Le Vent de la Chine Numéro 8

du 1 au 7 mars 2010

Editorial : Assemblée Nationale Populaire : une session tendue et sereine à la fois

Avec ses 3000 édiles, le Plenum du Parlement (ANP) qui ouvre au Grand Palais du Peuple ce 5/03, démarre plus qu’en d’autres années sous le signe d’un resserrement de discipline : effet Google sans doute (cf article de fond p.3), mais aussi rapprochement de la fin de la législature en 2012—le remplacement de l’équipe politique du Président Hu Jintao.

La guerre de succession est engagée. Hu veut imposer son héritage sans heurts. Fidèle à ses slogans de «petite santé» (小康 xiaokang), de «société harmonieuse» (和 谐 hexie), le tandem Hu-Wen lance policiers et médiateurs à travers le pays pour régler les disputes, épingler les délits, maintenir dormant toute velléité de réforme de fond.

A l’Assemblée nationale populaire, les lois de sécurité seront amendées pour imposer la sécurisation des locaux de firmes ou ministères où passent des données confidentielles. La loi du secret d’Etat définira ce dernier comme «tout sujet concernant la sécurité ou les intérêts de la nation, dont la révélation lui porterait atteinte en matière politique, économique ou de défense». Le secret d’Etat ne pourra être estampillé comme tel que par les niveaux central et provincial, et pour une seule durée de 30 ans.

Quoique d’essence civile, le Plenum reflète forcément les affaires du Parti et son visage présent. On y verra le tandem pour l’instant encore paisible des futurs leaders Xi Jinping (l’homme du Bureau Politique) et Li Keqiang (celui de Hu); l’autre couple rival de Bo Xilai, patron de Chongqing et chef du groupe des «petits princes» (enfants des leaders histori-ques), face à Wang Yang, patron de Canton et chef de la Ligue de la Jeunesse, fief de Hu Jintao.

On voit aussi la cohorte des cadres limogés pour incompétence puis repêchés, tels Meng Xuenong, ex-maire de Pékin (tombé en 2003 lors de l’épidémie de SRAS, nommé en janvier au Secrétariat du PCC) ou Li Changjiang, ex-patron de l’AQSIQ (l’administration pour le contrôle de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine), chuté en 2008 suite au scandale du lait mélaminé, recasé dans la lutte anti-porno sur internet… A leur intention, l’ANP prépare une « loi de 2de chance », qui fait des remous.

En filigrane du Plenum se profile la 6ième génération de leaders, de noms comme Hu Chunhua, 46 ans, secrétaire de Mongolie depuis décembre. Sous réserve d’inventaire, ils sont placés par Hu pour prendre le pouvoir en 2022… et contrebalancer l’équipe autour de Xi Jinping.

Les grands débats à attendre à l’assemblée pourraient faire l’impasse sur le changement climatique, et le deal offert par la Chine au Sommet de Copenhague : Hu Jintao vient de mettre un frein à la polémique intérieure, en déclarant au Bureau Politique que la Chine s’en tiendra à ses engagements (45% de baisse d’intensité carbonique d’ici 2020), ni plus (comme espéraient libéraux et écologistes), ni moins (espoir des conservateurs).

Révolution de palais: l’ANP va réserver le même nombre de sièges aux campagnes qu’aux villes, rompant l’actuel taux de 1:4. Enjeu: permettre aux fermiers d’exprimer leurs besoins, pour rattraper les villes dans la course à la richesse. En 2003, les 51% d’actifs ruraux généraient 16% du PIB…

Dans sa lutte anti-corruption, 1er sujet de colère populaire, l’ANP va adopter un code de conduite aux cadres du Parti communiste chinois (PCC), assorti de 52 comportements bannis. Mais on voit peu de chance pour que ce système, déjà « testé » depuis 1997, conjure le chancre de la corruption dans l’appareil…

Pour conclure, repenchons nous sur le plenum, et son obsession de contrôle social. Quand on parle en privé au politicien pourtant, l’impression est toute autre: celle de confiance débonnaire, d’un terrain social en pleine détente, où gagnent sans cesse liberté et tolérance, ainsi que les expériences audacieuses —à condition de ne pas les vanter.

 

 


A la loupe : Trois dossiers ‘chauds’ d’avant Plenum

[1] Action insolite des autorités monétaires chinoises : tout en liquidant, en décembre 2009, 34MM$ de bons du trésor américains, elles rachètent du billet vert sur des places anonymes. Action au double objectif de diversifier la dette, tout en rendant ses mouvements indétectables, pour éviter la spéculation, pratique invétérée en ce pays.

Sur le marché du Yuan, excédée de voir ignorés ses ordres de frein au crédit, la tutelle CBRC (China Banking Regulatory Commission) ordonne aux banques de dénier tout prêt aux pouvoirs locaux, remboursable sur l’impôt futur.

Pékin veut interdire aux mairies de s’endetter plus—au contraire, il voudrait les voir rembourser pour 100MM¥ de salaires en souffrance, et ainsi relancer la consommation rurale. Mais son feu rouge coûtera cher. Il cassera des milliers de chantiers et des centaines de milliers d’emplois de maçon. Les banques perdront 1000MM¥ de prêts (un tiers de leurs prévisions pour 2010) et auront un problème de trésorerie: comment compenser les mauvaises dettes accumulées depuis 18 mois, jusqu’à 40% des prêts récents?

L’Etat voudrait qu’elles prêtent plus aux PME, mais les banques fuient ce genre de prêts à risque. La solution qu’elles favorisent, est de multiplier émissions d’actions et d’obligations (pour 150MM¥)… D’où la promesse de l’Etat, réitérée le 22/02, de maintenir le stimulus de crédits publics

[2] La réforme de la santé par le ministre Chen Zhu va de l’avant.

Déjà 900 des 2000 nouveaux hôpitaux annoncés (un par canton), sont en voie d’achèvement. Parmi ceux-ci, l’«Hôpital n°1 affilié de la faculté de médecine», à Wenzhou (Zhejiang), promet d’être d’ici 2011 le plus grand de Chine, 333.000m², pour 230M², suivant le design d’un cabinet d’architectes allemand. Le problème de ces nouveaux centres de soin, surtout en zone rurale, est dans le personnel : où trouver assez de médecins, surtout en médecine générale, discipline encore embryonnaire en ce pays? Autre progrès: 16 villes dont Shanghai, Shenzhen, Anshan (Liaoning) et Wuhu (Anhui) testent le nouveau circuit financier légal: renonçant à tirer leur revenu de la vente de médicaments (chers), les hôpitaux doivent se financer aujourd’hui sur les chèques du gouvernement, demain sur ceux de l’assurance médicale.

 

[3] Dernière nouvelle hautement symbolique, juste avant le Plenum où l’Etat présente ses comptes à la population : plus d’un an après les faits, les procès de l’incendie de la tour CCTV sont engagés (22/02) à Pékin.

Enfreignant l’interdiction des pompiers, la CCTV avait fait tirer un feu d’artifice depuis le toit d’une tour neuve, non raccordée à l’eau courante. Maintenue partiellement secrète, l’enquête publique a aussi révélé des malfaçons inattendues pour une construction d’un tel prix (plus de 100M$).

Ce procès met en lumière l’arrogance d’un organe public très protégé, en panne d’image auprès de l’opinion. 71 personnes sont inculpées: cadres de la CCTV, de groupes constructeurs, et du groupe pyrotechnique, dont l’ex-directeur Xu Wei, pour qui « cela chauffe » encore plus !

 

 

 


A la loupe : Google, Internet— l’impossible grand nettoyage

50 jours après la menace par Google de quitter la Chine, la tension monte, avec surenchères de part et d’autre, tandis qu’ont repris les palabres entre le groupe et le pouvoir, sur son exigence de travailler hors censure. Multipliant les scoops, la presse anglo-saxonne prétend avoir retrouvé la source des «hackers» de Google (deux universités dont Jiaotong de Shanghai), et l’auteur du logiciel d’infiltration (un informaticien privé, occasionnellement employé par l’armée)… Pékin nie en bloc, dénonçant des accusations «inventées, avec motifs ultérieurs».

Google laisse dire qu’il renonce «pour l’instant» à présenter en Chine Nexus, son portable «androïde». Il laisse la revue Nature publier un sondage parmi 700 savants chinois, dont 84% estiment que leurs recherches pâtiraient de son départ, et 78% pour leur coopération internationale. En même temps, le groupe prend soin de recruter 40 nouveaux agents—manière de suggérer que tout départ de Chine, de sa part, serait à corps défendant…

En même temps se redéploie une campagne tous azimuts de renforcement de la censure de l’internet. L’affaire Google a choqué les dirigeants, en révélant une solidarité inattendue entre l’étranger et les masses internautes, pour une liberté de l’internet qui lui est encore inacceptable (dans les échanges de données militaires, scientifiques ou commerciales). Li Yizhong, ministre du MIIT (Ministère des Industries et des technologies de l’Information), évoque un «défi sévère» à la sécurité et prédit l’enregistrement obligatoire inéluctable des usagers de l’internet, ainsi que du téléphone GSM. Au nom de l’Armée, le général Huang Yongyin va plus loin, dénonçant les efforts étrangers d’infiltration cybernétique « qui font de la Chine un champ de bataille sans poudre»: il réclame la refonte de la cuirasse sécuritaire dans l’internet, en une agence unique, au lieu des 12 ministères actuellement compétents.

Le vrai souci est clair: moins envers l’étranger qu’envers l’imminent succès massif de la norme 3G et l’intégration de la télévision de l’Internet et du téléphone sous une seule machine. Sous cinq ans, 551M de locaux seront connectés en large bande, dont 70% par téléphone (3G), dit Ovum l’analyste pékinois. L’intégration des télécoms est pour 2013, offrant au public une plage infinie de libertés et de services nouveaux, et sans frontières.

Or les 45000 sites de l’Etat sont mal préparés à ce défi. A travers 43 villes la dernière enquête de l’Académie chinoise des Sciences Sociales, CASS, (novembre-déc embre 2009), révèle que plus de la moitié sont mal dessinés et d’accès rébarbatif. D’où la crainte d’une concurrence imbattable du secteur privé, et l’urgence pour le régime de faire le ménage. Il veut forcer ses opérateurs à s’enregistrer nominativement par fiche anthropométrique (notre photo), et à prendre peur, mère de l’auto-censure.

Au risque, disent les nombreux détracteurs, de provoquer une émigration massive des sites chinois – lesquels auront gagné en anonymat et en audace, résultat inverse de celui recherché par cette campagne…

 

 


Argent : Immobilier—retour d’hélice

La spoliation immobilière est un problème structurel en Chine, conditionné par son système juridique et administratif: 30% du budget de la capitale (comme des autres métropoles) dépend des ventes foncières. Pour l’opinion, aucun doute, Etat et promoteurs agissent en solidarité dans cette prédation nécessaire à leur survie.

Or, l’incident des artistes du village de Zhenyang (banlieue pékinoise) vient ébranler cette certitude. Le 22/02, 100 malandrins payés par deux promoteurs attaquaient les artistes à la barre de fer pour les expulser -six finissaient à l’hôpital.

1ère surprise: 6h plus tard, 20 de ces créateurs marchaient à travers Chang’An, la plus grande artère de la capitale avec bannières et criant des slogans, empêchés par la police d’atteindre la place Tian an men.

2de surprise: le 25/02, 16 des bandits dont leurs chefs de bande, et leurs employeurs étaient arrêtés pour viol de propriété privée et déprédations dans trois ateliers. Très surpris, les milieux artistiques saluent l’action du gouvernement.

Pour autant, il est douteux que le cas se reproduise. Rien qu’autour de Pékin, 10 villages de studios et 1000 créateurs sont frappés de la même menace d’expropriation, et Pékin ne peut vivre de l’air du temps. L’imminence de la session du Parlement, et la détermination rare des artistes dont un étranger (nippon), ont fort compté dans la réaction publique !

 

 


Pol : FMI : Zhu Min ‘conseiller’, plutôt que ‘Directeur général’

C’est une petite tempête au landernau financier global : Zhu Min, vice gouverneur de la Banque populaire de Chine, passera en mai, « conseiller spécial » de D. Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI). C’est moins que le poste de vice DG, que Pékin réclame depuis des ans, mais c’est sans précédent.

Le FMI a un problème de représentativité : club de l’Occident, il a toujours été dirigé par un Européen (et la Banque Mondiale, par un Américain). Face à l’état présent de la finance du monde, cette situation devient anachronique.

Le changement serait plus facile, si la Chine acceptait de réévaluer son RMB trop bas, une des sources de son succès à l’export dont le monde, FMI en tête, souhaite la baisse. Ce qu’elle refuse opiniâtrement au nom de la «stabilité». Or Zhu Min milite contre la réévaluation, objection majeure à sa nomination comme n°2 à l’instance financière…

Dans ces conditions, sa nomination comme «conseiller» apparaît un compromis, qui peut être interprété en deux sens : la Chine aurait discrètement convenu de réévaluer à moyen terme, ou bien DSK, à qui l’on prête le projet de démissionner précocement en 2011 pour faire campagne aux élections présidentielles françaises, prête moins attention à ces choses. Il voudrait laisser sa chance à un homme jeune (57 ans) aux excellents antécédents, ex-n°2 de la BPdC, ex-élève de trois des meilleurs universités américaines !

 

 


Temps fort : Inde et Chine—tentations contradictoires

Ils finissent par frapper, les travaux à Hambantota sur la côte sud du Sri Lanka, avec ces 1MM$ du budget financé à 85% par l’Eximbank chinoise et les armées d’hommes de la China Harbour Engineering. Fin 2010, ce village aux 21.000 pêcheurs, natal du Président M. Rajapaksa pourra traiter 3 grands cargos, et 33 en 2020. Pékin affirme que l’investissement est purement commercial.

L’Inde voit les choses différemment. Pour elle, avec ses fournitures massives d’armements et de bombardiers entre 2007 et 2009, Pékin a aidé Colombo à gagner après 30 ans la guerre civile contre les Tigres Tamouls. Elle lui a ensuite offert d’ambitieux projets de reconstruction pour 6MM$: s’imposant ainsi, de loin, en 1ère source d’assistance étrangère du petit pays insulaire. Aussi, «rien sans rien», croit Delhi. Hambantota devrait pouvoir aussi ravitailler les bâtiments de l’Armée populaire de libération et devenir une des perles du collier que la Chine tendrait au cou de l’Inde sur l’Océan Indien, après Gwadar au Pakistan, Chittagong au Bengladesh, Sittwe en Birmanie.

Quoique «anachronique» aux yeux de MK Rasgotra, ex-vice ministre des affaires étrangères, ce projet de «contenir l’ Inde» fait froncer les sourcils à New Delhi, car l’effort de la Chine de modernisation de sa flotte est plus intense que le sien, lui faisant déjà disposer de 3 fois plus de navires, 5 fois plus de marins. Si l’on ajoute au déploiement civil accéléré autour de l’Inde, un réarmement de la frontière népalo-chinoise au nord, aidé par la Chine (qui offre des fonds, équipements et formations), on aurait pu s’attendre une réaction nerveuse du géant indien…

Excellente par sa positivité, la réponse de Delhi a surpris son monde. P. Raju, ministre de la défense, dit que Delhi «comprend le souci» de la Chine de réduire la vulnérabilité de son trafic maritime aux attaques de pirates, et elle se dit prête à contribuer à sa protection.

En prétendant faire sa part de travail de veille maritime pour la Chine, l’idée de l’Inde est de lui ôter une raison à sa pénétration dans « son » océan. Un peu comme les Etats-Unis offrent à la Chine d’augmenter sa part de pétrole d’Arabie Saoudite, afin d’alléger sa dépendance envers l’Iran et sa tentation de protéger Téhéran contre des sanctions « anti-nucléaires » de l’ONU…

Les 1ères réactions de Pékin saluent le geste, mais attendent qu’il soit suivi d’actes. Cela dit, on peut douter que l’ offre de l’Inde enraie le déploiement de la Chine sur les eaux bleues indiennes, ou toutes eaux mondiales. Il est la fin en soi d’un demi-siècle d’efforts pour s’imposer en puissance maritime. L’Inde n’enrayera pas plus son propre redéploiement (en cours) de 30.000 soldats à ses frontières nord autour de l’Arunachal Pradesh, revendiqué par la Chine sous le nom de «Sud-Tibet».

Dans ce contexte, les diplomates ont fort à faire pour désamorcer par de bonnes paroles les actions de leurs militaires. Zhang Yan, ambassadeur à Delhi, promet que 2010 « sera capital à (leurs) relations » et s’annonce déjà beau, suite aux 44,4MM$ de commerce bilatéral de 2009, et à l’accord quinquennal climatique, juste signé.

NB : Ces géants ont toutes les raisons d’associer leurs efforts, par ex. pour créer de nouveaux pôles techno-commerciaux, et supplanter l’influence de l’Ouest dans leur région ou en Afrique. Toutes les raisons, sauf une: leur rivalité sur tous les fronts, militaire, industriel, commercial, et des décennies d’ignorance mutuelle !

 

 


Petit Peuple : Au Qinghai : Encercler Wei pour secourir Zhao

Sur le plateau tibétain au sud du Qinghai, par 3000m d’altitude, des nomades vivent au froid, de leurs chèvres et yaks et de leurs lopins d’orge. Là-haut, point de soins de santé. Sous-alimentés, jamais lavés, les enfants sont des proies désignées de la poliomyélite: situation lamentable, dont surgit au tournant du siècle, une tragi-comédie en 4 actes.

1eracte: Dzochen Rimpoche, lama d’un monastère, chargea son assistant Jianzi de restaurer une ruine pour y loger un dispensaire. Aidés de riverains enthousiastes, les novices ne mirent qu’un an à remonter pierres et tuiles, chauler les salles. Au printemps l’infirmerie ouvrait, offrant enfin aux bergers et à leurs familles les consultations et vaccins qui faisaient tant défaut.

2d acte : un bel après-midi d’ été, une berline 4×4 japonaise flambant neuve s’arrêta d’un crissement de pneus devant le dispensaire. Insensible aux formules de bienvenue bégayées par les lamas infirmiers, Zhang Bing (nom d’emprunt), le petit chef de canton, fondit sur les responsables et exigea le permis de construire, la licence du centre. Tétanisé, Jianzi était bien en mal de produire quoique ce soit: dans son angélique simplicité, il n’avait jamais pensé à ces formalités.

Au mépris souverain et sourire pincé, Zhang Bing lui notifia qu’ils avaient violé les lois de la République. Contravention fut dressée. La pharmacie fut vidée dans de grands sacs et embarquée, les frères soignants arrêtés pour «exercice illégal de la médecine». A son tour convoqué, sermonné dur, Dzochen le lama ne put que garder profil bas, navré de ne protéger ses brebis maltraitées. Puis il s’imposa quelques jours de jeune, histoire de méditer avant de repasser une bonne fois à l’action.

3ème acte: 80 jours après, à sa sous-préfecture, Zhang re-çut un appel d’un genre comminatoire. De Pékin, une huile prenait l’avion pour venir le voir à Xining, capitale du Qinghai, dans 3 jours, le temps pour lui de s’y rendre par la piste.

Flatté que se trouve au sommet quelqu’un pour suivre ses provinciaux mérites, le jeune cadre plein d’avenir passa les 3 jours de «tape-cul» à moto, à rêver à la prochaine promotion.

La douche froide qui l’attendait dans un salon de l’aéroport n’en fut que plus mortifiante : un Zhang durement ramené aux réalités terrestres, s’entendit taxer par le fonctionnaire d’incompétence et d’imbécillité. Par sa tyrannie tatillonne, il avait piétiné l’espoir collectif qu’il avait pour devoir de protéger, et fait replonger des pauvres dans une misère dont ils commençaient juste à s’arracher. A cause de ce crétin, depuis des semaines à travers l’Europe, des articles accumulaient les critiques à la Chine, au canton et à lui-même, illustrés d’enfants handicapés par la polio, et des bonzes qu’il avait fait embastiller. Ceci, au moment, où Pékin cherchait à apaiser la question tibétaine…

Ne sachant plus où se mettre, aussi obséquieux à présent, qu’il avait été impitoyable un an plus tôt, Zhang Bing ne put que s’autocritiquer platement, trop heureux de la dernière chance qu’on lui laissait de réparer ses erreurs. A peine retourné au canton, il s’empressa de libérer les frères soignants qui s’en retournèrent triomphalement au monastère, nantis de tous les permis signés au top niveau.

  4ème acte: à l’été, un Zhang Bing transfiguré, métamorphosé en groupie de Dzochen et de son dispensaire, accueillait une imposante délégation. En tête se trouvait l’amie occidentale à qui avait écrit le Rimpoche, et qui avait relayé son message auprès de ses contacts dans la presse européenne. Quelques journalistes étaient aussi du voyage, ainsi que des cadres pékinois du Parti. Lequel venait de confirmer sa notoire capacité à réagir vite pour se tirer de situations difficiles. Depuis l’hiver, l’infatigable Zhang Bing était parvenu à tripler le personnel du dispensaire, son volume d’action et son savoir-faire, tout en lui of-frant une route toute neuve, fraîchement tracée au bulldozer. Depuis lors, les fonds d’Europe et d’Amérique affluent dans la caisse de l’association en JV qui vient d’être créée, vice-présidée par Zhang Bing, tandis que pour son bon travail, Dzochen Rimpoche siège à l’Assemblée consultative nationale. Faut-il le dire? Plus un cas de poliomyélite infantile n’est à signaler dans le canton.

Pour atteindre ces résultats, Dzochen avait recouru au n°2 des 36 Stratagèmes, «Encercler Wei pour secourir Zhao»  (围魏救赵 wéi Wēi jiù Zhào). Le commentaire des traducteurs jésuites est explicite : «Réduire les forces de l’adversaire alors qu’il attaque un allié, puis le battre sur un terrain où il est affaibli ». C’est exactement ce qu’avait fait le bon père abbé ! 

 

 


Rendez-vous : Suzhou : Salon des nouvelles sources d’énergies

2-5 mars, Canton : Sign China, Salon des enseignes et pub

3-6 mars, Ningbo : Salon du sourcing

4-6mars, Pékin : Alpitech, Salon des sports d’hiver

4-6 mars, Pékin : ISPO, Salon des sports et de la mode

5-7 mars, Suzhou : NESTE, Salon des nouvelles sources d’énergies