Banques : l’année du dragon, ou du cochon ?
D’importantes décisions financières sont prises en Chine, pour drainer le marais des liquidités excessives et enrayer l’hémorragie des prêts bancaires vers la bourse, qui ne cessent de grandir, défiant les consignes de la Banque centrale. Depuis janvier, les banques ont prêté pour 209MM² (+17%), dont une part manifeste pour la spéculation, certaines que l’Etat les dépannera en cas de crash !
Ainsi le 29/06, 29 banques ont été «punies» (sans précision), dont 10 étrangères (Standard Chartered, Bank of East Asia, HSBC, Citi…) pour avoir financé des faux projets d’affaires et vrais projets de boursicotage, notamment avec des fonds importés. Pour les banques, la tentation est forte de profiter des 10,9% de croissance attendue en 2007 (record en 15 ans). La difficulté est réelle, d’identifier le projet malicieux. Mais le risque est lourd aussi : en crédibilité, voire en crash…
En même temps, avec l’aide de 28 Fonds d’investissement, 10 courtages, 6 banques d’affaires et deux cabinets juridiques, la CSRC (China Securities Regulatory Commission) prépare six mois de campagne d’éducation de l’agioteur, dans le but de rationaliser ses comportements et le marché. Jusqu’à présent, ses achats et ventes dépendent plus d’une date d’anniversaire ou d’un tuyau sur internet, que d’une réelle analyse…
Pour la 3ème fois en 2007, la bourse rechute, 13% depuis le 19/05, suite à la rumeur téléguidée d’une série de taxes imminentes sur les dividendes, gains en capital, et d’une refonte du droit de timbre. Mais elle remonte de 4,9% (un record), le 6/07!
1ère banque du pays, l’ICBC (Industrial & Commercial Bank of China), vient de lever 445M² pour son titre « QDII » (Qualified Domestic Institutional Investors) de valeurs étrangères. Sous 12 mois, la finance pourrait drainer 70MM² de bas de laine vers la bourse étrangère, offrant ainsi aux Chinois un placement alternatif, et allégeant la pression à la hausse du yuan. Aujourd’hui même, les règles du système QDII sont en cours de révision pour renforcer son attractivité.
Suivant le même mécanisme, l’ANP vient d’approuver l’émission de 155MM² en bons d’Etat pour lancer la China Invest Co qui dès septembre, devrait investir hors frontières, selon le modèle de Temasek, bras financier du gouvernement de Singapour : c’est un nouveau produit financier bancaire, concurrent de la bourse ! L’ANP a aussi autorisé l’Etat à renoncer jusqu’à 20% de taxe sur le revenu bancaire : restituant un peu de lustre à ce type de placement …
NB : Toutes ces mesures sont raisonnables -mais aussi jugées, par les professionnels, « trop peu, trop tard » – il faudra compléter par d’autres actions. De quel type? La plus spectaculaire est suggérée par Wu Xiaoling, la jeune star financière, n°2 de la Banque centrale. Au nom des banquiers, elle dit au Parti : « laissez-nous faire seuls. Cessez d’intervenir. Comme cadre, la loi suffit ». C’est la voie de la sagesse -mais pour l’Etat qui n’a aucune tradition en ce sens, le pas est lourd à franchir !
Pape, Dalai Lama : le chemin de Damas
Benoît XVI l’avait promise le 20/01 (VdlC n°04) : il envoie cinq mois après, le 30/06, sa lettre pastorale aux 12M de fidèles de l’église de l’ombre et de l’APC (Association patriotique catholique). En cinq langues, sur le site internet du Vatican, afin d’en garantir la diffusion. Peut-être est-ce cette double destination qui donne à la missive papale un double ton et deux lectures presque opposées ?
On y voit d’une part un texte pugnace, ne cédant rien sur l’essentiel. Le régime communiste doit respecter «l’authentique liberté de religion » de ses ouailles, le St Père « a le droit de nommer ses prélats», et l’église patriotique, officielle, est « incompatible avec la doctrine catholique », parce qu’elle divise les fidèles.
Mais d’autre part, un message plus fort tend la main à «toute l’Eglise en Chine » sans distinction, tout en l’estimant déjà réunie de facto. Publique et clandestine, les deux branches sont appelées à la réconciliation et à l’unité sous l’autorité morale du Souverain Pontife. Même non choisis par le Vatican, tous les évêques «exercent valablement leur ministère», et le nombre d’« illégitimes » (de ceux à qui Rome n’a pu accorder son investiture a posteriori) est « très réduit ».
Benoît XVI révoque les instructions de 1988 qui limitaient les contacts avec l’église «rouge», et menaçaient d’excommunication ses dignitaires. Il invite les fidèles à reconnaître l’autorité de Pékin, et admet que l’Eglise en Chine « en regard du passé, jouit d’une plus grande liberté spirituelle ». Il renouvelle son offre de transférer sa nonciature de Taiwan vers le continent dès qu’un accord sera trouvé avec Pékin. Sur la nomination du clergé, il se dit sûr de trouver un accommodement comme celui pratiqué avec Hanoi—l’un dresse la «short-list», l’autre choisit le nom…
Enfin, cette lettre est aussi un document de travail, fait pour durer et guider à long terme la catéchèse. Elle fut accueillie avec froideur par Pékin, invitant la Curie à plus de « réalisme », tandis qu’au nom de l’APC qui prépare son 50ème anniversaire (15/07), son vice-Président Liu Bainian suggérait qu’il ne la ferait pas lire en chaire. Ce qui ne l’empêche de faire volte-face, le 3/07, en louant le texte pour ses «bonnes intentions». L’ambiguïté de l’attitude de Liu, reflète celle de sa position. Matériellement, comme les autres leaders de l’APC (et ceux de tout organe «patriotique» chapeautant toute confession en Chine), c’est lui qui a le le plus à perdre dans une normalisation, en influence et en biens rendus par le régime. Il ne peut empêcher la réconciliation, mais peut la retarder. Ce qu’il fait, dans la mesure de ses moyens.
NB : depuis le 30/06, Lodi Gyari et Kelsang Gyaltsen, émissaires du Dalai Lama, sont en Chine, pour la 6ème ronde de négociation pour le retour au toit du monde du chef spirituel. Dans la même ambiance de secret—pour des raisons sans doute identiques. Mais là aussi, la normalisation recherchée semble inéluctable.
Sommaire N° 25