Petit Peuple : Zigong : le petit chaperon rouge

Tingting, à 5 ans,  a eu bien de la chance, ce 26/09 à Chengdu (Sichuan), d’être trouvée par M. Zeng. Rentrant du travail vers 19h, ce vigile de l’usine Jingang vit une tache rouge tranchant sur la pénombre du parvis du temple Chenghuang : un cartable sur une masse de vêtements – une fillette, bras sur les genoux, endormie.

La tirant doucement par le bras, il lui demanda son nom, son adresse. Mais pas un instant, de toute la soirée elle ne se départit d’un mutisme témoignant d’un rare caractère chez cette fillette haute comme 3 pommes. D’une mimique, elle refusa plus net encore de se laisser conduire au Commissariat. Zeng ne pouvait pourtant pas la laisser sur place, sans défense face à n’importe quel mauvais coup : il l’emmena chez lui. Sa femme lui donna la becquée, la déshabilla et lui fit faire un brin de toilette. Puis à peine allongée dans le petit lit qu’il venait de lui bricoler d’une couette et deux fauteuils, le sommeil la terrassa …

Le lendemain, Tingting reposée finit par lâcher le nom de son école : surprise, c’était à Zigong. La petite intrépide ne daignerait jamais avouer par quel train ou bus elle avait franchi les 269km jusqu’à la capitale provinciale. Quelques coups de téléphone plus loin, Zeng parlait à Xiangyan, le père, éperdu de soulagement.

Depuis la veille vers 10h, quand la grand-mère les avait eu sur son portable, lui et sa femme ne dormaient plus. Ils étaient à Lhassa, 1200km plus à l’Ouest où, comme bien d’autres Sichuanais, ils menaient la dure vie de commerçants au Toit du Monde, offrant leur petit business aux Tibétains pour échapper à l’excessive concurrence qui régnait au pays natal. A l’horrible nouvelle, ils avaient instruit la mère-grand d’avertir la police, puis sauté dans le 1er avion – au diable les économies. En vol, ils avaient envisagé fiévreusement toutes les hypothèses, de l’enlèvement à l’amnésie, échafaudant 1000 stratégies pour la retrouver.   

Débarquant vers 15h, tandis qu’il appelait les amis et proches, elle se précipitait chez un imprimeur pour faire tirer à la va-vite, une affichette à 1000 copies avec photo : par équipes jusqu’à tard, les copains sillonnaient Chengdu, d’autres Zigong. Ils distribuaient les pamphlets aux passants, leur demandant s’ils l’avaient vu d’aventure… mais  ils faisaient chou blanc.

Le 26 donc, vers 13h, vibra son portable sur l’appel de M. Zeng. Joie totale, mais éphémère, car dans les minutes suivantes, les parents durent replonger dans l’angoisse: dare-dare, Tingting avait rejoué les filles de l’air, dès qu’elle avait entendu Zeng prononcer le nom du père. A présent, tout doute était dissipé : c’était bien sa famille qu’elle fuyait de façon si véhémente…

Durant 72 heures, les parents battirent le pavé. Pendant ce temps, la fillette prouvant sa rapidité à apprendre, déploya un réel talent à se cacher des passants et garder l’apparence de normalité, tout en se nourrissant discrètement dans les poubelles, aux robinets publics. Il fallut trois jours à un autre vigile, à la gare du Nord, pour la reconnaître aux annonces de la presse et de la télé: profitant de son épuisement, il put la coincer, prévenant le père.

Arrivant ventre à terre, Xiangyan put enfin serrer son enfant dans ses bras : «Mais pourquoi t’es tu sauvée?», osa-t-il demander. « Parce que vous ne m’aimez plus », asséna-t-elle, « vous n’aimez que votre job. Et moi, si j’ai plus de parents, je m’en vais ».

Simples et dévastateurs, ces mots tirèrent au père des larmes de honte. Ce qui au passage, démentit à Tingting son hypothèse. Depuis sa fuite, les parents se répétaient que gagner plus mais perdre Tingting, c’était «gagner la graine de sésame pour perdre la pastèque»   捡了芝麻丢了西瓜 (Jiǎnle zhīma, diūle xīguā)… Ils rentrèrent au foyer enfin à trois. Papa et maman se promettant de lâcher leur affaire tibétaine, de se réorganiser, que Tingting ne doute plus à l’avenir que leur seul trésor, c’était elle.

 

 

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