Petit Peuple : Hangzhou — Les vies successives de Xu Zhongbao (3ème partie)

Résumé des deux premières parties : À Hangzhou (Zhejiang), la vie  de Xu Zhongbao était faite de rebondissements : d’abord patron d’un institut de beauté, puis prisonnier pour 6 ans suite à une bagarre avec l’un de ses employés, il devint ensuite un redoutable flic infiltré…

Après avoir débusqué et embastillé près de 500 malfrats durant 10 ans, Xu Zhongbao avait vu de grands dangers apparaître dans sa vie quotidienne. Il vivait dans la crainte de se retrouver face à face avec des bandits sortis de prison, animés par le désir brûlant de se venger. Déjà en 2007, il avait été sévèrement tabassé par un gang, et n’avait pas envie de revivre ça ! Il trouva un accord avec son chef, qui lui épargna les missions les plus dangereuses pour le poster à la petite délinquance : dans les musées ou les centres commerciaux pour enseigner les techniques de prévention des pickpockets…

Son talent le précédant, il fut invité en 2014 à passer à la télévision, au show « du rêve de Chine ». Xu dévoila alors avec faconde ses trucs et astuces pour détecter et prendre les malfrats la main dans le sac, lors de vols à la bousculade, ou de pièges aux distributeurs de billets… Le public l’adorait.

En juillet 2016, on l’envoya au marché des Quatre saisons de Hangzhou pour enquêter sur des vols de portables et de vêtements. Sur place, Xu eut tôt fait de confondre son voleur, le faisant identifier sur photos, et allant l’épingler dans les bas-fonds de Shanghai. Puis, suivant sa pratique bien rôdée, il passa à plusieurs reprises au marché, former les vendeuses, s’assurer que les sacs à main restent en sûreté et les tiroirs-caisses verrouillés.

C’est alors qu’il rencontra Liang Ah-zhen, une des patronnes qui avaient été dérobées. Il lui débita son discours habituel, mais ressentit cette fois des difficultés à se concentrer devant elle. Etait-ce l’absence totale de rancœur de cette femme envers celui qui l’avait dévalisée ? Ou bien le mélange de douceur teinté d’humour que dégageait son regard ?

Il revint plusieurs fois. Ah-zhen en fut d’abord gênée : nul en Chine, ne se réjouit des visites de police, trop souvent prologue à une demande de bakchich, ou de dénonciation des voisins. Mais Xu l’avait vite rassuré, par son comportement discret et ses efforts pour lui montrer l’aspect privé de sa démarche—sa gaucherie même plaidait en sa faveur.

A la 3ème visite, il lui raconta sa vie : l’institut de beauté, le coup de colère qui l’avait fait tomber en prison, le divorce, le décès de sa mère, ses années de taule, sa vie d’agent infiltré… Il ne lui cacha rien.

Puis Ah-zhen commença à attendre ses visites. Certes, elle devait se protéger des coureurs de jupons – après des années de dur labeur, elle avait su ouvrir trois boutiques sur le marché, acquérir un entrepôt et son appartement. Mais elle sentit vite que cet homme était différent des autres, respectueux et discret. Elle comprenait les épreuves qu’il avait subies, sa position de victime, mais non de bandit, ni de vaincu. De fil en aiguille, Xu l’invita à des promenades, puis à déjeuner. Ni l’un ni l’autre n’avaient plus 20 ans, ni de temps à perdre en flirt sans lendemain. Elle croyait sentir en lui la chance d’un compagnon loyal.

Quatre mois après, en décembre 2016, alors qu’ils se baladaient en bordure du lac de l’Ouest, Xu sortit tout à trac un pendentif de jade blanc de valeur – il venait d’y mettre trois mois de son salaire. Il lui passa le collier au cou, tout en faisant sa demande d’accepter de devenir sa femme. Ce à quoi elle lui fit cette répartie bien chinoise, « s’il faut se marier, on le fera ». Ils convinrent de se marier en 2018, en période creuse « quand ils auraient le temps ».

Mais avant de convoler, Xu s’était donné un devoir à accomplir : retrouver le mystérieux Mr Ni, l’homme qui en 2007, lui avait sauvé la vie après son agression, en payant pour ses soins d’hôpital, alors qu’il était sans le sou. Xu voulait partager son bonheur avec ce mécène, resté anonyme, et lui rendre grâce publique. Mais comment le retrouver ? À l’époque, Mr Ni avait refusé même de le rencontrer, une fois remis sur pied.

A l’aide des copains de la « grande maison », Xu contacta les journaux et stations de télévision, leur demandant de l’aider à retrouver son bienfaiteur. La CCTV fut la première à retrouver sa trace, mais ce fut en vain : au journaliste qui l’abordait, Mr Ni confirma son insistance pour rester dans l’ombre, même au moment de la marche nuptiale. Le mystérieux bienfaiteur présentait ses sincères vœux de bonheur – à distance !

Le couple entreprit alors de s’installer. Ah-zhen acheta un autre appartement, qu’ils rénovèrent à leur goût. En échange, sa seule requête était une existence moins tumultueuse pour son futur époux. Ainsi, Xu Zhongbao démissionna de sa carrière d’officier de police, pour entrer dans sa quatrième existence. Il se fit embaucher en mai 2017 par un groupe immobilier, comme directeur de la sécurité.

Mais notre ancien capitaine des forces de l’ordre s’ennuie royalement dans ses nouvelles fonctions « pantouflées » – le connaissant de réputation, plus aucun cambrioleur ne se risque à venir se frotter à lui…

Heureusement pour Xu, les anciens collègues aussi se languissent de son talent ! Aussi, chaque fois qu’une affaire leur résiste, ils l’appellent, et il reprend du service. En général, il lui suffit de passer quelques coups de fil parmi ses vieux informateurs, de faire une ou deux visites pour parvenir à dénouer l’affaire, attraper son coupable.

Ah-zhen s’en plaint un peu, mais  raisonnable comme elle est, elle comprend bien que Xu ne peut couper le lien avec le métier de sa vie : « chassez le naturel, il revient au galop (习惯成自然, xíguàn chéng zìrán) !

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