Temps fort : Inde et Chine—tentations contradictoires

Ils finissent par frapper, les travaux à Hambantota sur la côte sud du Sri Lanka, avec ces 1MM$ du budget financé à 85% par l’Eximbank chinoise et les armées d’hommes de la China Harbour Engineering. Fin 2010, ce village aux 21.000 pêcheurs, natal du Président M. Rajapaksa pourra traiter 3 grands cargos, et 33 en 2020. Pékin affirme que l’investissement est purement commercial.

L’Inde voit les choses différemment. Pour elle, avec ses fournitures massives d’armements et de bombardiers entre 2007 et 2009, Pékin a aidé Colombo à gagner après 30 ans la guerre civile contre les Tigres Tamouls. Elle lui a ensuite offert d’ambitieux projets de reconstruction pour 6MM$: s’imposant ainsi, de loin, en 1ère source d’assistance étrangère du petit pays insulaire. Aussi, «rien sans rien», croit Delhi. Hambantota devrait pouvoir aussi ravitailler les bâtiments de l’Armée populaire de libération et devenir une des perles du collier que la Chine tendrait au cou de l’Inde sur l’Océan Indien, après Gwadar au Pakistan, Chittagong au Bengladesh, Sittwe en Birmanie.

Quoique «anachronique» aux yeux de MK Rasgotra, ex-vice ministre des affaires étrangères, ce projet de «contenir l’ Inde» fait froncer les sourcils à New Delhi, car l’effort de la Chine de modernisation de sa flotte est plus intense que le sien, lui faisant déjà disposer de 3 fois plus de navires, 5 fois plus de marins. Si l’on ajoute au déploiement civil accéléré autour de l’Inde, un réarmement de la frontière népalo-chinoise au nord, aidé par la Chine (qui offre des fonds, équipements et formations), on aurait pu s’attendre une réaction nerveuse du géant indien…

Excellente par sa positivité, la réponse de Delhi a surpris son monde. P. Raju, ministre de la défense, dit que Delhi «comprend le souci» de la Chine de réduire la vulnérabilité de son trafic maritime aux attaques de pirates, et elle se dit prête à contribuer à sa protection.

En prétendant faire sa part de travail de veille maritime pour la Chine, l’idée de l’Inde est de lui ôter une raison à sa pénétration dans « son » océan. Un peu comme les Etats-Unis offrent à la Chine d’augmenter sa part de pétrole d’Arabie Saoudite, afin d’alléger sa dépendance envers l’Iran et sa tentation de protéger Téhéran contre des sanctions « anti-nucléaires » de l’ONU…

Les 1ères réactions de Pékin saluent le geste, mais attendent qu’il soit suivi d’actes. Cela dit, on peut douter que l’ offre de l’Inde enraie le déploiement de la Chine sur les eaux bleues indiennes, ou toutes eaux mondiales. Il est la fin en soi d’un demi-siècle d’efforts pour s’imposer en puissance maritime. L’Inde n’enrayera pas plus son propre redéploiement (en cours) de 30.000 soldats à ses frontières nord autour de l’Arunachal Pradesh, revendiqué par la Chine sous le nom de «Sud-Tibet».

Dans ce contexte, les diplomates ont fort à faire pour désamorcer par de bonnes paroles les actions de leurs militaires. Zhang Yan, ambassadeur à Delhi, promet que 2010 « sera capital à (leurs) relations » et s’annonce déjà beau, suite aux 44,4MM$ de commerce bilatéral de 2009, et à l’accord quinquennal climatique, juste signé.

NB : Ces géants ont toutes les raisons d’associer leurs efforts, par ex. pour créer de nouveaux pôles techno-commerciaux, et supplanter l’influence de l’Ouest dans leur région ou en Afrique. Toutes les raisons, sauf une: leur rivalité sur tous les fronts, militaire, industriel, commercial, et des décennies d’ignorance mutuelle !

 

 

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