Le Vent de la Chine Numéro 21 (2021)

du 7 au 13 juin 2021

Editorial : « Trois enfants ? Non, merci ! »
« Trois enfants ? Non, merci ! »

Inquiet de voir ses maternités se vider et ses maisons de retraite se remplir, Pékin a pris la décision historique le 31 mai d’autoriser les couples chinois à avoir trois enfants, au lieu de deux comme c’était le cas depuis 2016.

Cette politique, qui entrera en vigueur à une date encore non précisée, sera accompagnée de « mesures de soutien » aux familles pour améliorer le congé maternité, réduire le coût de l’éducation et de logement. C’est ce que révèle le communiqué publié à l’issue d’une réunion du Politburo « présidée par Xi Jinping », qui a hérité lors de sa prise de pouvoir en 2012 d’une politique de l’enfant unique restée intacte depuis 1979.

Surpris, les démographes ne s’attendaient pas à ce que le leadership assouplisse si vite le planning familial, seulement trois semaines après la publication des résultats du recensement décennal. La plupart d’entre eux anticipaient plutôt une annonce à l’issue du prochain Plenum du Parti en octobre… Cet empressement vient renforcer l’idée que la situation démographique dépeinte par le recensement de 2020 pourrait être bien plus inquiétante que celle révélée au grand public.

Cependant, plusieurs signes avaient laissé entrevoir que le sujet faisait débat en haut lieu depuis déjà plusieurs mois, comme une prise de position inhabituelle de plusieurs chercheurs de la Banque Centrale, ou encore le retard dans la publication des résultats du recensement.

Paradoxalement, la nouvelle n’a pas suscité l’enthousiasme populaire attendu. Consulté plus de 4 milliards de fois sur Weibo (#三孩生育政策来了), le sujet a fait l’objet d’une avalanche de commentaires, parfois moqueurs, souvent critiques.

« Peu importe le nombre d’enfants autorisés, 2, 3, ou 100, si les Chinois avaient vraiment voulu plus de bébés, l’assouplissement à deux enfants aurait dû porter ses fruits. Les autorités devraient prévoir des aides et subventions pour donner envie aux Chinois de concevoir », préconise un internaute. « Je veux bien faire un 3ème enfant, si le gouvernement me donne 5 millions de yuans », conditionne une utilisatrice.

Les raisons qui alimentent les réticences des parents sont multiples : le coût des écoles, la compétition scolaire qui les poussent à inscrire leurs enfants à une myriade de cours particuliers (une industrie que Pékin veut dompter), les prix prohibitifs des logements, ou encore le frein à la carrière des mères…

Reflet de ce manque d’engouement, un sondage de Xinhua – bien vite retiré – a vu 29 000 répondants sur 32 000 déclarer « ne pas du tout envisager de concevoir un 3ème enfant ».

Premiers concernés par ce changement de politique, les jeunes adultes – souvent enfants uniques eux-mêmes – ne trouvent pas de quoi se réjouir : « la nouvelle me donne encore une autre bonne raison d’adopter un style de vie minimaliste, de « m’aplatir » (躺平, « tǎng píng » nouveau terme à la mode) pour échapper aux pressions de la société, abandonner l’idée de me marier, d’acheter un appartement ou d’avoir des enfants », confesse un millennial.

Populaire sur la toile, un poème exprime ce sentiment de fatigue collective : « une famille, deux parents, donner naissance à trois enfants, tout en prenant soin de quatre personnes âgées, aller au travail à 8h, rentrer chez soi à 9h, faire dix fois plus d’efforts, et rembourser un prêt de plusieurs millions ».

Même si la presse officielle rappelle qu’il n’y aucune obligation à enfanter, certains internautes appréhendent d’éventuelles pressions faites aux femmes pour qu’elles procréent, et dénoncent l’idée que le futur de la nation repose sur les épaules des Chinoises et que si la natalité ne s’améliore pas, la faute leur incombera…

Les experts eux aussi sont sceptiques. Ils estiment que l’impact de cette mesure sera limité à 0,1 point de plus sur le taux de fécondité actuel d’1,3 enfant par femme ou encore à 300 000 naissances supplémentaires par an, en plus des 12 millions de 2020. C’est « trop peu, trop tard ». 35 ans de politique de l’enfant unique et la préférence traditionnelle pour un héritier mâle, ont fait des dégâts structurels sur la pyramide des âges et des sexes : le nombre de femmes en âge d’enfanter ne cesse de se réduire depuis 2011.

Si le tableau démographique est si sombre, pourquoi Pékin n’a-t-il pas choisi de supprimer complètement toute limite contraceptive ? Tout d’abord, car il faudrait recaser les centaines de milliers de soldats du planning familial qui se trouveraient soudainement désœuvrés…

Certains analystes interprètent également ce maintien à trois enfants comme un moyen de garder le contrôle et d’éviter un baby-boom au sein des foyers les plus pauvres et des minorités ethniques, sans à avoir à les cibler spécifiquement…

Surtout, libéraliser complètement la natalité équivaudrait à une remise en cause de la politique de l’enfant unique, qui a permis d’éviter 400 millions de naissances à grand renfort d’amendes, de biens saisis, de discrimination à l’emploi, d’avortement et de stérilisations forcées. Cela pourrait raviver de douloureux souvenirs au sein de la population. Déjà, les langues se délient : certains demandent compensation pour le traumatisme subi, d’autres partagent leur expérience d’enfant conçu « hors planning », ou se rappellent des scandales passés

Quoi qu’il en soit, la problématique nataliste chinoise ne réside pas tellement dans le fait « d’autoriser » sa population à faire davantage d’enfants, mais plutôt de lui « donner envie » de les faire ! Une terra incognita pour le leadership…


Diplomatie : Enterrée la diplomatie des « loups combattants » ? Pas si vite…
Enterrée la diplomatie des « loups combattants » ? Pas si vite…

Il y a quelques mois encore, certains experts doutaient que le gouvernement chinois s’inquiète réellement de son image en chute libre dans plusieurs pays

Les récentes déclarations du Président Xi Jinping viennent démontrer que l’isolation croissante de la Chine sur la scène internationale est prise très au sérieux par le leadership, Pékin considérant que la situation nuit à ses « intérêts fondamentaux » et notamment à son avancée technologique.

C’est ainsi que lors d’une réunion du Bureau Politique le 31 mai, Xi Jinping aurait appelé tous les niveaux du gouvernement à « modeler une image de la Chine, plus fiable, admirable et respectable », constatant que les efforts chinois pour influencer le récit international se sont, jusqu’à présent, soldés par un échec.

Cette réflexion intervient alors que la Chine se retrouve à nouveau sous les feux des projecteurs, la thèse de la fuite de laboratoire comme origine possible de la propagation du virus connaissant un regain d’attention.

Le leader chinois aurait affirmé « qu’il est nécessaire d’élargir notre cercle d’amis, de nous unir et de gagner la confiance de la majorité », faisant référence à la cohorte de pays en développement (en Afrique, en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient) qu’il espère rallier afin de mettre en minorité les pays occidentaux, à l’ONU notamment.

« Il faut adapter les méthodes de communication en fonction de la région, du pays et du public », aurait instruit le Secrétaire général du Parti. Plusieurs canaux ont été identifiés pour propager la vision chinoise : la participation d’experts de haut niveau « crédibles et respectés » lors de forums et conférences internationales est l’un de ceux-là.

Pékin compte également sur la présence de ses médias d’État à l’étranger (China Media Group, qui rassemble la chaîne CGTN et Radio Chine Internationale, prévoit d’ailleurs d’ouvrir un imposant bureau à Bruxelles), mais aussi sur des expatriés « amis de la Chine » et des journalistes étrangers « à la Edgar Snow » (sympathisant américain auteur d’un ouvrage à la gloire du Parti sous Mao) pour « bien raconter la Chine » (讲好中国故事).

Surtout, la Chine doit rester « ouverte et sûre d’elle-même, mais aussi modeste et humble dans sa communication avec le monde extérieur », aurait ajouté le dirigeant chinois.

Faut-il interpréter ces déclarations comme un retour à la politique de montée en puissance « discrète » prônée par Deng Xiaoping, une remise en cause de sa diplomatie des « loups combattants », ces émissaires chinois qui espèrent défendre les intérêts et l’honneur de leur pays en formulant menaces et critiques acerbes à l’intention de leurs pays hôtes ?  

Plusieurs éléments laissent penser qu’un revirement n’est pas à l’ordre du jour, et qu’au contraire, davantage de ressources pourraient être déployées pour mettre en œuvre les politiques existantes.

D’abord, il faut rappeler que cette diplomatie chinoise « qui sort les crocs » est l’un des piliers de « la diplomatie selon la pensée de Xi Jinping ». Il est donc peu probable que le Président revienne sur sa propre théorie si ouvertement.

Certes, cette « diplomatie combattante » peut paraître contreproductive à l’international, ne faisant que braquer davantage l’opinion publique du pays visé à l’encontre de la Chine. Néanmoins, les déclarations-chocs de ces « loups » sont plutôt populaires auprès de la population chinoise. Les propos du conseiller aux Affaires étrangères du Parti, Yang Jiechi, à Anchorage en mars dernier, selon lesquels « les États-Unis ne peuvent plus traiter avec la Chine d’une position de force », résonnent encore dans tous les esprits…

Autre indice qui ne laisse pas présager d’un changement de ton : le fait que Zhang Weiwei, professeur à l’université de Fudan, ait été choisi pour intervenir lors de la session d’étude du 31 mai auprès des 25 membres du Politburo. L’ancien interprète de Deng Xiaoping est connu pour prêcher la supériorité du modèle de gouvernance chinois par rapport à celui des démocraties occidentales. Il a d’ailleurs récemment déclaré au Global Times : « lorsque la Chine a endigué le virus sur son sol et a réalisé d’immenses contributions à la lutte mondiale contre la pandémie, la performance médiocre et le comportement égoïste de l’Occident ont fait pâle figure en comparaison (…) Les faits ont prouvé que le récit occidental ne peut plus prévaloir ».

Quand bien même ces « loups » se transformeraient en « agneaux », les chances que cela suffise à améliorer l’image de la Chine sont minces. Il est bon de rappeler que ce n’est pas « la forme » qui a abîmé l’image chinoise à l’international, mais bien « le fond » : ses revendications territoriales en mer de Chine et à la frontière avec l’Inde, sa reprise en main de Hong Kong, sa répression au Xinjiang, son ambition de réunification – par la force si nécessaire – avec Taïwan, ou encore son jeu trouble au sujet de l’origine du virus…

Surtout, l’inefficacité de ses efforts de propagande à l’international – qui reposent en partie sur des réseaux sociaux américains comme YouTube, Twitter ou Facebook – est antérieure à cette diplomatie « combattante ». Et tant que sa communication sera guidée par l’idéologie et soumise à la censure du Parti, elle n’aura que très peu de portée en Occident…


Santé : Une épidémie de plus au départ de la Chine, la grippe aviaire H10N3 
Une épidémie de plus au départ de la Chine, la grippe aviaire H10N3 

Alors que la Covid-19 continue de frapper mortellement l’humanité dans de nombreuses nations, la Chine a fait état le 1er juin d’un premier cas humain de grippe H10N3 détecté dans la province du Jiangsu. Le patient est un homme de 41 ans hospitalisé depuis la fin avril.

La Commission Nationale de Santé s’est immédiatement voulue rassurante en affirmant que le risque de propagation à grande échelle était très faible, les cas de transmission interhumaine de ces grippes aviaires restant très rares. Un ton qui n’est pas sans rappeler celui des prémices de la Covid-19 en janvier 2020…

Si la pandémie de Covid-19 a poussé le gouvernement chinois à interdire le commerce d’animaux sauvages sur son sol pour tenter de limiter l’apparition de nouvelles maladies, certains de ces animaux, de plus en plus privés d’habitats naturels, se vendent toujours illégalement sur certains marchés au profit de quelques « gourmets » ou « nouveaux riches ».

Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c’est que la tradition du commerce et d’abattage d’animaux vivants sur les marchés chinois (volailles notamment) perdure dans le pays depuis la crise du SRAS qui avait fait entre 2002 et 2003 près de 800 morts dans le monde, celle du H5N1 en 2004-2005 (plus de 455 morts), celle du H1N1 de 2009-2010 (près de 20 000 morts), celle du H7N9 en 2013 (plus de 600 morts), celle H10N8 la même année (1 décès) et l’apparition en 2020 d’une nouvelle souche de virus de grippe porcine, dite « G4 », sans que les autorités chinoises en aient tiré les leçons sanitaires qui s’imposent. C’est à la fois dramatique en premier lieu pour la population chinoise, mais aussi pour le restant de la population mondiale.

En effet, la Chine est devenue un pays au transport aérien – national et international – florissant. Les grandes villes du pays dépassent toutes le million d’habitants, voire la dizaine ou la vingtaine de millions d’individus, et sont dorénavant de facto au centre du trafic aérien mondial. Étant donné ce brassage de populations et la trop grande proximité tolérée sur les marchés entre l’homme et l’animal, ces aéroports présentent un risque majeur de propagation épidémique.

Il serait grand temps que la Chine, si moderne sur tant d’autres plans, mette un point d’arrêt à ses coutumes archaïques d’élevage et de petit commerce d’animaux en modernisant rapidement ses chaînes d’abattage, de stockage au froid et de distribution. Elle a déjà su répondre avec imagination et succès à bien d’autres challenges auparavant…

Par Alain P. Bonjean


Chiffres de la semaine : Chengdu devient 4ème, 300 000 yuans pour une chanson, près de 30 000 étudiants…
Chengdu devient 4ème, 300 000 yuans pour une chanson, près de 30 000 étudiants…

Avec 20,94 millions d’habitants, Chengdu devient officiellement la 4ème ville la plus peuplée de Chine. Devançant Canton, la capitale provinciale du Sichuan arrive derrière Pékin (21,89 millions d’habitants), Shanghai (24,28 millions d’âmes), et la « ville-montagne » de Chongqing, qui domine le classement avec ses 32,05 millions de résidents.

Shenzhen remporte par contre la palme de l’attractivité, ayant su attirer pas moins de 7,13 millions de personnes supplémentaires en dix ans. Canton la talonne, avec 5,97 millions de nouveaux arrivants, contre 5,82 millions pour Chengdu (cf photo).

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Plus de 300 millions : c’est le nombre de fumeurs en Chine, ce qui représente 26,6% de la population adulte. Malgré plusieurs campagnes pour lutter contre la cigarette dans les lieux publics, la Chine conserve son statut de premier pays au monde en nombre d’accros à la nicotine, devançant largement les 120 millions de fumeurs indiens.

Chaque année, 1 million de Chinois décèdent de maladies liées au tabagisme, un chiffre amené à doubler d’ici 2030, et à tripler d’ici 2050 si rien n’est fait.

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300 000 yuans (47 000 $) : c’est le prix de la première chanson d’un artiste chinois vendue aux enchères le 25 mai en jeton non-fongible (NFT), sorte de bitcoin pour les œuvres artistiques. On doit ce single prénommé « Water Know » à la chanteuse A Duo (阿朵), aux 4,3 millions d’abonnés sur Weibo.

Une récente étude rapporte que 52% des musiciens chinois ne tirent aucun revenu de leur musique, principalement à cause d’une faible protection de leurs droits d’auteurs.

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29 733 : c’est le nombre d’étudiants chinois en France durant l’année scolaire 2019-2020, en faisant la seconde communauté estudiantine étrangère après les Marocains. Malgré un chiffre en hausse de 24%, cela reste encore bien peu comparé au nombre de Chinois qui s’envolent étudier aux États-Unis, en Australie ou encore au Canada. Cependant, la France est appréciée pour la qualité de son enseignement et ses frais d’études moins élevés que dans les pays anglo-saxons.

Près de 50% des étudiants chinois (14 900) sont d’ailleurs inscrits dans les universités françaises, 25% dans les écoles de commerce, 12% dans les écoles d’ingénieurs, et 5% aux Écoles des Beaux-Arts, de design et d’architecture. Grandes gagnantes des cinq dernières années, les écoles de commerce ont vu leur nombre d’étudiants venus de l’Empire du Milieu augmenter de 69% ! Les principales villes de destination sont bien sûr Paris (39%), puis Lyon (15%), Nantes (8%), Marseille (8%), Toulouse (7%), et Lille (6%).


Petit Peuple : Qidong (Hunan) – Le paradis inventé de Fu Daxin (1ère partie)
Qidong (Hunan) – Le paradis inventé de Fu Daxin (1ère partie)

La vie n’a jamais été un chemin parsemé de roses pour Fu Daxin, à Qidong (Hunan), hanté dès sa naissance par la misère. La province était alors sous les griffes d’un occupant nippon féroce, et d’un « seigneur de la guerre », roitelet local qui levait ses impôts sur les villages, sans hésiter à faire usage de la force si nécessaire.

La révolution avait certes éliminé les oppresseurs, mais aussi apporté la collectivisation des terres et l’obligation aux paysans de participer aux actions d’agit-prop, qui devaient les déposséder de leur terre.

Puis à l’âge de se marier, la révolution culturelle avait forcé Fu Daxin comme tous les jeunes à se constituer en « brigades paysannes » pour creuser un canal, un barrage, un abri antinucléaire, lui volant ainsi les plus précieuses années de sa jeunesse.

Quand Deng Xiaoping avait pris le pouvoir au début des années 80, Fu avait 41 ans. Dès le relâchement de l’embrigadement révolutionnaire, les filles avaient commencé à partir à la ville, attirées par l’embauche et la liberté. Même Yiji, la cadette de Daxin avait disparu une belle nuit d’été sans laisser d’adresse, pour refaire sa vie.

C’était le premier moment où il pouvait rechercher une épouse, et il était ingrat. Ses parents déjà âgés avaient cherché en vain : avec ses deux « mu » de terre (0,3 hectare) et son air d’éternel perdant, Fu Daxin ne faisait pas rêver.

En s’endettant lourdement, ses parents avaient acheté à un gang de passeurs une fillette terrifiée et maigrelette, kidnappée au Vietnam. La gamine n’avait rien d’une affaire, sans aucune force pour le dur labeur de la terre, et beaucoup trop jeune pour porter un héritier avant plusieurs printemps.

Pire encore : au bout de quelques jours, la « fiancée » évidemment moins sotte qu’elle n’y paraissait, avait réussi à tromper la surveillance pour jouer les filles de l’air : une battue de toute la communauté n’avait pas réussi à remettre la main sur elle…

Depuis lors, Fu Daxin s’était résigné à finir sa vie comme célibataire, à l’instar de 20 millions de vieux garçons frappés comme lui par le déséquilibre de la balance des naissances.

Les années avaient passé, avec leurs récoltes maigres de sorgho, de millet et de riz, à peine suffisantes pour nourrir la famille. Une vieille télévision, un réfrigérateur hors d’âge, c’était là tout leur luxe. Plus il avançait en âge, plus il devait peiner pour nourrir ses vieux parents, et puis à l’automne de 2001, les enterrer sous un monticule de terre, sans pierre tombale ni ruban multicolore suivant la tradition – il n’en avait pas les moyens.

Vivant seul désormais, « chaussures trouées et talons percés » (lǚ chuān zhǒng jué, 履穿踵决), il n’avait plus la force de retourner la terre faute de posséder ni buffle, ni « tiě niú » (铁牛« bœuf de fer »), motoculteur. Devant chez lui, il avait encore la force d’entretenir un minuscule potager, loin de subvenir à ses besoins.

Compatissants, les voisins lui apportaient parfois quelques galettes de maïs cuites à l’étuvée, ou un kilo de riz. Une fois par an, la mairie lui portait 300 yuans d’aide aux vieux célibataires, puis 600 à partir de 2003, mais il restait très en deçà du seuil de subsistance : à 3 yuans le kilo de riz, et 26 yuans celui du porc, que voulez-vous faire ?

Ainsi durant l’essentiel des années 2000, un Fu Daxin très amaigri subsistait avec un repas par jour, qui se réduisait à un petit bol de riz blanc parfois additionné d’une poignée d’arachides. Désormais, il manquait de force pour s’occuper du jardin infesté de vermine qui dévorait ses malingres rangs de rave et de choux…

Un jour de mars 2008, n’y tenant plus, Fu Daxin osa se faire cuire quelques champignons ramassés aux alentours. Il avait agi par désespoir, n’ayant plus rien à manger et son porte-monnaie vide. Deux heures plus tard, il fut pris d’une forte fièvre, suivie de suées qui lui firent perdre connaissance. Le lendemain, il se réveilla surpris d’être toujours en vie. Personne n’était venu pour s’enquérir de sa santé. Il se rendit alors compte que s’il voulait voir se poursuivre son existence après 69 printemps, il allait devoir concevoir une stratégie entièrement nouvelle. Personne dans Qidong n’était bien riche, mais de tous, c’était lui le plus à plaindre. Il avait honte de posséder si peu, et d’être à son âge aussi vulnérable aux revers de fortune. Il se reprochait comme un échec de n’avoir jamais trouvé la bonne formule.

Un jour d’août de cette année-charnière, au marché où il récupérait les journaux pour les revendre au poids, il tomba en page intérieure sur l’histoire d’un homme aussi pauvre que lui, atteint d’une maladie invalidante, parce que non soignée, et qui avait trouvé moyen de se faire traiter en passant par la case prison : un délit fictif lui avait permis de se faire condamner, incarcérer et trouver que l’État prenait dès lors en charge tous ses besoins, lui permettant quelques mois plus tard de recouvrer sa santé en même temps que sa liberté.

Ce fut pour lui le moment de l’illumination : Fu Daxin allait faire de même, et entrer en prison. Au moins là, il passerait l’hiver au chaud, à l’ombre, sous la protection du socialisme !


Blog : Sortie de la BD « Robinson à Pékin – Journal d’un reporter en Chine »
Sortie de la BD « Robinson à Pékin – Journal d’un reporter en Chine »

Sous les crayons d’Aude Massot, le journaliste Eric Meyer raconte ses premières années en Chine.

En atterrissant à Pékin le 5 septembre 1987, Éric Meyer n’aurait jamais imaginé rester sur place plus de quelques mois… Pourtant, plus de trente belles années séparent ce jeune homme curieux et débordant d’entrain de l’homme qui nous raconte aujourd’hui son histoire. Celle d’un coup de foudre pour une culture aux antipodes des codes occidentaux, d’une vie semée d’embûches mais d’autant d’émerveillements.
 
Car décider de vivre en Chine, d’y travailler et d’y fonder une famille, c’est choisir de plonger dans l’inconnu, chercher à comprendre l’autre sans le juger, respecter sans pour autant adhérer.
 
Et en effet, certains événements trouvent difficilement de justifications recevables. C’est à ce moment-là que la plume du reporter s’élève et prend le risque de dénoncer les agissements d’un régime froid, impitoyable et tout puissant en apparences.
 
Dans Robinson à Pékin, Eric Meyer revient sur ses deux premières années de vie en Chine, son acclimatation à la vie locale, mais aussi sur « le printemps de Pékin » qui vit se multiplier les manifestations d’étudiants, d’ouvriers et d’intellectuels chinois, jusqu’à leur répression, le 4 juin 1989, sur la place Tian’anmen.
 
Un témoignage unique en son genre, foisonnant d’anecdotes et de situations à peine croyables. Une tranche de vie à nulle autre pareille.
 
Sortie le 4 juin 2021
Aux éditions URBAN COMICS 
Pagination : 192 pages
Prix : 25 €

Rendez-vous : Semaines du 7 juin au 4 juillet
Semaines du 7 juin au 4 juillet

8-10 juin, Shanghai : FOOD INGREDIENTS CHINA, Salon des additifs et ingrédients alimentaires 

8-10 juin, Pékin : CIPPE, Salon chinois international des technologies et équipements pétroliers et pétrochimiques

8-10 juin, Pékin : CHINA MARITIME BEIJING, Salon international des technologies et équipements d’ingénierie offshore

10-12 juin, Canton : INTERNATIONAL TRAVEL FAIR, Salon international du tourisme

12-16 juin, Shanghai : ITMA Asia & CITME, Salon des textiles, fils, tissus et industries connexes

12-20 juin, Chongqing : AUTO CHONGQING 2022, Salon international de l’industrie automobile en Chine

22-24 juin, Shanghai : FSHOW 2021, Salon international des engrais de Chine

22-24 juin, Shanghai : CAC, Salon international chinois de l’agrochimie et de la protection des cultures

23-25 juin, Shanghai : HNC, Salon international des équipements et appareils de soins de santé, des thérapies de soins de la vie

24-26 juin, Canton : CINHOE, Salon international de l’alimentation et des produits issus de l’agriculture biologique

25-26 juin, Shanghai : SG – CHINA INTERNATIONAL SMART GARMENTS INDUSTRY FORUM & EXHIBITION 2021, Salon international et forum de l’industrie des vêtements « intelligents » en Chine. Textiles fonctionnalisés : imperméables, ignifugés, antibactériens, antistatiques…

25-27 juin, Pékin : LPS BEIJING, Salon de l’immobilier en Chine

25-27 juin, Nanjing : ASIA OUTDOOR TRADE SHOW 2021, Salon chinois des loisirs de plein air

29 juin – 1er juillet, Shenzhen : INDUSTRIAL AUTOMATION SHENZHEN 2021, Salon international pour l’automatisation des procédés

2-4 juillet, Shanghai : ISPO SHANGHAI 2021, Salon professionnel international des sports, de la mode et des marques de vêtements à Shanghai