
Alors que le Parti tente, tant bien que mal, de mettre en place des « solutions » afin de relancer l’économie et assainir les finances locales, notamment par la mise en place d’« équipes spécialisées de liquidation » (砸锅卖铁工作专班)*, la lutte anticorruption continue de s’étendre, avec des chiffres qui ne cessent d’augmenter chaque mois. Comment expliquer ce phénomène ?
À ce stade, mis à part pour certains secteurs – dont la finance – et certains individus considérés « problématiques », l’objectif est de récupérer le plus d’argent possible en relevant un maximum d’infractions.
Une brève analyse des statistiques de l’anti-corruption s’impose. A savoir que toutes les infractions sont classées dans 8 catégories, telles que définies par Xi Jinping à son arrivée au pouvoir. Il y a donc les cadres qui se rendent coupables « d’hédonisme et d’extravagance » (offrir ou recevoir des cadeaux, s’adonner à des banquets…) ou encore, plus traditionnellement, de « versements et/ou de transferts illégaux de subventions ou d’avantages sociaux ».
Toutes catégories confondues, les chiffres relevés au mois août 2024 sont les plus élevés depuis au moins 2020. Ils représentent déjà le double des cas enregistrés en janvier, et le triple des cas de violations de février et mars. On note également une augmentation des violations liées aux banquets et aux échanges de cadeaux depuis 2022. Ces cas d’hédonisme représentent désormais plus de 42% des infractions totales rapportées les 30 derniers mois.
Plus intéressant encore, les violations liées à l’attitude « tangping » (躺平), ces cadres qui ne prennent plus d’initiatives, sont aussi en recrudescence depuis 2022, et ce, malgré le changement des règles d’évaluation. Les affaires de ce type représentent environ 40% des violations rapportées depuis 2020. Toutes ces statistiques, en plus de celles du nombre de « tigres » (haut dirigeants) mis sous enquête, font donc déjà de 2024 une année dorée pour l’anti-corruption.
Les conclusions à en tirer ne sont pourtant pas particulièrement glorieuses. En effet, il semble que peu importe les efforts de Xi, les cadres continuent à se laisser aller à des pratiques jugées « extravagantes » et à rester passifs par crainte d’être punis par la suite. C’est d’autant plus inquiétant que la majorité de ces cadres, qui se trouvent actuellement au bas de l’échelle hiérarchique du Parti, ont passé une grande partie de leur carrière sous Xi, c’est-à-dire durant les 12 dernières années. Ils sont donc censés connaître mieux que personne les sanctions auxquelles ils s’exposent en enfreignant les « 8 commandements » de Xi. En ce sens, la campagne anti-corruption qui visait originellement à corriger les problèmes laissés par les prédécesseurs du Président, sert à présent à punir ceux qui ont été promus post-18ème Congrès de 2012.
L’autre remarque à faire est qu’en cherchant à tout prix à récupérer une montagne de petits montants qui sont gaspillés par des dizaines de milliers de cadres chaque mois, le Parti ne fait qu’accroître le ressentiment des petits cadres, qui font déjà face à de nombreuses coupes budgétaires, de salaire et d’avantages sociaux, depuis 2022.
Il serait donc dangereux de considérer sa propre base comme une source de revenus durant des moments difficiles. D’autant que ces restrictions de budget ont eu pour effet de gonfler les rangs des « tangping » qui, faute de motivation et d’incitatifs, en font le moins possible. On peut dire que, d’une certaine manière, depuis un moment déjà, le Parti se tire lui-même une balle dans le pied en entretenant une population de « tangping » qui se retrouve par la suite dans les statistiques de l’anti-corruption.
Là où le bât blesse, c’est que le Parti a maintenant plus que jamais besoin de ses cadres pour mettre en œuvre ses politiques et de ses agents de sécurité afin de maintenir l’ordre. Cependant, Pékin continue de couper les salaires et de faire la chasse aux violations plutôt que de mettre en place une vraie politique incitative.
Si à court terme, l’objectif est de récupérer les avoirs détournés de l’État afin de renflouer les coffres de celui-ci, à long terme, cette stratégie risque de paralyser encore plus l’État léniniste dans ses tentatives de réformes ou encore d’implémentation de plan de relance. La corruption ne fera que changer de visage et deviendra de plus en plus pernicieuse et difficile à rectifier.
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* L’expression « fracasser le pot et vendre le fer » (zá
1 Commentaire
severy
16 octobre 2024 à 06:05Les membres corrompus du Part sont comme la mousse sur les tuiles. Dès qu’on les enlève, les tuiles s’écaillent et le toit se fragilise.