Editorial : Xi Jinping, en quête de soutien

Depuis janvier, l’agence Reuters rapporte quatre participations (directes, ou par envoi de couronnes de fleurs) du Président Xi Jinping, aux funérailles de grands disparus du régime.

Xi s’est rendu aux obsèques de Deng Liqun, décédé le 10 février à 99 ans. Deng (sans lien de parenté avec Deng Xiaoping) était un marxiste dur, opposé dans les années ‘50 à Xi Zhongxun, le père du Président. Ce qui n’empêcha pas Xi Jinping de venir s’incliner devant sa dépouille. Xi se rendit aussi aux funérailles de Zeng Yanxiu, décédé en mars, à 96 ans, qui était politiquement à droite du Parti et n’avait été proche ni de Xi, ni de son père.
Il honora aussi celles de Qiao Shi, légaliste en faveur de la réforme politique, décédé le 14 juin, à 91 ans, et du Général Zhang Zhen, ex–n°2 à la Commission Militaire Centrale (3 septembre, à cent ans).

Que faut-il en penser ? Xi s’efforce d’honorer ces vétérans de tous bords, afin de convaincre chaque faction de le soutenir, et ainsi de ressouder le PCC.
C’est pour lancer dès octobre ses réformes au Plenum du Comité Central, et d’ici 2017, faire accepter ses « poulains » au prochain Comité Permanent (l’organe suprême, 7 membres) et Bureau Politique (25 membres). Enfin, de 2017 à 2023, c’est pour pouvoir diriger le pays avec plus de marge politique : faire repartir l’économie, la diplomatie sur des bases plus soutenables. À bien y regarder, cette stratégie reste celle du Rêve de Chine (中国梦, zhongguo meng), qu’il défendait à son arrivée aux affaires fin 2012.
C’est cette même stratégie qui a inspiré la parade militaire du 3 septembre, voire dans une large mesure, le déploiement militaire en mer de Chine du Sud (la création d’îles artificielles dans des eaux plus proches des côtes de pays riverains).
Et pourtant pour la nation et son image « soft power », la démarche a été contre productive : la confiance des voisins et des puissances mondiales, n’en est pas ressortie renforcée. Mais l’important était ailleurs : ces opérations ont rassuré l’armée sur le soutien fort du chef de l’Etat et sur son propre rôle central dans la vie du pays. Elles ont fait oublier les arrestations et condamnations de plusieurs de ses patrons, tel le général Xu Caihou, corrompu, et trop proches des rivaux de Xi Jinping, Bo Xilai et Zhou Yongkang.
Au fond, selon cet expert, « Xi est un pragmatique, ni conservateur dur, ni libéral excessif ». Il croit en ce qui fonctionne, et fait en tout temps ce qu’il faut pour conserver la majorité.

La base, pour autant, n’est pas forcément convaincue. Il suffit de voir le sort du plan pour bannir la tabagie de la capitale : après quelques semaines d’obéissance aux consignes, les fumeurs reprennent rapidement la cigarette dans les restaurants. Faute de moyens, la mairie dépassée laisse faire. Un patron de bar explique : « Fatigués, les gens ne se dénoncent plus ». 
Ceci n’est qu’une illustration du chaînon manquant à la réforme : l’absence d’esprit citoyen et de foi dans la réalité du changement. 

Qu’elles frappent la tabagie, les abus administratifs, les privilèges des conglomérats ou bien défendent l’Etat de droit ou la santé publique, ces mesures de bon sens ne peuvent pas fonctionner sans l’adhésion de l’opinion. Laquelle n’est pas sollicitée, ni ne se voit confier la moindre délégation de responsabilité. Or, il faut bien l’admettre, à ce jour, on ne voit pas le moindre geste dans la classe dirigeante, vers un tel renouveau de gouvernance.

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