«Endetté jusqu’au cou dans la crise, Rio Tinto appelait Chinalco son ‘chevalier blanc’ parce qu’il lui apportait 19,5MM$… Mais à présent, il le jette aux orties : perfidie à courte vue, préjugé politique! ». Ce commentaire de l’agence Xinhua montre le désarroi de la Chine face à la gifle du 3e mineur australien, remake du refus des USA de laisser Cnooc racheter Unocal en 2005. Ce n’est pas Chinalco, mais toutes les instances publiques qui crient. Pékin se sent trahi par Rio, mais aussi par BHP-Billiton (n°1 mondial) et sa campagne contre ce deal. L’amertume vise la finance anglo-saxonne, et l’ambigüité de Canberra, dont la réticence était notoire. C’est tout un concept de coopération complémentaire avec le continent australien qui s’effondre. Quoique la décision ait été moins politique que commerciale : le cours du fer à remonté, sauvant Rio…
Aussi Colin Barnett, 1er ministre de l’Ouest australien aura la tâche ingrate, en juillet, de venir à Pékin recoller les morceaux, tandis que BHP et Rio, de facto « mariés » par une JV à 5,8MM$ sur leurs mines de l’Ouest (région de Pilbarra) trouveront face à eux, Pékin, et son «association sidérurgique», prêts à tout pour barrer la route au nouveau géant dont dépendront la moitié de leurs besoins en minerai de fer importé !
Discrètement, cependant, le milieu fait son examen de conscience. Xiao Yaqing, le Président de Chinalco d’alors, a commis une série d’erreurs, qui sont celles du système plus que celles de l’homme : [1] Il a fait peur, en lançant une nuit son raid en bourse de Londres, pour rafler 9% des parts de Rio, et [2] en le faisant faire par la maison-mère Chinalco, et non sa filiale boursière Chalco, montrant ainsi qu’il privilégiait vitesse et fait accompli sur concertation et transparence. Ce faisant, il donnait l’image d’une pieuvre étatique entrant dans le marché mondial sans en jouer les règles. [3] Impression confirmée par sa promotion comme vice Secrétaire Général au Conseil d’Etat : un jour financier, le lendemain politicien, il symbolisait la main du parti nourrissant celle du consortium public, dans une sorte de jeu de Monopoly à cartes biseautées entre socialisme et capitalisme. Autant de problèmes à régler à l’avenir, pour que la Chine puisse être reçue à part entière dans le club mondial des affaires.
Pour la suite, Pékin tente de recoller les morceaux de sa stratégie en miette. Le 9/06, elle renchérit de 200M$ son offre de rachat d’OZ (à 1,4MM$) pour barrer une contre-offre canadienne. Elle fait les yeux doux à Fortescue, n°3 australien (dont elle a déjà 18%), et à Vale, le brésilien n°2 mondial… On lui prête le plan d’acquérir pour 500MM$ de mines ou gisements sous 8 ans. A condition d’apprendre à montrer patte blanche !
Sommaire N° 21