Le Vent de la Chine Numéro 25

du 8 juillet au 26 août 2007

Editorial : Un été de ravalement de façade…

A la pesanteur d’un été caniculaire, répond celle des slogans volontaristes (cf édito VdlC 24), et de média bé-tonnés de nouvelles optimistes : l’eau du robinet pékinois devient potable (1/07), les 6 dernières usines de Chloro Fluoro Carbone ferment (4/07), protégeant ainsi l’ozone de l’atmosphère. La SEPA, l’autorité écologique nationale prive pour trois mois de chantiers nouveaux 38 usines, 6 villes, 2 préfectures, 5 zones industrielles (dont Wuhu, Anhui), et interdit à l’avenir tout prêt bancaire aux usines notoirement polluantes…

Pékin se prépare aussi au doublement de la taxe auto, et au bannissement du 7 au 20 août, d’1M de voitures en ville. Dès 2008, on promet en Chine un nouvel essai de PNB « vert» (pour corriger le taux de croissance par son coût objectif en pollution), et une publication plus honnête des émissions de pollution, et de la consommation d’énergie – sans se préoccuper davantage de la perte de face pour les leaders locaux…

Tout ceci exprime la tentative de réagir à un échec environnemental, dont les autorités ne cachent plus l’ampleur : [1] le Financial Times révèle (4/07) que la Banque Mondiale a subi l’ordre du pouvoir (dont un ex-ministre de l’environnement), de censurer une étude réalisée avec plusieurs ministères, sur le coût humain de la pollution: au nom de la stabilité, Pékin-(pouvoir) voulait taire que 750.000 Chinois mouraient par an prématurément, des particules dans l’air et dans l’eau…

[2] Pékin- (ville) a connu en juin son pire mois en 7 ans, avec 15 journées de smog, 6 de plus qu’en 2006. Pan Yue, n°2 à la SEPA, admet la situation «proche du point de rupture», dénonce une «priorité au profit à court terme», et déclare que seule la loi, aujourd’hui bafouée, peut sauver la Chine d’un effondrement écologique.

[3] A Shuying (Jiangsu, 3/07), une fuite d’azote et d’ammoniac prive 200.000 citadins d’eau potable . Le même jour, brûle le gymnase en construction de l’université Beida, futur site olympique. Pour la sécurité des Jeux Olympiques, le CIO affiche une impériale confiance, mais le monde s’inquiète…

A la salissure du ciel, répond un surcroît de tension sociale. A Dongyuan (Canton, 30/06), un incident grave cause mort d’homme : une grève de maçons suite à 4 mois impayés, brisée par un groupe hétéroclite de mafia et de police.

Comme pour dissiper ce climat dur, entre en fonction (30/06) le nouveau ministre de la santé, Chen Zhu, 54 ans, second ministre non communiste en quelques semaines (cf VdlC 19), suggérant que le parti unique est prêt à partager  une miette du pouvoir. Mais il y a un « garde-fou » : derrière Chen, comme vice-ministre, reste l’ex-titulaire Gao Qiang, membre du parti.

Dans le même ordre d’idée, est publiée (30/6) la nouvelle loi du travail (cf VdlC n°7), qui impose un contrat pour tout emploi : progrès immense -si le texte est respecté. Quelques jours après le scandale de l’esclavage dans les fours à briques du Shanxi, cette annonce volontariste donne la meilleure idée de la priorité actuelle de l’Etat : avant le XVII. Congrès dans 4 mois, avant les JO dans 13 mois, remonter la pente, redorer son image!

 

 

 


A la loupe : Temps forts : la Banque et le Pape, Dalai Lama

Banques : l’année du dragon, ou du cochon ?

D’importantes décisions financières sont prises en Chine, pour drainer le marais des liquidités excessives et enrayer l’hémorragie des prêts bancaires vers la bourse, qui ne cessent de grandir, défiant les consignes de la Banque centrale. Depuis janvier, les banques ont prêté pour 209MM² (+17%), dont une part manifeste pour la spéculation, certaines que l’Etat les dépannera en cas de crash !

Ainsi le 29/06, 29 banques ont été «punies» (sans précision), dont 10 étrangères (Standard Chartered, Bank of East Asia, HSBC, Citi…) pour avoir financé des faux projets d’affaires et vrais projets de boursicotage, notamment avec des fonds importés. Pour les banques, la tentation est forte de profiter des 10,9% de croissance attendue en 2007 (record en 15 ans). La difficulté est réelle, d’identifier le projet malicieux. Mais le risque est lourd aussi : en crédibilité, voire en crash…

En même temps, avec l’aide de 28 Fonds d’investissement, 10 courtages, 6 banques d’affaires et deux cabinets juridiques, la CSRC (China Securities Regulatory Commission) prépare six mois de campagne d’éducation de l’agioteur, dans le but de rationaliser ses comportements et le marché. Jusqu’à présent, ses achats et ventes dépendent plus d’une date d’anniversaire ou d’un tuyau sur internet, que d’une réelle analyse…

Pour la 3ème fois en  2007, la bourse rechute, 13% depuis le 19/05, suite à la rumeur téléguidée d’une série de taxes imminentes sur les dividendes, gains en capital, et d’une refonte du droit de timbre. Mais elle remonte de 4,9% (un  record), le 6/07!

1ère banque du pays, l’ICBC (Industrial & Commercial Bank of China),  vient de lever 445M² pour son titre « QDII » (Qualified Domestic Institutional Investors) de valeurs étrangères. Sous 12 mois, la finance pourrait drainer 70MM² de bas de laine vers la bourse étrangère, offrant ainsi aux Chinois un placement alternatif, et allégeant la pression à la hausse du yuan. Aujourd’hui même, les règles du système QDII sont en cours de révision pour renforcer son attractivité.

Suivant le même mécanisme, l’ANP vient d’approuver l’émission de 155MM² en bons d’Etat pour lancer la China Invest Co qui dès septembre, devrait investir hors frontières, selon le modèle de Temasek, bras financier du gouvernement de Singapour : c’est un nouveau produit financier bancaire, concurrent de la bourse ! L’ANP a aussi autorisé l’Etat à renoncer jusqu’à 20% de taxe sur le revenu bancaire : restituant un peu de lustre à ce type de placement …       

NB : Toutes ces mesures sont raisonnables -mais aussi jugées, par les professionnels, « trop peu, trop tard » – il faudra compléter par d’autres actions. De quel type? La plus spectaculaire est suggérée par Wu Xiaoling, la jeune star financière, n°2 de la Banque centrale. Au nom des banquiers, elle dit au Parti : « laissez-nous faire seuls. Cessez d’intervenir. Comme cadre, la loi suffit ». C’est la voie de la sagesse -mais pour l’Etat qui n’a aucune tradition en ce sens, le pas est lourd à franchir !

 

Pape, Dalai Lama : le chemin de Damas

Benoît XVI l’avait promise le 20/01 (VdlC n°04) : il envoie cinq mois après, le 30/06, sa lettre pastorale aux 12M de fidèles de l’église de l’ombre et de l’APC (Association patriotique catholique). En cinq langues, sur le site internet du Vatican, afin d’en garantir la diffusion. Peut-être est-ce cette double destination qui donne à la missive papale un double ton et deux lectures presque opposées ?

On y voit d’une part un texte pugnace, ne cédant rien sur l’essentiel. Le régime communiste doit respecter «l’authentique liberté de religion » de ses ouailles, le St Père « a le droit de nommer ses prélats», et l’église patriotique, officielle, est « incompatible avec la doctrine catholique », parce qu’elle divise les fidèles.

Mais d’autre part, un message plus fort tend la main à «toute l’Eglise en Chine » sans distinction, tout en l’estimant déjà réunie de facto. Publique et clandestine, les deux branches sont appelées à la réconciliation et à l’unité sous l’autorité morale du Souverain Pontife. Même non choisis par le Vatican, tous les évêques «exercent valablement leur ministère», et le nombre d’« illégitimes » (de ceux à qui Rome n’a pu accorder son investiture a posteriori) est « très réduit ».

Benoît XVI révoque les instructions de 1988 qui limitaient les contacts avec l’église «rouge», et menaçaient d’excommunication ses dignitaires. Il invite les fidèles à reconnaître l’autorité de Pékin, et admet que l’Eglise en Chine « en regard du passé, jouit d’une plus grande liberté spirituelle ». Il renouvelle son offre de transférer sa nonciature de Taiwan vers le continent dès qu’un accord sera trouvé avec Pékin. Sur la nomination du clergé, il se dit sûr de trouver un accommodement comme celui pratiqué avec Hanoi—l’un dresse la «short-list», l’autre choisit le nom…

Enfin, cette lettre est aussi un document de travail, fait pour  durer et guider à long terme la catéchèse. Elle fut accueillie avec froideur par Pékin, invitant la Curie à plus de « réalisme », tandis qu’au nom de l’APC qui prépare son 50ème anniversaire (15/07), son vice-Président Liu Bainian suggérait qu’il ne la ferait pas lire en chaire. Ce qui ne l’empêche de faire volte-face, le 3/07, en louant le texte pour ses «bonnes intentions». L’ambiguïté de l’attitude de Liu, reflète celle de sa position. Matériellement, comme les autres leaders de l’APC (et ceux de tout organe «patriotique» chapeautant toute confession en Chine), c’est lui qui a le le plus à perdre dans une normalisation, en influence et en biens rendus par le régime. Il ne peut empêcher la réconciliation, mais peut la retarder. Ce qu’il fait, dans la mesure de ses moyens.

NB : depuis le 30/06, Lodi Gyari et Kelsang Gyaltsen, émissaires du Dalai Lama, sont en Chine, pour la 6ème ronde de négociation pour le retour au toit du monde du chef spirituel. Dans la même ambiance de secret—pour des raisons sans doute identiques. Mais là aussi, la normalisation recherchée semble inéluctable.

 

 


Joint-venture : Danone, Wahaha, le bras de fer

Le petit lapin à l’assaut de Macao

N°1 mondial du jeu (6,8 MM$ de chiffre en 2006), Macao excite toutes les convoitises. Les groupes de Las Vegas s’y bousculent, décidés à dérider l’Asie par le luxe kitsch de leurs hôtels et casinos. Parmi ceux-ci, il faut compter avec le Venitian (3000 suites, 850 tables de jeu, ouverture imminente), ou le Studio City aux 400 tables et 2000 suites qui débutera fin 2009, géré par Ritz Carlton et Marriott, payé par eSun (HK, 40%), New Cotai LLC (US, 40%) et CapitaLand (Singapour, 20%). Mais déjà, d’autres divertissements viennent compléter la palette. 

Au 27/06, Studio City s’est allié avec Hugh Hefner, patron de Playboy, pour apporter un peu de piment à l’hédonisme banal: le Playboy Mansion, dérivé du manoir de séduction d’Hefner à Los Angeles, décor de plusieurs films, avec ses 22 chambres, sa cave à vin, son zoo et sa volière, sa piscine agrémentée d’une grotte et d’une chute d’eau. Sur 3700m2, le club offrira son logis extravagant (40.000US$/nuit la suite de 3 chambres), son dîner-cabaret exclusif, invitant les artistes de passage à un spectacle de minuit après leur concert… Cette opportunité arrive à point pour Playboy, media à bout de souffle, à qui ne reste comme atout, que son logo -qu’il défend au tribunal depuis 2006, contre trois imitateurs chinois !

NB : plus saine, une autre maison s’apprête à planter son chapiteau permanent à Macao : le Cirque du Soleil, de Montréal, en train de recruter à tour de bras ses athlètes en ce pays !  

Auto : recherche de nouvelles recettes

Chrysler et Chery (Wuhu, Anhui) avaient convenu en février d’une alliance pour inonder de petites cylindrées l’Amérique Latine et l’Europe de l’Est dès 2009, puis un an après, l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest. Il a fallu 6 mois à Pékin pour donner le feu vert, permettant le 4/07, le lancement officiel de la coopération.

Dès le printemps 2008, Chrysler introduirait aux USA la A1 de Chery, qui coûte aujourd’hui en Chine 7100$, la moitié de la Dodge Caliber, le bas de gamme du groupe de Detroit. Au terme de l’accord, Chrysler doit modifier et valider les modèles Chery avant d’y appliquer sa griffe, et le Chinois promet à l’américain 100.000 véhicules/an—le quart de sa capacité.

Entre-temps, les démentis se succèdent entre Fiat et Nanjing-Auto, dont la JV fondée en 1999 va à vau-l’eau, faute pour le Chinois d’allonger sa part des 500M² d’invests prévus. Le rachat par Nanjing Auto du britannique MG, n’arrange rien ! Sergio Marchionne, PDG de Fiat, parlait de se retirer. Puis l’on entendit parler d’un deal assisté par la province, où les alliés réduisaient leur ambition d’invest à 300M²: nouvelle démentie par Turin, qui insiste pourtant pour booster d’ici 2010 ses ventes à 263.000 unités (partant des 30.000 de l’an dernier) – avec ou sans Nanjing. En effet, Fiat aurait déjà commissionné l’assemblage, d’ici 2009, de 30.000 Alfa Romeo « 159 » à Wuhu… par Chery ! Rêve ou réalité?

Nanjing laissera-t-elle Chery marcher sur les plates-bandes de sa JV ? L’avenir tranchera.      

NB : ces deux affaires offrent des similitudes. Deux groupes d’Europe et d’Amérique en santé fragile, deux groupes Chinois frais émoulus, tentent d’inventer une symbiose productive, et trouver le bon rapport qualité-prix sur un marché mondial. Pour Chrysler qui essuyait 1,1MM$ de pertes en 2006, juste cédé par Daimler, à 80% au fonds US Cerberus (3/07), l’occasion pourrait être la dernière !

Vente de carburant : Shell, les privés, et le monopole

Pour les groupes pétroliers en Chine, c’est le moment crucial, de déployer leurs réseaux de stations services, afin de prendre leur part de la distribution du carburant. Shell en détient déjà près de 400, dont le quart sous son contrôle, le reste en partenariat avec Sinopec.

Mais le noeud du problème est ailleurs, dans le monopole du raffinage aux deux géants, Sinopec et la compagnie nationale pétrolière CNPC, qui leur permet de contrôler toute la chaîne de distribution en fournissant d’abord leur propre réseau. Ainsi les 56.300 stations privées, solitaires ou par groupes de quelques unités, ne survivent que du «droit du prince» qui les approvisionne «goutte à goutte», selon son bon plaisir.

Environ 80 firmes privées de cinq provinces côtières tentent de se vendre à Shell – voire d’autres groupes tels British Petroleum, Exxon Mobil et Total, céder leurs centaines de stations, dépôts, ports, et licence commerciale. Elles en réclament «bien trop cher», estime un informateur d’Interfax, 40% de plus que leur valeur faciale : c’est le ticket d’entrée sur le ring,  face aux deux dinosaures. Mais ces indépendants ont un autre intérêt à vendre leur liberté à l’étranger : assurer un avenir «tout court» à leur outil, en résistant à la strangulation des monopolistes. Tout en espérant, par ce petit jeu, inciter le Conseil d’Etat à leur assurer un quota garanti – on parle de 20Mt /an. Enfin, l’apparition des étrangers dans la distribution n’a pas de sens, sans une poursuite de la dérégulation : pour l’instant, ils n’ont littéralement rien à vendre, privés de gisement autonome, de droit d’importation, et s’ils raffinent, étant tenus de tout céder à CNPC ou Sinopec… Un dernier élément qui accélérera sans doute la libération du secteur, est l’explosion du cours du pétrole, qui forcera Pékin à abandonner ses tarifs en dessous des cours mondiaux – et à accélérer modernisation et concurrence, pour réduire les coûts.                                                    

NB : la CNOOC aussi, achète à tour de bras des stations services, autour de sa future raffinerie cantonaise de Huizhou (Guangdong).

Danone Wahaha, l’interminable bras de fer…

Depuis l’ouverture de poursuites par Danone contre Wahaha, sa filiale à 51%, Zong Qinghou, le PGD du groupe chinois a saisi dès mi-juin la cour d’arbitrage de Hangzhou (sa ville), réclamant l’annulation de son contrat de 1996 avec Danone, pour vice de forme. Puis (25/06), il annonça une autre plainte, assortie d’une demande  de « 5MM² de dommages et intérêts ».

Le 3/07, il annonça une offensive judiciaire contre trois directeurs de Danone, dont Emmanuel Faber, son remplaçant à la tête des 39 JV, pour violation de l’accord de non-concurrence entre les deux groupes en ayant siégé dans les organes directeurs d’une vingtaine d’autres firmes alimentaires en Chine (Aquarius, Bright, Robust, Yili, Jianguanghe). De chacun, Wahaha prétend obtenir 1M¥.

Entretemps, une autre action hostile vient de l’extérieur gonfler la tempête : dénonçant la présence de Danone dans ses 7 JV en Chine (dont Wahaha), contraires aux intérêts des actionnaires, le fonds H&J Vanguard, actionnaire de Bright, prépare un procès.

A noter, pendant ce temps, la dérive du ton de la presse chinoise. D’abord neutre et légaliste, elle évolue (China Daily, et même le South Morning Post de HK) vers une sympathie pour m. Zong décrit comme « courageux », « franc » et incarnant des vertus nationales de résistance à  l’étranger. Message soufflé du haut, ou bien favorisé par le silence des autorités? Nationalisme exacerbé avant le XVII. Congrès ?

En tout cas, Danone est vulnérable, et peut-être pas par hasard, Kraft (US) finalise à ce moment le rachat de la division (mondiale) Biscuits de Danone, à 7,2 MM$. Comme si le groupe se concentrait sur son activité maîtresse, pour résister sur ce terrain défavorable.

 

 


A la loupe : Lutte d’influence en Asie du Sud-Est : la carte birmane

Début 2007 a vu un rapprochement vif de la Chine avec la jun-te birmane,et bien des échanges avec l’USDA, parti unique. Tel-le la visite de Mme Gu Xiulian (12/06), Présidente d’une mission Chine-ASEAN qui signa  un protocole de coopération, 1ere  reconnaissance multilatérale. La Birmanie est un pays tropical très pauvre, en proie à la corruption d’une dictature militaire. Quoique étant son seul allié, la Chine a subi en ’05 un échec humiliant, voyant les gé-néraux embastiller sans prévenir, son poulain le 1er ministre Khin Nyunt. Aussi depuis, pour la succession de Than Shwe (le Général-Président, 74 ans),elle mise sur tous les chevaux: Maung Aye, chef de l’armée, Thura Shwe Mann, n°3, Thein Sein, le 1er Secrétaire 1er ministre/intérim depuis mai.

Pour la Chine, le Myanmar (nom du pays depuis 1989) est un voisin rêvé, qui lui offre son teck (exporté clandestinement), son or noir (plusieurs gisements à la compagnie nationale CNPC, à Sinopec et la Cnooc), et une manne d’emplois pour 1M de ses expatriés. En janvier, suite à un débat au sommet,Pékin a pris la décision politique de faire du Myanmar une route sécurisée vers l’extérieur, évitant le détroit de Malacca, et les risques de piraterie, voire d’un blocus maritime par la 6ème flotte américaine.

Aussi ses investissements d’infrastructures vont bon train : 176km de la route « Stilwell » entre Myitkyina et Tengchong (Yunnan), rouverts le 26/04 ; puis 360km du même axe vers l’Inde, réparés par 40.000 cantonniers chinois, de  même que la rou-te Yunnan-Rangoon. Pour 1MM$ d’invest et un prêt de 83M$ aux pétroliers locaux, Pékin rafle à l’Inde et à la Corée le projet de gazoduc de 2,380km, Kunming-Sittwe (port moderne co-développé par Chine et Inde). D’autres projets parlent de mines et de barrages sur l’Irrawaddy.

Contrairement à une impression courante, la Chine ne couvre pas toujours les choix de son protégé. Elle semble craindre pour son avenir, plus que lui-même, et s’efforce de lui faire lâcher du lest politique. Elle échoue sur la libération d’Aung San Suu Kyi, (son héroïne d’opposition en résidence surveillée : symbole non négociable),  mais elle est en passe d’obtenir fin 2007, une constitution  calquée sur la chinoise, avec un rôle potiche au Parlement et quelques droits aux minorités ethniques. Pékin vient même de réaliser ce tour de force de faire se rencontrer, chez elle (26/06) Eric John, vice Secrétaire d’Etat américain, et 3 ministres birmans… Début de dialogue donc, et diplomatie très orientale, toute en subtilité !

 

 

 

 


Argent : Mode : le nouveau lookde l’armée

Minerais et bourse

D’une certaine manière, une compagnie comme Western Mining, de Xining (Qinghai), constitue la revanche de la Chine jaune sur celle bleue de la côte, et marque l’entrée de ce monde déshérité dans le jeu planétaire des commodities.

N°2 national du minerai concentré de plomb, 4ième  du zinc, 7ième  du cuivre, elle a fait 150M² de profits l’an passé, ce qui la met en bonne position pour aller taquiner l’agioteur à Shanghai. Pour 460M de parts mises en vente, tablant sur la vivacité des acheteurs, Western guigne 620M², pour acquérir ou développer 4 mines nouvelles et financer son acquisition de 41% du gisement géant de Yulong (Tibet, à 4000m d’altitude), qui produira 150.000t de cuivre électrolytique an, descendu vers les plaines par le nouveau train Lhassa-Golmud. Mais les experts sont moins certains que les foules : à Londres, le marché à terme hésite entre la soif effrénée des trois dernières années, et une indigestion qui a érodé de 30% le cours du nickel, à 36.200$/t le 8/05. Reprise, ou fin de cycle? La bourse retient son souffle !

Aluminium – Chalco dévore

Suivant une partition écrite des années à l’avance, Chalco, n°3 mondial de l’aluminium rachète (3/06) Baotou, son rival de Mongolie Intérieure. Prix estimé : 1,9MM$, en partie couverts par 363M$ d’obligations à Shanghai (13/06). Aux actionnaires, Chalco offre 2.85$/part en cash, ou 4,5$ en parts Chalco -une prime de 28% sur la dernière cotation.

Par son usine d’alliages d’alu la plus grande du pays, Baotou produit 0,3Mt /an. Chalco en est à 3,5Mt/an, mais veut atteindre, par acquisitions, 5Mt en 2010. Il a repris cette année Shandong Alu et Lanzhou Alu, entre autres. Bien accueillie des autres acteurs, cette concentration a deux raisons de fond :

 [1] faire monter les cours, car si l’aluminium a connu au London Metal Exchange, une progression moyenne annuelle de 14% depuis 2002, l’étain a fait +26% et le plomb +42%. Le déficit du métal blanc étant dû aux gaspillages, à l’excédent et à l’atomisation des fonderies chinoises : ce rachat illustre la volonté publique de créer un acteur de taille mondiale.

[2] Il s’agit aussi de prévenir, à plus long terme, une tentative de reprise à la hussarde, toujours à craindre, d’Alcoa (USA), au beau milieu d’une tentative d’OPA hostile sur le n°2 Alcan (Canada), pour 28 MM$. Dans cette optique, Chalco se ramifie aussi hors frontières, sur le gisement australien d’Aurukun (VdlC N°11), tout en visant le Vietnam -dépôt de Dak Nong, en JV avec VinaCoal-Mineral.

Nouveau look de l’armée

L’affaire textile du siècle revient à Sunshine (Jiangsu), n°1 mondial de la laine cardée : rien moins que le rhabillage des 2,3M soldats de l’APL, l’armée chinoise, à 260² par tête, moyennant une enveloppe de 600M².

Marchant au pas devant Hu Jintao au 10ème anniversaire de la rétrocession de Hongkong (01/07), les troupes d’élite ont dévoilé le secret d’Etat : les nouvelles collections, 365 pièces nouvelles, de la casquette au brodequin, de la chaussette au caleçon. Enfin, presque tout : pour des raisons claires, des tenues spéciales restent cachées.

Conçus par les chercheurs de l’APL et les stylistes du groupe, les uniformes se fondent dans de nouveaux tons, vert pin au fantassin, bleu roi au biffin, anthracite au pilote. Épaules plus larges aux hommes, vareuses taille de guêpe et pantalons ajustés pour les faire apparaître plus grands et râblés. Les femmes gagneront 6cm aux talons, et un bibi aux bords retroussés pour restituer (sic) « la douceur de leur genre ». Disparaît le bandeau rouge à la casquette (symbole du Parti, mais qui jurait avec le kaki). Apparaît le badge de poitrine, mode occidentale. La fonctionnalité n’est pas oubliée: une aération naît sous les aisselles, et une boutonnière au col pour le fil radio. Désormais garanti contre incendie et pointes, le godillot perd 100gr. La tenue de combat voit sa longévité quintuplée, passant de 140 à 700 lavages. Son camouflage passe au « numérique », pour un fondu des tons conçu à l’ordinateur et une tenue couleur de muraille, déclinée en 4 versions – ville, forêt, désert et océan. Après les Hongkongais,l e gros de la troupe recevra son barda à partir du 1er août, 80e anniversaire de « notre nouvelle grande Muraille », jusqu’en 2009.

 

 

 


Pol : Sécurité routière, Michelin dans la lutte

Une vie parmi les Miao, par Françoise Grenot-Wang

Travaillant entre Pékin et Guilin, dans les années ’90, Françoise Grenot-Wang n’aimait rien de plus que se perdre dans le Guangxi profond, aux pentes de terre rouge boisées de pin.

Lors d’une de ces escapades, elle y rencontra sa destinée à Danian, terre des Miao, minorité étrange, refoulée du nord vers ce sud au fil des siècles  et des guerres perdues. Ils perdirent la bataille mais ni leur langue, ni leur culture, si différente. Les maisons sont de bois, à plusieurs étages – rareté en Chine. Leur générosité est proverbiale comme leurs bijoux d’argent, leurs tenues de coton bleu sombre ou orangé, lissé au maillet et brodé. Une fois l’an, les Miao se rassemblent, à seule fin de faire convoler leurs jeunes après des jours et nuits de danses nuptiales. Envoûtée, Françoise décida de consacrer sa vie à ce peuple hors du temps. Après bien des difficultés, elle parvint à convaincre les autorités locales et bâtit sa maison de bois parmi les leurs.

Elle créa Couleurs de Chine (www.couleursdechine.org), association philanthropique pour scolariser les fillettes Miao. 50² suffisent pour 1 an d’études pour une fille. A ce jour, 3000 fillettes sont ainsi prises en charge par CDC. Tout cela, et bien d’autres, Françoise le raconte dans « Au coeur de la Chine », son dernier livre, chez Albin Michel (22²) : un titre à ne pas manquer, pour votre été !

CNPC, pied de nez du Soudan

N°1 du pétrole chinois, la compagnie nationale pétrolière, la CNPC ne semble pas s’émouvoir des critiques du gouvernement et de l’opinion américaine, pour son engagement au Soudan et son soutien au régime par ses MM$ d’investissements (elle est le 1er bailleur de fonds étranger du pays).

Pour demeurer politiquement correct, le 16/06, Fidelity Invest (US), 1er groupe de fonds de placement des cinq continents, liquidait 91% de ses parts dans PetroChina, le bras de CNPC en bourse de Hongkong. Alors, les plus audacieux des activistes se prenaient à rêver d’un retrait de CNPC, du pays d’Afrique noire. C’était mal connaître cette firme publique, et sa tradition de discipline politique sans faille sur ce type de mandat. Le 28/06, elle signait un contrat d’exploration off-shore avec cinq groupes partenaires soudanais, nigérians et l’Indonésien Pertamina. Le consortium s’engage à explorer durant six ans, puis exploiter durant 20 ans le bloc 13 d’une superficie de 38.200 km2 (1.52% du Soudan), entre côte nord-est et Mer Rouge. CNPC contrôlera 35 à 40% du projet. Ce contrat confirme l’échec de la politique isolationniste des pays riches contre le Soudan, lequel renvoie l’ascenseur à la Chine, sous la forme de pétroliers pleins à ras bord :  de janvier à mai, il a expédié à la Chine 4.7Mt de brut, le quintuple de l’an dernier.   

NB : pour autant, Pékin ne renonce pas à tenter de moraliser sa pratique et de remédier à la dégradation de son image. Le 4/07 à Pékin, Liu Guijin, émissaire itinérant de la Chine en Afrique, a affirmé que son pays « ferait de son mieux à l’avenir (sic), pour éviter que les armes chinoises livrées au Soudan ne tombe dans de mauvaises mains, pour un mauvais usage ». Dont acte !

Sécurité routière, Michelin dans la lutte

Avec 148M de véhicules souvent hors normes, aux chauffeurs mal formés, sur des axes trop souvent bondés, la route chinoise compte parmi les plus meurtrières. De janvier à juin, le ministère dénombre 37.000 morts (plus de 200/j), 189.000 blessés, chiffres en baisse de 12,2% et 15,2% sur 2006. Estimation très conservatrice, selon l’OMS (l’organisation mondiale de la santé) qui en voit le double. Mais la baisse est une tendance plausible, fruit d’un grand effort de signalisation et de répression, par la multiplication du nombre des caméras digitales.

Les groupes occidentaux coopèrent aussi, tel Michelin, en avance sur ce thème de la sécurité routière. Bibendum, sa mascotte a été élu par la Prévention routière chinoise comme son ambassadeur, en récompense de son action. Parmi celle-ci, il y a Suinixing24h /24, depuis mars 2006 dans 200 villes, qui a su fidéliser  pas moins de 200.000 membres. Michelin y fait vérifier les pneus, enseigner et rappeler les règles d’entretien. Président de Michelin Chine, Yves Chapot signale qu’en 2005, à son entrée en fonction, 46% des accidents de la route étaient liés à l’état de pneus. Outre des cours dans les auto-écoles, Michelin offre dans 41 villes des points de contrôle de la pression de pneu et de son état, ayant permis de détecter 6000 avaries potentielles— à bord d’un sur trois véhicules inspectés.

Prochaine étape de cette croisade : la tenue en novembre à Shanghai, du Challenge Bibendum, son rallye mondial annuel rassemblant des journalistes et experts de 50 pays pour faire le bilan des technologies les plus récentes de sécurité routière et d’économies d’énergie.

Corée du Nord, vers le dégel?

Minimes en apparence, les petits faits se bousculent en Corée du Nord. Visite de l’émissaire américain Chr. Hill (22/06), celle d’une délégation de l’AIEA, l’Agence Int’le de l’Energie Atomique (25-30/06), suite à quoi Pyongyang se dit prête à appliquer de l’accord du 13/02, sur le centre de recherche nucléaire de Yongbyon. Contre sa fermeture, elle aura 50.000t de fioul lourd venu de Séoul—le 1er cargo de 6200t, larguera les amarres avant le 14/07. Puis après démantèlement sous supervision des inspecteurs de l’AIEA, elle touchera le reliquat, 0,95Mt.

Ainsi, si rien ne tourne mal, cinq ans d’interruption au processus de paix, ne seront plus qu’ un mauvais souvenir. Dans ce retour au tapis vert, le rôle de la Chine a été discret, mais crucial : Kim Jong-il, le « cher leader » recevait le 3/07 le chef de la diplomatie chinoise Yang Jiechi… Et affichait l’exigence que les cinq autres pays signataires (Chine, Japon, Russie, USA, Corée du Sud) « tiennent leurs engagements » – lui ouvrent leurs portes, pour l’immense et incertaine phase de la reconstruction. Avertissement sans frais : le 27/06, Pyongyang lançait en mer du Japon un missile sol-sol à courte portée. Les négociations qui pourraient débuter le 10 juillet, parlent de bien plus que d’un programme nucléaire: d’un traité de paix, d’assistance, de désenclavement et reconstruction. Or, après la rupture du silence par Kim Jong-il en personne, et la visite de l’émissaire américain, une plage d’opportunité est ouverte, permettant d’espérer ce tournant historique, dès cet été ou à l’automne !

 

 


Temps fort : Crues et canicule : le couple maléfique, de retour !

Comme chaque été, il revient sur la Chine, le couple redouté, la sécheresse au nord et les crues au centre et sud. Mais cette année, une variante importante s’est glissée au scénario, pour cause encore mal comprise —réchauffement global, ou bien la nouvelle mer intérieure créée par le barrage des Trois Gorges.

Dès février, le bassin du Yangtzé accusait un déficit de 60% des précipitations depuis août 2006. Vice ministre de l’eau et patron du Centre de contrôle des crues et sécheresse, E Jingping prévenait que ces pluies tomberaient sur une période courte, sur un terrain desséché, moins capable de les recevoir : des milliers de manoeuvres travaillaient contre la montre à renforcer berges et digues.

Ceci peut expliquer la modestie des dégâts pour l’instant. Au 2/07, Pékin recensait 34,88M de personnes sinistrées, entre le centre et le Guangdong. Avec 233 noyés ou disparus (dans des typhons entre Jiangsu et Anhui), 118.500 maisons et 1,8M ha de rizières détruites, le bilan reste en deçà des 2704 décès de 2006, et des 4150 décès de 1998, l’année où le « Dragon»-Yangtzé avait rompu ses digues. Au 22 juin, les pertes agricoles s’élevait à 133M², celles en infrastructures, à 179M².

Au nord, la Mongolie Intérieure et le Dongbei (Liaoning, Jilin, Heilongjiang) tirent la langue, avec 7,4M d’âmes et 5,8M de têtes de bétail rationnés en eau, tandis que le sort de 10,3M d’ha d’excellentes terres à blé était suspendu au ciel sans ride. Pékin a battu ses records de canicule, dépassant régulièrement les 40°C.

NB : On aurait tort de voir une « routine » dans ce fléau récurrent. La météo chinoise est en plein bouleversement, fruit de l’industrialisation. D’ici la fin du siècle, annonce le savant Yao Tandong (4/05), les 35.000 glaciers du massif du Tianshan auront fondu, alimentant des lacs nouveaux. Le régime investit en dizaines de MM² dans son plan unique dans l’histoire, de diversion d’1% du Yangtzé vers le Fleuve Jaune, détournant des crues pour irriguer la sècheresse. Mais il refuse encore toute réduction contraignante de ses émissions de CO², au nom du «droit à la croissance» – et de ses lobbies industriels, encore obtus aux risques à long terme !

 

 


Petit Peuple : Chongqing, le voleur endormi par la toile / Siping, une psychothérapie ratée

Presque aveugle, à Qijiang (Sichuan), Li Shi s’est établi marchand de joujoux, grâce au soutien de sa famille. Le 23/4, allant en taxi à Chongqing au marché aux jouets, il entendit Li Chun, 17 ans, vague ami d’ami, qui le hélait du bord de la route : il le prit à bord – ils allaient au même endroit !

Pas par hasard ! Li Chun, vaurien, méditait un coup. Une fois au marché, quand Li Shi voulut payer sa 1ère commande, vif comme un lynx, Li Chun rafla sa liasse de billets et se fondit dans la foule, laissant l’aveugle veuf de 18.250¥ – un mois de caisse…

Les gendarmes refusèrent de lancer une enquête, alléguant un manque de détails. Li Shi avait pourtant pu leur dire la ville de résidence du voleur -Sishui (Guizhou). Il faut dire que cachés par la censure, des M de petits drames émaillent la vie ordinaire chinoise. Obligée de donner priorité au contrôle des dissidents ou des grèves, la police est souvent impuissante, voire blasée face à la délinquance ordinaire…

Ce fut la famille de Li Shi qui le sauva. Une semaine avant, le petit voleur s’était assis à son ordinateur. Or Zhao Wei, gendre du boutiquier était informaticien : sans perdre une minute, il sonda l’ordinateur, et y trouva la trace du garnement, branché sur la populaire messagerie «QQ» -il y signait du pseudonyme de «Love». Le lendemain, après une nuit de cogitation qui démontra ses qualités de psychologue en plus de celles d’expert du net, Zhao lui tendit un traquenard sur QQ : prétendant être Zhang Qian, nom de fille, il appela Li Chun comme un de ses « amis ». Le voleur mordit à l’hameçon.

Chattant durant des heures avec la petite frappe, Zhang Qian, ou plutôt le gendre lui serina son émouvante histoire. De Kunming (Yunnan), berceau des plus excitantes vierges du pays, elle était lasse de se faire battre par sa mère. Elle voulait quitter le lycée, la ville, pour Canton, rejoindre une tante riche…découvrir la vraie vie… Se faire cajoler… Déjà ils s’appelaient frère et soeur…. Quand Li Chun demanda à la voir en vidéo, « elle » accepta, ce qui permit à Zhao Wei de saisir son image, puis de s’excuser que sa caméra ne marche pas. A aucun instant, Li Chun ne soupçonna qu’on le « menait en bateau » (瞒天过海 man tian guo hai, littéralement, qu’on « trompait le ciel pour lui faire franchir la mer »)…

Le 26 à midi, il accepta un RDV en gare de Chongqing. Après un coup de téléphone portable pour entendre sa voix (jouée par une lycéenne, recrutée en urgence), l’oiseau se jeta dans la nasse, fut pris et livré tambour battant à la police.

C’était un peu tard. Il avait passé ses jours de cavale à Shanghai, en grand hôtel, à faire la tournée des grands ducs, à s’offrir un nouveau portable. Il n’était retourné à Chongqing que pour «la fille», et n’y  trouvait que la prison pour tout potage!

Au moins, les 8000¥ restants permirent au commerçant de ne pas faire faillite. La presse locale n’avait pas manqué, non sans malice, de le souligner : le clan, plus que la police, venait de démontrer avec éclat, sa capacité à protéger les siens!

 

(2)   Siping, une psychothérapie ratée

En tout temps, c’est notoire, le Chinois garde des nerfs d’acier, et ne laisse rien voir de ce qui l’agite. Question de cul-ture: dans l’effusion du sentiment échevelé, il voit un signe de déchéance, mauvaise éducation, basse extraction.

A Siping (Jilin), Dahua était cheffe d’une filiale de télécom, modèle du genre discrétion. De l’aube au soir, elle encaissait sans broncher les criailleries des clients mal léchés, les frondes du personnel infantile. Impavide, elle gardait sa cuirasse de courtoisie, maquillage, tailleur et langage châtiés.  

Autour d’elle cependant, nul ne soupçonnait à quel point lui coûtait ce self-control. Dans sa nuit, la dépression rôdait. Elle devait réagir.

C’est pourquoi le 9 juin de bon matin, jour de relâche, elle se vêt d’une vague tunique d’un rouge délavé, pleine d’auréoles ; d’un pantalon jaunasse troué, de baskets ayant connu des jours meilleurs, d’un sac de skaï ridicule, oublié chez elle par quelque péquenaude. 

Elle monte dans un bus vers n’importe où, loin du bureau, et de son cercle social. Chargée jusqu’à la gueule d’agressivité prête à ressortir. Vicieusement, elle attend qu’une paysanne esquisse le geste de s’asseoir pour lui chiper son siège, tout en l’engueulant, acide. Mais l’autre vaincue cède, tourne la tête : c’est raté !

Ce n’est qu’après deux tentatives que se présente l’occasion qu’elle cherche : au moment de s’acquitter du yuan du passage, Dahua sort triomphalement un rose billet de 100 y. Le receveur le refuse, faute de monnaie:elle peut enfin se lancer dans sa noise homérique, son piège rêvé : faire que d’autres méprisent en elle plus bas qu’eux, et la «jugent sur la mine» (以貌取人 yi mao quren) ! C’est tout ce qu’elle a trouvé pour régler ses comptes avec sa société, en confondant sa duplicité ! Dialogue de sourds :  –ou vous payez, ou vous sortez, dit le receveur.                

 – tu fais çà pour pas payer… ajoute un passager, mais c’est pas un yuan qui va te rendre riche, espèce de radine !        

bande d’insulteurs du prolétariat, hurle-t-elle ravie, vous m’manquez d’respect passque ch’chuis une pauvresse, k’jai pas eu d’veine dans la vie !

Seule contre tous, elle s’en donne tout son saoul, la bave à la bouche, insultant la terre entière, tant et si bien que le chauffeur excédé finit par couper le contact, bravant les protestations, et appelle la police !

A ce stade, Dahua qui est une fine mouche, garde toute les chances de s’en sortir – mais vient la pichenette du destin décidé à lui donner une bonne leçon. Au milieu de l’interrogatoire, résonne son portable -qu’elle est bien forcée de sortir. Mais le Nokia super luxe, avec palm intégré, caméra à hte définition et internet, affaire à 1000$ au bas mot, n’a pas le physique à l’emploi! Il excite chuchotements, regards en coins ! Dahua ne peut alors que suivre le limier détailler ses ongles nets, ses sourcils épilés, son teint de travailleuse de partout, sauf des champs…

«Votre affaire n’est pas claire, citoyenne, suivez-moi!», conclut-t-il sous le silence chaleureux (équivalent d’applaudissements) de l’assistance…

La suite se poursuivit au bloc, où elle fut bientôt invitée à passer la nuit en cellule, pour lui apprendre à se payer la tête du peuple en général, de la maréchaussée en particulier : coupant ainsi court à sa tentative d’auto-psychothérapie au petit pied !  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Rendez-vous : Changchun : rencontres Europe/Chine de l’industrie automobile

n 10-12 juillet, Shanghai : Propak, Salon de l’emballage alimentaire

n11-14 juillet Shanghai : Watertech China, Salon de traitement des eaux

n 15-17 juillet : Changchun : rencontres Europe/Chine de l’industrie automobile

n 25-28 juillet, Shanghai : Eastpo, Salon int’l de la machine outil

n26-27 juillet Urumqi : Xioge, Conférence sur le pétrole et gaz en Chine de l’Ouest