50 jours après la menace par Google de quitter la Chine, la tension monte, avec surenchères de part et d’autre, tandis qu’ont repris les palabres entre le groupe et le pouvoir, sur son exigence de travailler hors censure. Multipliant les scoops, la presse anglo-saxonne prétend avoir retrouvé la source des «hackers» de Google (deux universités dont Jiaotong de Shanghai), et l’auteur du logiciel d’infiltration (un informaticien privé, occasionnellement employé par l’armée)… Pékin nie en bloc, dénonçant des accusations «inventées, avec motifs ultérieurs».
Google laisse dire qu’il renonce «pour l’instant» à présenter en Chine Nexus, son portable «androïde». Il laisse la revue Nature publier un sondage parmi 700 savants chinois, dont 84% estiment que leurs recherches pâtiraient de son départ, et 78% pour leur coopération internationale. En même temps, le groupe prend soin de recruter 40 nouveaux agents—manière de suggérer que tout départ de Chine, de sa part, serait à corps défendant…
En même temps se redéploie une campagne tous azimuts de renforcement de la censure de l’internet. L’affaire Google a choqué les dirigeants, en révélant une solidarité inattendue entre l’étranger et les masses internautes, pour une liberté de l’internet qui lui est encore inacceptable (dans les échanges de données militaires, scientifiques ou commerciales). Li Yizhong, ministre du MIIT (Ministère des Industries et des technologies de l’Information), évoque un «défi sévère» à la sécurité et prédit l’enregistrement obligatoire inéluctable des usagers de l’internet, ainsi que du téléphone GSM. Au nom de l’Armée, le général Huang Yongyin va plus loin, dénonçant les efforts étrangers d’infiltration cybernétique « qui font de la Chine un champ de bataille sans poudre»: il réclame la refonte de la cuirasse sécuritaire dans l’internet, en une agence unique, au lieu des 12 ministères actuellement compétents.
Le vrai souci est clair: moins envers l’étranger qu’envers l’imminent succès massif de la norme 3G et l’intégration de la télévision de l’Internet et du téléphone sous une seule machine. Sous cinq ans, 551M de locaux seront connectés en large bande, dont 70% par téléphone (3G), dit Ovum l’analyste pékinois. L’intégration des télécoms est pour 2013, offrant au public une plage infinie de libertés et de services nouveaux, et sans frontières.
Or les 45000 sites de l’Etat sont mal préparés à ce défi. A travers 43 villes la dernière enquête de l’Académie chinoise des Sciences Sociales, CASS, (novembre-déc embre 2009), révèle que plus de la moitié sont mal dessinés et d’accès rébarbatif. D’où la crainte d’une concurrence imbattable du secteur privé, et l’urgence pour le régime de faire le ménage. Il veut forcer ses opérateurs à s’enregistrer nominativement par fiche anthropométrique (notre photo), et à prendre peur, mère de l’auto-censure.
Au risque, disent les nombreux détracteurs, de provoquer une émigration massive des sites chinois – lesquels auront gagné en anonymat et en audace, résultat inverse de celui recherché par cette campagne…
Sommaire N° 8