Sport : L’empire du milieu de terrain

La Chine 93 ème rang du football, aspire à percer comme puissance mondiale de ce sport. Elle en est loin, étant en mauvaise posture pour se qualifier pour la Coupe du Monde de 2018 en Russie— son entraîneur français Alain Perrin  (cf notre interview exclusive l’été dernier) vient d’être congédié. Mais elle veut remonter la pente : son grand plan pour le faire, provoque des vagues à travers la planète du ballon rond. 

Décembre 2015 – janvier 2016, période des transferts, resteront dans les annales : les clubs chinois ont aligné 260 millions d’€ en rachats de stars du Cône Sud ou d’Afrique. A titre de comparaison, les clubs français n’ont mis sur la table que 31 millions.
L’argentin Ezequiel Lavezzi du PSG devrait partir pour le Hebei China Fortune (entre 13 et 15 millions d’€). Record de Chine, le 5 février, le Jiangsu Suning s’offre pour50 millions d’€ le Brésilien Alex Teixeira
Et les prix flambent : transféré pour 250.000 € en 2015 au Danemark, Bruninho repart 6 mois plus tard au Guangzhou Evergrande pour 2,5 millions. On voit même les clubs chinois se « chiper » leurs joueurs étrangers : le SIPG (Shanghai) débauche à 18,5 millions d’€ le Brésilien Elkeson d’Evergrande. Même entre clubs chinois, c’est la foire d’empoigne ! 

Tout a commencé en 2011, sur une petite phrase du futur Président Xi Jinping , qui rêvait que la Chine « se qualifie, puis accueille, puis gagne » la Coupe du Monde de football.
En 2014, Xi proposa que d’ici 2020, 50.000 écoles soient équipées en terrains et instructeurs de foot, avec l’aide des meilleurs pays. Fin 2015, 240 entraîneurs chinois étaient en France. Ronaldo, la star brésilienne, ouvre ses académies en Chine. Le Conseil d’Etat envisage même l’octroi – rarissime – de la nationalité aux joueurs étrangers, pour les intégrer à l’équipe nationale. 

La motivation est politique. La rue souffre de voir son « 11 » dernier de la classe. Et le foot est aussi un moyen de faire oublier la crise. C’est la vieille formule romaine, « du pain et des jeux », donner au peuple du travail, mais aussi des loisirs. Ainsi, le régime espère accueillir la Coupe du Monde sur son sol, en 2026 ou 2030

A l’appel de Xi Jinping, les investisseurs se sont rués. En 2015, Wang Jianlin le milliardaire immobilier rachète 20% de l’Atletico de Madrid. Puis pour un milliard d’euros, il empoche Sports et Media, le groupe suisse proche de Sepp Blatter, titulaire des droits de TV sur les Coupes du Monde en Asie – une vache à lait en milliards de téléspectateurs. 

Jack Ma, patron d’Alibaba, n°1 mondial du commerce en ligne, a repris 38% du Guangzhou Evergrande, puis fondé Alisport, plateforme virtuelle de vente de produits dérivés (maillots des clubs, billets de stades, contenus payants sur smartphone). Sa clientèle : 600 millions d’internautes inscrits sur ses sites. 

China Media Capital, du mogul Li Ruigang, rachète en décembre 13% du Manchester City, puis emporte pour 1,1 milliard d’euros, cinq ans de droits de diffusion des matchs de la Chinese Super League—20 fois le tarif pratiqué jusqu’alors. 

Mais cette stratégie d’achats massifs de joueurs étrangers sera-t-elle payante ? Les clubs amateurs, en tout cas, en doutent. Selon eux, les fortunes dépensées sur une poignée de jambes en or parmi les 16 clubs « dorés » de la Chinese Super League, donneraient bien plus de résultats si elles étaient saupoudrées sur les multitudes de petits clubs vivotant dans l’ombre. De plus, dans ces grandes formations, les joueurs chinois restent complexés sur le terrain face aux stars importées surpayées. Trop souvent la colle ne prend pas, comme dans le cas d’Anelka et de Drogba, recrutés en 2013 au Shenhua (Shanghai), mais partis au bout d’un an, se plaignant de non-respect du contrat.

Autre risque, la corruption qui a failli tuer ce sport dans l’œuf – vu le nombre de scandales, les parents chinois ne voulaient même plus orienter leur enfant unique vers ce sport « pourri ». Aujourd’hui avec le grand nettoyage en cours, l’argent sale n’apparaît plus visible dans les stades de football – mais il peut revenir…

Au vu des énormes efforts en route, le football chinois ne peut que monter en qualité, sous 5 ans. Pour y parvenir, le football chinois devra trouver son propre style, cesser de compter sur les talents importés, et éliminer la triche. Ce qui ne peut se faire sans séparer le sport du Parti, au détriment de ce dernier. Y est-il prêt aujourd’hui ? Certainement pas. Et pourtant, seule la liberté des sportifs de s’organiser peut leur permettre de conjurer leurs mauvais génies. Toute la contradiction, et le défi du football chinois est là !

Guangzhou-Evergrande, le club de référence

Créé en 1954, en faillite en 2009, le Guangzhou FC est racheté par Xu Jiayin, PDG du groupe immobilier Evergrande. C’est là que débute son ascension. Xu importe des joueurs étrangers tels Conca(Argentine), et l’ex-entraineur d’Italie M. Lippi

Dès 2011, l’Evergrande gagne le championnat national – puis chaque année jusqu’à ce jour. En 2012, il remporte la coupe d’Asie (AFC) et atteint deux fois la demi-finale de Coupe du monde des clubs.
La même année, pour préparer l’avenir, il créé sa Football Academy à 80 terrains et 150 entraîneurs, pour 2400 pensionnaires. Après avoir recruté Robinho (2014), Paulinho (2015), et F. Scolari, l’ex-coach du Brésil, il s’offre en février 2016, le Colombien J. Martinez à 42 millions d’€. Mais comme ses rivaux, Jiangsu Suning en tête, imitent sa stratégie d’achats de talents matures, il lui sera plus difficile de conserver indéfiniment sa place au sommet de la Super League…

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