Editorial : La politique chinoise, statue de sel

Que Donald Tsang, Gouverneur de Hong Kong ait banni (31/05) du parc Victoria la «statue de la démocratie», installée comme chaque année par des étudiants, est un fort symbole de la bataille du souvenir qui se joue en Chine depuis la nuit du 03/06/1989. Tsang agit moins dans l’espoir (vain) de dissuader 50.000 jeunes de commémorer le bain de sang que par souci de «bonne attitude» envers la maison mère.

Il se trouve qu’en même temps à Pékin, Li Changchun, tzar de la propagande, déplore les «lacunes idéologiques» de la jeunesse – comme Jiang Zemin 21 ans plus tôt, au lendemain du drame. Ces réactions témoignent du fait qu’une génération après, la demande en démocratie reste vive, à Hong Kong comme sur le continent.

Si ce souvenir agite, c’est aussi à cause de l’approche du 18 (shibada), 18e Congrès de 2012, d’où sortira l’équipe succédant à celle d’Hu Jintao. Une liste circule sur Twitter, prédisant comme 1er Secrétaire, Xi Jinping, vassal de Jiang Zemin et non de Hu Jintao. Ce dernier garderait toutefois sous sa coupe le Conseil d’Etat (qui irait à Wang Qishan, l’actuel manitou de l’économie) et le Parlement (confié à Li Keqiang son dauphin). Depuis ce poste, Li Keqiang pourrait maintenir le verrou sur toute réforme politique à l’avenir. Par ailleurs émergeraient, au Comité Permanent, des étoiles montantes telles Zhou Qiang, Wang Yang, sans oublier Bo Xilai, le joker de l’avenir.

Autre signe de la guerre de succession : le bal des promotions.

En sus de secrétaires nommés en avril tel Zhou Qiang (au Xinjiang), Hu vient de placer Xu Shousheng au Hunan, Yuan Chunqing au Shanxi, et Zhang Baoshun à l’Anhui. Ces deux derniers sont issus du sérail de Hu : de la tuanpai 团派 ou Ligue de la jeunesse que Zhang Baoshun présida en 1991—et Hu Jintao avant lui.

Auréolé par le nettoyage des triades et la croissance rapide de Chongqing dont il est le Secrétaire du Parti, Bo Xilai fait un «coup» médiatique en invitant 42 pontes de l’internet à une grand’messe destinée à ressusciter la hongyan (红 岩 «falaise rouge»), campagne maoïste surgie à Chongqing aux temps héroïques clandestins, qui militait pour la pureté du Parti et contre la corruption «décadente». Pourquoi ?

Bo Xilai est banni loin de Pékin en raison de son individualisme flamboyant qui inquiète, et au nom d’une tendance du Parti à ne pas favoriser l’aristocratie rouge, le « gang des petits princes »- Bo Xilai est fils de Bo Yibo, ex-compagnon de Deng Xiaoping.

Or, en brandissant ces oripeaux de marxisme dur, Bo semble accuser ses rivaux de bourgeoisie. Quoique lui-même ait envoyé son fils aux meilleures études british (Harrow, Oxford). Son but apparent : forcer son retour aux affaires en 2012, évitant la retraite que lui préparaient ses adversaires. Mais le coup est risqué. Cette tentative de déterrer une idéologie dure ne rassurera personne, et devrait s’aliéner la masse grandissante des intellectuels et bourgeois…

Bo a pour lui la faiblesse de Xi, suite au ratage imprévu de son entrée à la Commission militaire chinoise. Pour reprendre l’initiative, Xi prescrit aux cadres, dans la revue Qiushi, d’éviter le jargon dans leurs discours et d’y mettre du fond. Comme pour dire que lui au moins agit, et que la résolution des problèmes est la manière de servir son pays, plus que les chants des sirènes révolutionnaires.

Enfin Xi et Bo, candidats au pouvoir suprême, sont confrontés à la paralysie d’un appareil figé dans une idéologie vieille de 20 ans. C’est une crise, que vient d’expliciter Yuan Tengfei, professeur d’université, en osant dénoncer Mao comme «le plus grand bourreau de l’histoire», son Mausolée comme «encore plus négationniste» que le temple tokyoïte de Yasukuni. La réaction du régime trahit son impuissance croissante, face à une opinion toujours plus mature et informée: Yuan Tengfei n’a été que légèrement puni …

 

 

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