Temps fort : Chine – les OGM fourbissent leurs hélices

Concernant l’introduction des OGM (Organisme Génétiquement Modifié) en Chine, deux décisions politiques pourraient sous 20 ans changer le sort des 300millions de paysans locaux et la carte alimentaire du pays. En novembre 2009, le ministre de l’agriculture certifiait deux espèces de riz transgénique de l’université agricole Huazhong de Wuhan (équipe du prof. Zhang Qifa), et d’une de maïs (société Origin). Fin janvier, le Conseil d’Etat, en son document central n°1 sur l’agriculture, préconisait l’invention de nouvelles espèces transgéniques ou non et des produits en aval. C’est l’«ère nouvel-le des OGM», exulte Deng Xiuxin, Président de Huazhong.

En fait, l’«ère nouvelle» a 20 ans, durant laquelle l’Etat a versé 2MM² à 100 universités et centres de R&D. Dès 1992, il autorisait la culture transgénique du tabac, puis du coton (plantes non alimentaires, à risque limité), puis du poivron, de la toma-te et de la papaye. En 2009, la Chine achevait le décryptage du génome du riz, et étudiait des souches nouvelles dans 130 types de plantes, promettant une meilleure résistance aux insectes et à la sécheresse, une montée en poids, teneur en sels minéraux et éléments nutritifs, et même résistance à la saumure, atout utile en régions côtières frappées de subsidence (pénétration de l’eau de mer), suite à la surexploitation des nappes phréatiques.

Du riz OGM juste certifié, l’Etat attend une réduction de 80% de l’usage des insecticides, d’où une forte économie de frais et de labeur au paysan, et un produit plus sain au consommateur. D’ autre part, en plus des masses épargnées par les insectes, la récolte s’alourdira de 8%, en grains supplémentaires. D’ici 2020, grâce aux OGM, l’Etat attend une hausse de la récolte en riz de 10%, à 550Mt. Grâce aux OGM, à cette échéance, la Chine espère maintenir sa quasi-autosuffisance en riz et blé. Contrairement au maïs où les importations devront s’intensifier, vraisemblablement d’Amérique du Sud. Aussi, vu la pression d’une population estimée à 1,6MM de bouches en 2020, la Chine semble lancée dans une course contre la montre au rendement alimentaire. Face aux aléas du réchauffement global, son seul atout en main, semble les OGM.

Pékin a d’autres raisons de s’engager résolument dans l’agriculture transgénique. En irriguant moins, le nord du pays réduira son gâchis en eau qui lui fait cruellement défaut (50% de sa consommation va à l’irrigation), et ses émissions de méthane des rizières, gaz à effet de serre. Elle s’affranchira de la dépendance aux technologies occidentales, et au contraire pèsera sur l’alimentation en Asie et en Afrique, là où il y a du pétrole et des minerais. Par ce nouveau type de troc opportuniste, pas forcément altruiste, elle veut rien moins que devenir le leader mondial de la filière OGM, stratégique à l’avenir. 

Les objections sont bien sûr importantes. Les scientifiques étudient ces conclusions de trois chercheurs français en 2008, trouvant des anomalies aux foies et reins de rats nourris au maïs transgénique – résultats d’ailleurs contestés par le géant du transgénique Monsanto et par d’autres scientifiques en France-même et dans le monde. Un autre risque tient à ce qu’une part des OGM chinois pourraient avoir été copiés de groupes internationaux, lui faisant risquer des attaques pour copies de brevets biotech. Pour toutes ces raisons, Pékin préfère temporiser, 3 à 5 ans d’études supplémentaires avant d’octroyer le feu vert d’exploitation aux souches juste certifiées.

Un dernier écueil pourrait venir du public. Dans un sondage de 2007 (également douteux voir non représentatif), Greenpeace, de plus en plus présent en Chine, affirme que 65% des Chinois refusent les OGM. La presse relaie, accusant les OGM de défaut d’étiquetage ou (pour le soja OGM importé), d’étrangler la production locale naturelle du Dongbei – ce qui est faux : la Chine ne parvient pas à combler ses besoins, du fait de la nature inappropriée de ses sols.

Quoiqu’il en soit, l’Etat semble avoir pris sa décision, bien dans son style volontariste hérité de Deng Xiaoping. Plutôt que de la remettre en cause « au milieu du gué », elle semble préparer sa riposte aux craintes du public:l’investissement dans des campagnes de vulgarisation, la R&D de nouveaux produits, l’éducation de sa population à une alimentation inédite.

 

 

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