Politique : Les douze coups de minuit

Avant de tourner la page de cette décennie, le gouvernement chinois procédait à quelques chaises musicales de routine à travers les provinces. Deux cadres étaient promus : Lou Yansheng, nouveau secrétaire du Parti de la province du Shanxi, et Yin Yong, gouverneur du Henan. D’autres postes seront à pourvoir en 2020 au Liaoning, Yunnan, Guizhou, Guangxi et Xinjiang. Plus rare, au moins 32 cadres de niveau municipal étaient nommés en l’espace d’une semaine fin décembre, dont 29 dans une province inconnue pour eux. Parmi eux, deux tiers sont nés après 1970, ce qui reflète la montée en puissance des leaders de 7ème génération. Ce mouvement, d’une ampleur inédite, est en phase avec la modernisation de la gouvernance du Président Xi Jinping (thème du 4ème Plenum), dont l’un des aspects est la promotion de talents fiables, loyaux et compétents, ainsi que de briser d’éventuelles collusions avec des intérêts locaux. Puis, après deux ans de tergiversations, la réunion mensuelle du Bureau Politique en décembre avalisait le titre symbolique de « leader du peuple » (领袖) pour Xi Jinping, un statut que seul Mao détenait avant lui. Ainsi Xi semble tutoyer d’égal à égal le fondateur de la RPC, surclassant au passage ses prédécesseurs.

Profitant du déficit d’attention de l’Occident entre Noël et le Nouvel An, les autorités chinoises lançaient un coup de filet sur une douzaine d’avocats et militants ayant participé à une réunion débattant de la transition démocratique à Xiamen. Le régime annonçait également deux condamnations. La première était celle de Wang Yi, pasteur de l’Église de l’alliance de la pluie d’automne, qui fut condamné par un tribunal de Chengdu, à neuf ans de prison pour « incitation à la subversion ». Arrêté en 2018, le religieux s’insurgeait du contrôle politique grandissant sur les affaires religieuses. Cette lourde peine vise à convaincre les fidèles de rejoindre l’église officielle et s’inscrit dans une large campagne de répression des églises de l’ombre. Wang Yang, n°4 du Parti, annonçait fin novembre un nouveau tour de vis sur la traduction des textes religieux, Bible, Coran et Sutras bouddhistes, afin de les « mettre en conformité » avec les valeurs du Parti. Le verdict était toutefois beaucoup plus clément pour He Jiankui, le scientifique ayant donné naissance à deux bébés à l’ADN génétiquement modifié (les jumelles Lulu et Nana), qui écopait de trois ans de prison. Alors qu’une punition exemplaire était annoncée lors de son arrestation fin 2018, le commentaire de la cour de Shenzhen semblait plus sévère que la sentence elle-même : « He et ses collaborateurs recherchaient la fortune et la gloire, et ont délibérément enfreint les lois du pays concernant la recherche scientifique, allant à l’encontre de l’éthique ».

Avant les douze coups de minuit, le Président Xi présentait ses traditionnels vœux pour la nouvelle année depuis son bureau. Le ton était plus détendu qu’il y a douze mois, alors que la signature d’un accord « phase 1 » avec les Etats-Unis était fixée au 15 janvier. Xi annonçait que 2020 serait une année charnière, celle de l’éradication de l’extrême pauvreté et de l’accession à une société de « petite prospérité » (小康). Le 1er Secrétaire en profitait également pour « souhaiter le meilleur à Hong Kong » et défendre « un pays, deux systèmes » en prenant pour exemple le succès de Macao, qu’il venait de récompenser en lui accordant une bourse de valeurs en yuans à l’occasion du 20ème anniversaire de la rétrocession de l’ex-colonie portugaise. Le lendemain, de l’autre côté du détroit de Taiwan, la Présidente Tsai Ing-wen, rejetait l’appel de Xi à se réunir avec le continent sous ce même système. Tsai, en tête des sondages pour les élections présidentielles du 11 janvier, affirmait que la situation à Hong Kong est la preuve même que démocratie et autoritarisme ne peuvent cohabiter dans un seul pays. En effet, le 1er janvier dans l’ex-colonie britannique, ils étaient au moins aussi nombreux à défiler dans les rues que lors du 9 juin (1,03 million). C’est cette incapacité à mettre un terme aux manifestations (et de ne pas les avoir pressenties) qui a coûté sa place à Wang Zhimin, patron du Bureau de liaison à Hong Kong. La rumeur de son limogeage courait déjà depuis deux mois. Wang était remplacé le 4 janvier par Luo Huining, 65 ans, en semi-retraite depuis le 28 décembre. Sa loyauté politique, ses 13 ans passés au Qinghai, province où Pékin a adopté des mesures strictes à l’encontre de la minorité tibétaine, et ses 3 ans de lutte sans relâche contre la corruption dans le Shanxi, en font probablement un bon candidat aux yeux de Pékin, même s’il n’a aucune expérience des affaires hongkongaises. Reste à voir s’il fera mieux que son prédécesseur… 

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