Editorial : Yushu post-séisme : secours et raidissement

7 jours après le séisme de force 7,1 à Yushu (Qinghai), les dégâts apparaissent dans toute leur ampleur : plus de 2.200 morts (officiels), 12.000 blessés, 210.000 maisons hors d’usage… L’Etat à réagi vite et fort.

Le 1er ministre Wen Jiabao et le Président Hu Jintao vinrent chacun soutenir les sinistrés. Dans une classe sous tente de l’orphelinat (cf photo), Hu inscrivit à la craie cette phrase reprise par toute la presse: «vous aurez de nouvelles écoles…de nouvelles maisons». Une prime aux foyers était annoncée: 8000¥ par disparu. 16 experts inspectaient la zone, préparant un plan de redémarrage au double concept:  reconstruire aux normes antisismiques, ce qui n’était pas jusqu’alors dans les moeurs, et ‚ favoriser la vocation touristique. En 2009 (janvier-octobre.) Yushu, ville traditionnelle tibétaine voyait 120.000 visiteurs dépenser 60M¥ (+90% par rapport à 2008), pour y découvrir les sources de trois grands fleuves d’Asie, Yangtzé, Fleuve Jaune et Mékong.

Un deuil était observé (21/04) à travers le pays: drapeaux en berne, cérémonie à la TV, et bars, cinémas et boites, fermés jusqu’à minuit.

NB: ces gestes de fraternité ne vont pas sans signes de raideur. Après le séisme, Pékin a refusé l’aide du Japon. Plus tard, il acceptait les donations mais persistait dans le refus de moyens humains, estimant ceux sur place déjà «en suffisance», ce qui est exact—avec sur ces routes, malgré neige et altitude, des km de «bouchons» de camions de ravitaillement.

Le 19/04, des barrages policiers apparaissaient sur ces mêmes routes, et les milliers de lamas venus de 12aines de monastères voisins (Qinghai, Sichuan) étaient «invités» à rentrer chez eux. Consigne notifiée par le Front Uni (structure de contrôle de toutes forces sociales hors Parti) et les bureaux locaux des affaires religieuses, sous prétexte de «ne pas gêner le travail des sauveteurs». La raison profonde était suggérée depuis Pékin par Jia Qinglin, patron de la CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois), n°4 dans l’ appareil qui évoquait des «forces hostiles tentant de saboter les secours», et appelait à «plus d’efforts d’unité et de stabilité». Les forces hostiles étaient les proches du Dalai Lama, natif de cette région de l’Amdo, lequel venait d’exprimer son souhait de visiter les sinistrés. Mais sous cette interdiction, les jeunes lamas régionaux se retrouvaient empêchés de secourir leurs frères et de fournir un soutien physique et spirituel, bien nécessaire à cette société pieuse traumatisée. Offrant leur aide en langue tibétaine, accoutumés à la rareté de l’oxygène, les lamas dispensaient inlassablement depuis 7 jours, des milliers de crémations, distribuaient des soupes et même un peu d’argent aux familles victimes (200¥).

Pékin a aussi pu se crisper de voir se rassembler sur place des lamas de Ganzi, impliqués dans les émeutes de 2008. Il pouvait aussi s’inquiéter de la réconciliation, à Yushu, de monastères historiquement divisés, ou de l’action naïve mais maladroite des 2000 lamas du monastère de Serda Lharong (Sichuan), d’un registre des fatalités qui décomptait 3.300 décès -bien plus que le bilan officiel global…

Tout ceci permet de deviner la rivalité sourde entre religion et régime, ce dernier préférant de plus en plus assumer seul la gestion des secours, même celle des morts, écartant les acteurs traditionnels de ces fonctions. L’enjeu étant de démontrer que seul le Parti peut assumer les destinées des régions et des ethnies du pays.

Reste à vérifier si cet impératif est compatible avec l’espoir de gagner maintenant la confiance des Tibétains, et de faire émerger en eux le sentiment d’appartenance active à la communauté nationale. L’argent et la générosité matérielle peuvent évidemment aider. Mais la soudure serait plus facile, si l’Etat parvenait à un concordat avec le clergé lamaïste. Ce qui est impensable, sans une dose de partage de compétences…

 

 

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