Editorial : Le Chien étrangle le Coq

Le 15 février à minuit, le Coq poussera son dernier chant, étouffé par le jappement du Chien. Avant-dernier signe zodiacal chinois, le Chien signifie beaucoup pour ce pays. De tout temps, la Chine l’a pris pour compagnon de chasse, gardien de ses richesses ou de sa sécurité, et –heureusement de moins en moins– dans sa casserole !

Le Chien de 2006 était associé à l’élément du Feu. Celui de 2018 suit celui de la Terre, et porte ses couleurs – beige, marron, ocre. Les domaines les plus fastes seront donc ceux qui se rapportent au Feu (alimentaire), au Métal et au Bois (industries, ameublement, textile, agriculture). Par contre, il faudra se méfier de l’Eau, apportant crues et tempêtes.

Comme les onze autres signes, le Chien vit une dualité. Il est d’une part fidèle jusqu’à la mort, idéaliste, toujours de bonne humeur, penseur constructif et efficace, croit en la justice et a besoin d’amour. Mais c’est aussi un incorrigible bagarreur, qui refuse les compromis, et ses colères dépassent parfois les bornes.

Ne supportant pas que les choses attendent, il veut « régler les problèmes une fois pour toutes », à la D. Trump, né sous ce signe. Les autres personnes dans leur « běnmìngnián » (本命年) (tels G.W. Bush, B. Clinton, Zhou Enlai ou la championne de tennis Li Na) se démarqueront par un ascendant naturel, une énergie et une forte volonté, mais aussi une capacité à écouter les autres. 

C’est donc un signe propice, et il faudra s’attendre à une profusion de noces et de naissances dans les 12 mois à venir. Les garçons seront loyaux, attentifs, mais parfois dépressifs. Les filles seront bien dotées sous l’angle de la beauté, mais risqueront une propension à la querelle.

A travers toute l’Asie, des milliards de pétards et feux d’artifice célébreront le Nouvel an lunaire (春节, Chūnjié). En 40 jours, 2,98 milliards de déplacements sont prévus, la plus grosse migration annuelle au monde, souvent vers le village ancestral. D’autres iront à l’étranger : rien qu’en Thaïlande, 300.000 visiteurs sont attendus en une semaine (+18%).

Au Chūnjié, le Chinois doit observer les rites, avoir réglé ses affaires, payé ses dettes. Au village, il doit inonder le clan de cadeaux et « d’enveloppes rouges » (hóngbāo -红包), lesquelles sont de plus en plus virtuelles, envoyées sur smartphone, qui est relié au compte bancaire de l’usager.

Tout au long de la nuit de gala de la CCTV, Alibaba fera jouer des dizaines de millions de Chinois à des jeux de réalité augmentée, distribuant via Alipay, en direct, 600 millions de ¥. Tencent son rival, fera littéralement « marcher » ses utilisateurs, antidote aux excès du banquet nocturne : à chaque 100 pas, comptabilisés par un podomètre intégré à QQ, il leur octroiera un hongbao. De plus, il distribuera pour 4 milliards en coupons de réduction. Qui dit mieux?

Dernière tendance : certains migrants aux revenus modestes « évitent la fête » (duǒnián – 躲年) et choisissent de ne pas rentrer au village, pour échapper à la pression financière de devoir offrir des cadeaux ou de l’argent à tous les membres de la famille. 

Une variante se lit chez les jeunes, moins disposés qu’hier à se plier aux quatre volontés des parents sous prétexte de piété filiale. En 2018, au lieu de se louer un(e) faux(fausse) fiancé(e), ils débarquent au bercail, affublés d’un sweat-shirt aux formules provocatrices : « ne demandez ni mes notes, ni mon salaire, ni quand je me marie, ce ne sont pas vos affaires ». Tout est dit, et la vie va !

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