Joint-venture : Danone, Wahaha, le bras de fer

Le petit lapin à l’assaut de Macao

N°1 mondial du jeu (6,8 MM$ de chiffre en 2006), Macao excite toutes les convoitises. Les groupes de Las Vegas s’y bousculent, décidés à dérider l’Asie par le luxe kitsch de leurs hôtels et casinos. Parmi ceux-ci, il faut compter avec le Venitian (3000 suites, 850 tables de jeu, ouverture imminente), ou le Studio City aux 400 tables et 2000 suites qui débutera fin 2009, géré par Ritz Carlton et Marriott, payé par eSun (HK, 40%), New Cotai LLC (US, 40%) et CapitaLand (Singapour, 20%). Mais déjà, d’autres divertissements viennent compléter la palette. 

Au 27/06, Studio City s’est allié avec Hugh Hefner, patron de Playboy, pour apporter un peu de piment à l’hédonisme banal: le Playboy Mansion, dérivé du manoir de séduction d’Hefner à Los Angeles, décor de plusieurs films, avec ses 22 chambres, sa cave à vin, son zoo et sa volière, sa piscine agrémentée d’une grotte et d’une chute d’eau. Sur 3700m2, le club offrira son logis extravagant (40.000US$/nuit la suite de 3 chambres), son dîner-cabaret exclusif, invitant les artistes de passage à un spectacle de minuit après leur concert… Cette opportunité arrive à point pour Playboy, media à bout de souffle, à qui ne reste comme atout, que son logo -qu’il défend au tribunal depuis 2006, contre trois imitateurs chinois !

NB : plus saine, une autre maison s’apprête à planter son chapiteau permanent à Macao : le Cirque du Soleil, de Montréal, en train de recruter à tour de bras ses athlètes en ce pays !  

Auto : recherche de nouvelles recettes

Chrysler et Chery (Wuhu, Anhui) avaient convenu en février d’une alliance pour inonder de petites cylindrées l’Amérique Latine et l’Europe de l’Est dès 2009, puis un an après, l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest. Il a fallu 6 mois à Pékin pour donner le feu vert, permettant le 4/07, le lancement officiel de la coopération.

Dès le printemps 2008, Chrysler introduirait aux USA la A1 de Chery, qui coûte aujourd’hui en Chine 7100$, la moitié de la Dodge Caliber, le bas de gamme du groupe de Detroit. Au terme de l’accord, Chrysler doit modifier et valider les modèles Chery avant d’y appliquer sa griffe, et le Chinois promet à l’américain 100.000 véhicules/an—le quart de sa capacité.

Entre-temps, les démentis se succèdent entre Fiat et Nanjing-Auto, dont la JV fondée en 1999 va à vau-l’eau, faute pour le Chinois d’allonger sa part des 500M² d’invests prévus. Le rachat par Nanjing Auto du britannique MG, n’arrange rien ! Sergio Marchionne, PDG de Fiat, parlait de se retirer. Puis l’on entendit parler d’un deal assisté par la province, où les alliés réduisaient leur ambition d’invest à 300M²: nouvelle démentie par Turin, qui insiste pourtant pour booster d’ici 2010 ses ventes à 263.000 unités (partant des 30.000 de l’an dernier) – avec ou sans Nanjing. En effet, Fiat aurait déjà commissionné l’assemblage, d’ici 2009, de 30.000 Alfa Romeo « 159 » à Wuhu… par Chery ! Rêve ou réalité?

Nanjing laissera-t-elle Chery marcher sur les plates-bandes de sa JV ? L’avenir tranchera.      

NB : ces deux affaires offrent des similitudes. Deux groupes d’Europe et d’Amérique en santé fragile, deux groupes Chinois frais émoulus, tentent d’inventer une symbiose productive, et trouver le bon rapport qualité-prix sur un marché mondial. Pour Chrysler qui essuyait 1,1MM$ de pertes en 2006, juste cédé par Daimler, à 80% au fonds US Cerberus (3/07), l’occasion pourrait être la dernière !

Vente de carburant : Shell, les privés, et le monopole

Pour les groupes pétroliers en Chine, c’est le moment crucial, de déployer leurs réseaux de stations services, afin de prendre leur part de la distribution du carburant. Shell en détient déjà près de 400, dont le quart sous son contrôle, le reste en partenariat avec Sinopec.

Mais le noeud du problème est ailleurs, dans le monopole du raffinage aux deux géants, Sinopec et la compagnie nationale pétrolière CNPC, qui leur permet de contrôler toute la chaîne de distribution en fournissant d’abord leur propre réseau. Ainsi les 56.300 stations privées, solitaires ou par groupes de quelques unités, ne survivent que du «droit du prince» qui les approvisionne «goutte à goutte», selon son bon plaisir.

Environ 80 firmes privées de cinq provinces côtières tentent de se vendre à Shell – voire d’autres groupes tels British Petroleum, Exxon Mobil et Total, céder leurs centaines de stations, dépôts, ports, et licence commerciale. Elles en réclament «bien trop cher», estime un informateur d’Interfax, 40% de plus que leur valeur faciale : c’est le ticket d’entrée sur le ring,  face aux deux dinosaures. Mais ces indépendants ont un autre intérêt à vendre leur liberté à l’étranger : assurer un avenir «tout court» à leur outil, en résistant à la strangulation des monopolistes. Tout en espérant, par ce petit jeu, inciter le Conseil d’Etat à leur assurer un quota garanti – on parle de 20Mt /an. Enfin, l’apparition des étrangers dans la distribution n’a pas de sens, sans une poursuite de la dérégulation : pour l’instant, ils n’ont littéralement rien à vendre, privés de gisement autonome, de droit d’importation, et s’ils raffinent, étant tenus de tout céder à CNPC ou Sinopec… Un dernier élément qui accélérera sans doute la libération du secteur, est l’explosion du cours du pétrole, qui forcera Pékin à abandonner ses tarifs en dessous des cours mondiaux – et à accélérer modernisation et concurrence, pour réduire les coûts.                                                    

NB : la CNOOC aussi, achète à tour de bras des stations services, autour de sa future raffinerie cantonaise de Huizhou (Guangdong).

Danone Wahaha, l’interminable bras de fer…

Depuis l’ouverture de poursuites par Danone contre Wahaha, sa filiale à 51%, Zong Qinghou, le PGD du groupe chinois a saisi dès mi-juin la cour d’arbitrage de Hangzhou (sa ville), réclamant l’annulation de son contrat de 1996 avec Danone, pour vice de forme. Puis (25/06), il annonça une autre plainte, assortie d’une demande  de « 5MM² de dommages et intérêts ».

Le 3/07, il annonça une offensive judiciaire contre trois directeurs de Danone, dont Emmanuel Faber, son remplaçant à la tête des 39 JV, pour violation de l’accord de non-concurrence entre les deux groupes en ayant siégé dans les organes directeurs d’une vingtaine d’autres firmes alimentaires en Chine (Aquarius, Bright, Robust, Yili, Jianguanghe). De chacun, Wahaha prétend obtenir 1M¥.

Entretemps, une autre action hostile vient de l’extérieur gonfler la tempête : dénonçant la présence de Danone dans ses 7 JV en Chine (dont Wahaha), contraires aux intérêts des actionnaires, le fonds H&J Vanguard, actionnaire de Bright, prépare un procès.

A noter, pendant ce temps, la dérive du ton de la presse chinoise. D’abord neutre et légaliste, elle évolue (China Daily, et même le South Morning Post de HK) vers une sympathie pour m. Zong décrit comme « courageux », « franc » et incarnant des vertus nationales de résistance à  l’étranger. Message soufflé du haut, ou bien favorisé par le silence des autorités? Nationalisme exacerbé avant le XVII. Congrès ?

En tout cas, Danone est vulnérable, et peut-être pas par hasard, Kraft (US) finalise à ce moment le rachat de la division (mondiale) Biscuits de Danone, à 7,2 MM$. Comme si le groupe se concentrait sur son activité maîtresse, pour résister sur ce terrain défavorable.

 

 

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