Depuis 1997, Hong Kong vit un système politique hybride, démocratie panachée d’interventionnisme. Aussi chaque scrutin (au suffrage indirect) est l’occasion d’un débat passionné. Celui du 25 mars, pour le renouvellement du Chef de l’Exécutif, ne fait pas exception à la règle.
Adoubé par Pékin, Henry Tang, 59 ans, 40ème fortune de l’île, ex-n°2 de l’Exécutif, doit sortir vainqueur des urnes. Mais un scandale remet tout en cause. Il s’est fait prendre par la presse main dans le sac, ayant fait creuser chez son épouse un sous-sol de plaisirs variés : bains japonais, salles de musculation et salon-cave de dégustation de vin – plus de 200 m², sans permis…
Sur cette île où le foncier vaut de l’or, ce délit vaut 2 ans de prison. Tang a cru se sauver en disant que c’était l’idée de sa femme, puis qu’il avait voulu se faire pardonner une infidélité : autant d’indélicatesses qui lui valent un « zéro pointé » de deux-tiers des citoyens (au 23/02)… En réalité, la méfiance de la rue vient de plus loin. On n’oublie pas l’homme sous qui, en trois ans, les loyers (que tout le monde paie, le foncier étant propriété d’une centaine de familles) ont augmenté de 60%. Ou encore, d’avoir réprimé des manifestations pacifistes, lors de la visite de Li Keqiang, l’été dernier.
Aussi, par la voix de J. Tien son Président d’honneur, le 20/02, le petit Parti Libéral (5% des voix) lui ôte son soutien. Ce qui ne l’empêche d’enregistrer le jour-même sa candidature. Il reste pour l’instant en tête, fort du parrainage d’1/3 du collège électoral, dont des magnats, tels David Li Prsdt de la BEA, Lee Shau-kee Président d’Henderson, Th. Kwok Co Président de Sun Hung Kai (une des « locomotives immobilières de la Région Administrative Spéciale) et surtout Li Ka-shing, plus grosse fortune de l’île.
Qu’en pense Pékin ?
Il garde le silence. Ses problèmes, sur Hong Kong, sont ailleurs, dans son image en perte de vitesse (cf VdlC n°6), dans le type de suffrage universel qu’il devra octroyer à Hong Kong en 2017, ou dans la croissance inégale de l’île qui a vu de 2000 à 2010 augmenter son PIB de 25% tandis que celui par habitant reculait. Ceci signifiant que toute la plus-value est siphonnée par le cartel des 100 familles qui tiennent le foncier, la politique et le commerce (Carrefour en sait quelque chose, qui voulait venir concurrencer son binôme Wellcome – Park’n Shop, mais a dû se retirer, faute de trouver espaces disponibles et fournisseurs).
Autre problème, la passivité du leadership. Ces patrons propulsés chefs de l’administration s’avèrent d’assez médiocres politiciens, toujours en attente des consignes de Pékin, qui tardent souvent à venir… Tout ceci contribue à tirer l’opinion vers la démocratie. Non par idéal, mais par élimination : réalisant que seul ce système électoral importé est capable de défendre la majorité, et notamment lui assurer un partage équitable des richesses du Rocher.
A un mois des urnes, cette anarchie réveille des vocations. Celle de Leung Chun-ying, universitaire proche de Pékin (64% de voix favorables), celle de Régina Ip, très impopulaire mais qui veut retenter sa chance… Mais qu’on ne s’y méprenne : ce n’est pas la rue, mais le collège électoral qui vote, sous contrôle du cartel et de Pékin : aucune surprise à attendre…
Sommaire N° 7