chine ne pourrait pas empêcher un deal BHP-Rio. Les minéraliers craignaient, de la part de Canberra, un remake du syndrome Unocal, dont la reprise par Cnooc en 2005, avait été torpillée par le Congrès américain.
Mais pour les observateurs, le problème était ailleurs, plus profond : les aciéries étaient trop cloisonnées, et trop ombrageuses pour s’entendre. Même pour faire front uni face aux vendeurs de minerai, ce fut le ministère qui dut leur imposer quelques semaines de fortes taxes à l’export de l’acier, et leur couper les crédits afin d’étouffer un instant leurs commandes. Aussi, face au risque de naissance du géant, les aciéristes chinois prient Marx que le poussin meure dans l’oeuf. Et s’il sort, ils veulent chacun pour soi, exploiter les quelques mois de répit suivant la fusion, pour acheter des mines, en Australie surtout.
NB : la leçon sera retenue par les sidérurgistes chinois : devenir global, ou souffrir. Tant il est vrai qu’investir 8,54MM$ en mines étrangères en 2006, pour la Chine entière, c’est une miette, face aux 130MM ou plus, que veut et peut payer BHP aujourd’hui !
A neuf mois des jeux, les athlètes de l’équipe chinoise angoissent.
– Cui Dalin, vice-président du comité olympique chinois nous apprend que des psychologues ont été recrutés pour alléger cette tension, invitant tireurs et gymnastes à apprendre l’anglais ou regarder des films.
NB : Mais cette Chine sportive a-t-elle vraiment un moral si fragile? La consigne officielle est de garder profil bas, mais l’objectif lui, reste à 40 médailles d’or, contre 32 à Athènes
– En eux ans, les chantiers des sites des Jeux ont permis de découvrir 1500 objets antiques, d’or, céramique, jade, et 700 tombes remontant parfois jusqu’à l’époque Han (-206/+220): les archéologues, dit-on, «marchent derrière les bulldozers».
– Par -30° fut boulonné le relais de China Mobile à 6500m sur les pentes de l’Everest, convoyé à dos de yaks et de porteurs. Indispensable à l’ascension de la torche olympique jusqu’au sommet, le test initial était pour le 14/11 : ce fut un succès.
– Uni-President, le géant alimentaire de Taiwan, a payé lourd pour l’exclusivité des fournitures en 方便面 fangbianmian, nouilles instantanées aux JO et Jeux paralympiques. Mais vu le peu de temps qu’auront les visiteurs, entre les 1000 épreuves à suivre, les bols de nouilles d’Uni-President, c’est du tout cuit !
En 1980 à l’âge de 28 ans, Zhang Guangzi, frais émoulu de son école normale de Kunming, enterra sa vie d’étudiant à vélo sur 3000 km, à la découverte estivale de son pays. Par monts et par vaux de Kunming à Pékin, le périple lui offrit le cadeau quotidien de paysages sublimes, et d’hôtes aussi chaleureux qu’originaux. Pour finir en beauté le voyage de sa vie, Zhang avait publié son journal, ses photos, en un ouvrage qui lui valut à l’époque une notoriété bien méritée.
26 ans plus tard, instituteur à Nujiang (Yunnan), Zhang qui avait alors 48 ans, voulut remercier les auteurs de ses jours, en refaisant avec eux son circuit de jeunesse. Zhang ressentait comme une injustice insupportable, que son père de 91 ans, sa mère de 88 ans et Rongmei sa soeur d’un autre lit (61 ans), n’aient jamais eu la chance d’étudier ni de s’aventurer au-delà de leur village, condamnés à végéter dans un horizon cent fois plus étriqué que le sien.
Au Yunnan pas plus qu’ailleurs, l’école n’enrichit son homme : pour boucler le budget des vacances de sa tribu, Zhang dut emprunter 200.000 ¥, prix de la jeep de ses rêves. Une fois les bagages chargés, avec ses parents, il se lança dans leur voyage à petite vapeur.
Taquiné par la vanité mauvaise conseillère, le maître d’école avait commis une petite erreur: avertir la presse, qui prit ensuite prétexte des fréquentes sautes de santé d’une mère vite épuisée, pour faire pleuvoir sur l’expédition un feu roulant de critiques insidieuses. Par contre, contre toute attente, Zhang découvrit l’engouement inattendu de son père pour ce passe-temps, et l’ancêtre lui en redemanda : le 25/9/2007, c’est discrètement qu’ils repartirent à deux en jeep. Le nouveau circuit est plus ambitieux, 5000km via Hainan l’île tropicale, Canton, Nankin (le père veut s’incliner devant le mausolée de Sun Yatsen, au pied du 2dpic du Mont pourpre), pour finir à Qufu (Shandong), terre de Confucius. Zhang a emprunté 60.000¥ de plus, et renoncé à trois mois de salaire, sans avoir seulement pu rembourser le 1er emprunt -par bonheur, le créancier, un ami, n’est pas regardant, et «on ne vit qu’une fois », dit le maître, dont l’unique hantise est de n’avoir rien à se reprocher, une fois ses parents trépassés. Après ses exploits, Zhang passe en Chine pour un parangon de piété filiale, semblable à ce fils du proverbe, gentil au point d’ «endosser les nippes bariolées du poupon, pour faire sourire ses vieux parents ». (彩衣娱亲, cai yi yu qin).
Mettons quand même un petit bémol à cette trop belle histoire, publiée dans la presse locale : elle est -pas par hasard -du type qu’aime la censure, et sert de cache-misère à une crise de génération. Selon de récents sondages, 80% des jeunes actifs souhaitent éviter de vivre sous un même toit avec leurs parents, qui les rendent mal à l’aise, à être demeurés paysans. En cela, cette histoire renvoie, 170 ans plus tard, à celle du père Goriot de Balzac, abandonné par ses filles, après s’être épuisé à les marier plus haut que lui !
19-21 novembre, Shanghai : Salon du packaging des produits de luxe
20-26 nov. Canton : Salon de l’automobile
21-23 nov. Pékin : Salon international du radar
21-24 nov. Canton : All in glass, Salon des technologies du verre
20-22 nov. Shanghai : Salon de la papeterie