A la loupe : Société : Mal aimés, les Chengguan / Stressée, la jeunesse chinoise

SOCIETE 

Mal aimés, nécessaires—les Chengguan

Combien sont-ils les 城管(chengguan), ces «agents municipaux» qui ressemblent tant à la police, sans en faire partie ? Des millions sans doute, opérant par escouades dans les villes en uniformes roseau ou noir et blanc, selon les goûts locaux. Un corps moins formé, moins payé que la police et moins prestigieux, ce qui explique en partie ses rapports moins bons avec la population -surtout en temps de crise. En avril, deux incidents graves ont eu lieu à Shenzhen. Venu avec ses hommes déloger des petits marchands de fruits, les chengguan trouvent une résistance déterminée : dans les échauffourées, un officier décède. En janvier 2008 à Tianmen (Hubei), les agents passaient à tabac des paysans pour en confisquer la terre, quand un petit patron local osa filmer la scène avec son téléphone portable : ils l’aperçurent, se ruèrent sur lui et le tuèrent, causant la colère du pays entier. La sanction, pour autant, ne sera pas très lourde : 3 à 6 ans de prison. 

On l’a compris, les agents municipaux servent surtout de bras armé des mairies. Leur mission principale consiste à maintenir sous contrôle les métiers ambulants : les réparateurs de vélos, vendeurs de fruits, de fleurs, voire de fritures dans les espaces définis, sous la licence prévue. Partout, les chengguan ne connaissent qu’un châtiment aux contrevenants : la destruction de la marchandise, la confiscation des paniers, outils, tricycle. On site même le cas d’un agent brûlant gravement la marchande de beignets, dans l’acte de verser son huile bouillante à terre. En fait, le Chengguan, interrogé, avoue n’avoir pas le choix : tout « bon coeur » vis-à-vis d’un ambulant, lui vaudrait une amende ou le renvoi, c’est l’éternel sort des maltraités au service d’un maître pour en maltraiter d’autres…

L’aspect nouveau des dernières années est la rébellion toujours plus organisée des forains, le dos au mur, n’ayant rien à perdre (eux non plus, n’ont pas de « plan B » pour gagner leur subsistance). Des incidents récents ont dégénéré en rixe où les chengguan ont eu le dessous, comme à Yantai en mai dernier, où la police a du intervenir pour rétablir l’ordre. Le 2 juin au Jiangsu, c’est le site internet des chengguan qui a été hacké, divers internautes y déposant des lazzis en souvenir.

Conscientes de la colère montante, des villes cherchent des solutions : discipline non violente à Wuhan, code de conduite (contestable d’ailleurs) à Pékin. D’autres voix apparaissent, réclamant une réhabilitation des forains, au nom de leur service bon marché et du « folklore » entourant leur existence, ressentie comme bénéfique à la ville. Les mentalités changent -les mairies subissent la pression d’une demande, en plus de tolérance.  

 

Stressée, la jeunesse chinoise

Avant de recevoir son diplôme, Chen, étudiant à Shanghai s’est fait refaire le nez en clinique, pour 5000¥, un an de ses frais scolaires. Il le fait, pour trouver du boulot : sur les 6M de la promo de 2008, 15% reste au chômage. «J’investis», dit  Chen, «aujourd’hui, on ne recrute que les ‘plus belles gueules » (sic).

Paradoxe: alors que le pays depuis 20 ans ne fait que s’enrichir,  cette jeunesse chinoise semble vouée à un stress permanent. En  marge de leur programme draconien, les écoles primaires ont inventé ce système «facultatif» que tous les élèves suivent: les «maths olympiques», où les théorèmes les moins utiles, les exercices les plus retors sont enseignés pour endurcir les jeunes. Une « médaille d’or » y garantit au jeune la chance d’une meilleure école, sans devoir payer le « don volontaire », pas de porte illégal, pouvant atteindre 20.000¥. Si jamais l’enfant a encore du temps libre, entre 6 h du matin et 23h le soir, il s’entraîne encore au piano ou violon. Tout cela se paie, en terme de santé : 30% des jeunes souffrent de myopie, autant de dépression, et une majorité d’entre eux nourrit une colère rentrée contre leurs parents, leurs professeurs, la société entière.

‘    Plus tard, sagement, le mariage intervient quand on y est prêt (emploi, appart assuré). Avec accord, et financement du clan. Il est loin, le temps de Mao, où la fille attendait du mari qu’il apporte les «4 précieux» (radio, vélo, machine à coudre, appareil photo) : Guihua et Lanfen, pour leurs noces ont reçu des 130 invités des présents, mais surtout 110.000¥, plus agréables à leurs yeux. Car cette jeunesse, plus matérialiste, apprécie le pouvoir de l’argent.      » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » »    ‘ Mais, surprise, alors que 10 ans plus tôt, un sondage montrait 9 jeunes citadins sur 10 préférant vivre loin des parents, aujourd’hui, la tendance inverse prévaut : comme 70% des personnes âgées n’ont pas de pension, leurs enfants, souvent fils uniques, les prennent chez eux, mènent de front leur entretien et l’entrée dans la carrière. 70% d’entre eux trouvent la tâche trop lourde mais n’ont pas le choix. Pourtant cette cause de stress ne fera que s’alourdir, alors que les 110M de seniors de 2008, auront plus que triplé (350M) en 2050 : casse-tête financier d’avenir, qui risque de retarder l’étape où ces jeunes Chinois, suivant leurs frères d’Europe ou d’Amérique, oubliant le stress, rechercheront plus les joies de l’existence !

 

 

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