
C’est la rentrée ! Mais pas pour tout le monde… Un peu partout à travers la Chine, des milliers de crèches et maternelles ne rouvriront pas leurs portes. Les chiffres sont éloquents : selon le ministère de l’Education, le nombre de « petites écoles » à travers le pays a chuté de 20 000 entre 2021 et 2023, de 294 832 à 274 480 établissements. Les maternelles concernées sont essentiellement privées.
Dans le meilleur des cas, les parents d’élèves sont prévenus de la prochaine fermeture et ont le temps de trouver une nouvelle école. Dans le pire des cas, les gérants de l’établissement s’enfuient avec (ce qu’il reste de) la caisse, laissant les parents sur le carreau avec des dizaines de milliers de yuans en heures prépayées et leurs employés avec des arriérés de salaire…
Le revirement de situation est impressionnant : il y a quelques années seulement, les parents se pressaient encore devant les portes des maternelles pour s’assurer d’obtenir une place pour leur bambin. Aujourd’hui, ces écoles peinent à remplir leurs classes.
On observe la même tendance du côté des maternités dont les fermetures se multiplient ces derniers temps, faute de bébés à naître… Certains parlent même du début de « l’hiver obstétrique ».
Les causes sont multiples : il y a certes, la plus évidente, la baisse continue du nombre des naissances, mais aussi des parents devenus plus regardants à la dépense dans un contexte de ralentissement économique, ainsi que la récente reprise en main de l’Etat, ayant pour conséquence de réduire sensiblement l’accès des écoles privées aux financements.
Ainsi, le nombre d’enfants inscrits dans les maternelles chinoises a chuté de 5 millions en 2023 par rapport à l’année précédente, pour atteindre un total de 40,92 millions. Le chiffre le plus bas depuis 2014. Si cela continue ainsi, ce n’est pas moins de 10 millions de places en maternelle qui resteront vides durant les prochaines années.
Autre conséquence qui n’a rien pour réjouir les décideurs politiques : la perte de 170 000 emplois d’instituteurs/institutrices et aides à la vie scolaire en 2023, toujours selon les données officielles.
Ces fermetures interviennent alors que Pékin fait tout pour inciter son secteur de la petite enfance à se professionnaliser et ainsi espérer relancer la natalité. Sauf que les mesures adoptées jusqu’à présent restent sans effets…
Mi-août, Pékin a encore présenté un projet de loi qui simplifiera l’enregistrement du mariage pour les couples et rendra plus compliquée la procédure de divorce. Une stratégie censée contribuer au « réarmement démographique » du pays.
Plus concrètement, les autorités ont promis des subventions aux écoles privées qui répondent à certains critères (trop stricts, d’après certains professionnels du secteur) et encouragent les maternelles à ouvrir des « très petites sections » (en dessous de 3 ans). En effet, seuls 2,2 millions d’enfants étaient inscrits dans ces TPS en 2022, soit 5% des effectifs recensés en maternelle.
La raison est culturelle : il est très courant pour les jeunes parents de solliciter leurs propres parents (ou d’avoir recours à une « ayi ») pour garder leur bambin lorsqu’ils sont au travail. Il serait d’ailleurs très mal vu pour les grands-parents de refuser cette tâche qui leur incombe traditionnellement. Mais la pérennité de cette pratique pourrait être remise en question par un recul de l’âge de retraite (50/55 ans pour les femmes, 60 ans chez les hommes actuellement) à court/moyen terme. C’est sans compter sur les divergences « intergénérationnelles » qui agitent les foyers lorsqu’il s’agit des méthodes d’éducation. Autant de facteurs qui pourraient inciter les jeunes parents à envoyer leurs bambins dans un jardin d’enfants – à condition que le prix corresponde à leurs attentes et que la qualité soit au rendez-vous.
Sommaire N° 27 (2024)