Agriculture : Les Chinois de plus en plus fans du bio

Les Chinois de plus en plus fans du bio

Encore marginaux au début des années 2000 en Chine, les produits bio se sont peu à peu fait une place de choix dans les habitudes des consommateurs chinois. Avec une croissance annuelle à deux chiffres durant la dernière décennie, le marché chinois du bio est devenu le 3ème mondial avec 12,4 milliards d’€, derrière les Etats-Unis (56,6 milliards d’€) et l’Allemagne (15,0 milliards d’€).

Plusieurs produits tirent leur épingle du jeu, à commencer par les produits laitiers et l’alimentation infantile, suivis par celui des produits frais, sans additifs ni résidus de produits phytosanitaires. Les céréales, le thé, le café et les fruits à coque ainsi que divers épices font également partie des cultures bio permanentes les plus importantes du pays.

Mention spéciale pour les cosmétiques et les produits de beauté bio, végétaliens et naturels ou à allégations d’effet minceur : 60% des produits de cette filière vendus en Chine sont désormais étiquetés comme « bio ». Un pourcentage qui ne cesse de croître.

A l’inverse, les produits moins courants dans les rayons bio sont peut-être la viande, extrêmement coûteuse à produire, et certains fruits, dont l’aspect parfois abîmé ne répond pas aux exigences esthétiques des consommateurs chinois…

L’essor du bio en Chine peut s’expliquer par plusieurs facteurs. En premier lieu, une sensibilisation accrue à la santé et à la sécurité alimentaire qui touche tout le pays : 80% des Chinois souhaitent se nourrir plus sainement, notamment après les divers scandales alimentaires qu’ils ont connu depuis les années 2000 tel celui du lait contaminé à la mélamine et suite à l’interminable confinement subi durant l’épidémie de Covid-19. Selon le cabinet Dezan Shira & Associés, malgré des prix systématiquement plus élevés des produits bio, 73% des consommateurs chinois se disent prêts à payer un supplément pour ces aliments qu’ils jugent plus sains.

L’autre facteur est bien sûr l’urbanisation accélérée du pays et « l’occidentalisation » partielle des modes de vie qu’elle a entraînée.

Ainsi, le profil-type d’un consommateur chinois de produits bio vit en ville, a entre 30 et 45 ans, appartient à la classe moyenne et dispose de revenus annuels égaux ou supérieurs à 30 000 €. Actuellement, plus de 30% des consommateurs des villes de 1er et 2nd rang achètent régulièrement des aliments bio. 

Ils font majoritairement leurs courses en grande distribution (75-80% de parts de marché), mais aussi dans des magasins spécialisés, sur les marchés paysans organisés dans leur quartier et sur Internet. De très nombreuses plateformes sont actuellement en concurrence parmi lesquelles 1Mutian, Epermarket, Fields, JD.com, Kaola, Kate & Kimi, Pinduoduo, Tmall ou encore Tony’s Farm.

Les principales marques qui se sont imposées sur ce marché sont étrangères et/ou importées, ce qui montre que les Chinois ont encore peu confiance dans les contrôles de cette filière.

Cette réputation est-elle bien méritée ? Contrairement au système centralisé européen, le label bio chinois, « yǒujī shípǐn » (有机食品), est délivré par plusieurs organismes en Chine. L’autorité principale est le centre chinois pour la certification bio (COFCC), mais il ne certifie qu’environ 30% des produits biologiques. D’autres organismes, incluant des entreprises privées, des inspecteurs individuels et des entreprises internationales, délivrent également des certifications. Avec la prolifération des faux labels, les autorités ont ajouté une vignette supplémentaire comprenant un code de traçabilité, qui permet d’obtenir le nom de la ferme et du produit ainsi que le nom de l’organisme qui a certifié la culture.

Pour le reste, les normes chinoises ressemblent beaucoup à celles en vigueur en Europe : elles interdisent, elles aussi, l’utilisation de pesticidesd’engrais chimiques et d’OGM, et la période de conversion des terres agricoles est également de trois ans sans traitements chimiques. Toutefois, la forte pollution des sols et de l’air en Chine soulève des questions sur la fiabilité des produits bio chinois.

Cela n’empêche pas la Chine d’exporter avec un certain succès ses produits bio vers les marchés européens, nord-américains et asiatiques, en particulier du thé, des fruits à coque, des épices, des fruits et des légumes, et plus étonnant, du soja et d’autres oléagineux.

Il est important de savoir qu’il n’existe pas d’accord d’équivalence entre la Chine et l’Union Européenne (UE) pour les produits biologiques. Ainsi, les produits chinois exportés vers l’Europe ne peuvent pas automatiquement arborer le label Eurofeuille (ou AB pour la France). De même, les produits européens importés en Chine voient souvent leur label bio dissimulé sous une autre étiquette, car Pékin ne les reconnaît pas.

Mais cela pourrait vite changer. En effet, la Chine ambitionne d’obtenir la reconnaissance de ses certifications à l’international. Si un accord de reconnaissance mutuelle est en bonne voie avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les discussions sont plus laborieuses avec les membres de l’UE.

Pour Pékin, cette reconnaissance aurait à la fois pour objectif de restaurer la confiance des consommateurs chinois dans le système alimentaire national, de stimuler ce marché en pleine expansion, mais aussi de renforcer la crédibilité des produits chinois exportés sur les marchés mondiaux. La Chine s’étant engagée à atteindre la neutralité carbone avant 2060 et à construire une « civilisation écologique », le développement de l’agriculture bio s’inscrit donc dans cette démarche environnementale plus large.

Par Alain Bonjean

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