A la loupe : En un climat changeant

Voici venir une saison que la Chine du Nord connaît bien : celle des tempêtes de sable. 270M de Chinois du nord, en 16 provinces (2M de km²), ont senti du 19 au 23/03 une poussière dense tourbillonner et tout recouvrir, renversant les vélos à 100km/h et incitant la population à se masquer. Dues à la rencontre entre vents froids de Sibérie et ceux chauds du centre-sud, ces bourrasques accélèrent leur fréquence, de 10 par an dans les années ’80, à 24 ces années-ci.

Le pays se trouve en fait sous trois anomalies climatiques quasi-simultanées : neige et blizzard jusqu’à mars au Xinjiang, tempête de sable entre Pékin et Mongolie, sécheresse entre Yunnan, Guizhou et Guangxi. Cette dernière est la plus perturbante, avec un déficit en précipitations de 50 à 80% depuis 6 mois (75% dans le Ningxia), qui ne se relâchera pas avant juin, pensent les climatologues. Pour cette région d’ordinaire chaude et humide, jardin tropical du pays, le coup est rude. Ses récoltes sont amputées jusqu’à 50%, celle de sucre de canne du Yunnan passe de 2,5Mt à 1,6Mt (prix en hausse de 23,5%), celles de fleurs, de fruits, de thé, café, caoutchouc, et bien sûr celles de blé et maïs—30% des emblavures de Muyang, Yunnan sont perdues. Des centaines de rivières sont à sec ou quasi, y compris les sources du Fleuve des perles et les chutes de Huangguoshu, les plus hautes d’Asie, au débit de 25% seulement…

50M de riverains tentent de pallier les désagréments: stocker de l’eau, creuser de nouveaux puits. Pour épargner l’eau, on réutilise la même eau, d’abord pour laver les légumes, puis pour faire cuire le riz et laver la vaisselle, avant de la faire boire aux poules. On ne se lave plus depuis des mois, sauf les yeux.

Jusqu’à cette année, l’hypothèse d’un changement climatique brutal (sur 20 ans) passant de l’humide au désert (celle d’un recul permanent des pluies de 75% ou plus) avait été exclue par les scientifiques, confiants dans les évaluations mondiales. Plus maintenant. Et les crues estivales succédant à la sécheresse, évoquent le dérèglement: les 35000 glaciers du plateau tibétain et de la chaîne des Kunlun sont en train de fondre, faisant redouter une désertification -et, entre autres, la mise hors service de milliers de barrages, dont celui des trois Gorges.

Les conséquences d’avenir ont de quoi inquiéter : la Chine aura du mal à tenir son pari d’une récolte céréalière en hausse de 10% à 550Mt sous 10 ans. Au contraire, selon l’étude du mouvement environnemental Greenpeace, contestée par les milieux scientifiques, la récolte en grain aurait chuté de 23% d’ici 2050, mettant le pays en déficit par rapport à ses besoins, sa hantise. Pour prévenir, Pékin annonce la commande d’une enquête scientifique nationale sur le tournant climatique en cours.

Seule bonne nouvelle: en 20 ans, de 1990 à 2010, moyennant un investissement lourd, le régime a fait passer la part de sa population raccordée à l’eau potable, de 67 à 89%. Une contribution au progrès humain, salué par l’UNDP (United Nations Development Program) le 22/03, pour la journée mondiale de l’eau !

 

 

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