A la loupe : La marine chinoise se lance vers la haute mer

Splendide, et rarissime, cette fête de la marine militaire chinoise, le 23 avril à Qingdao (Shandong) ! Pour son 60 ième anniversaire (le 23-04-1949, quand 9 frégates et 17 petits cargos de la flotte nationaliste étaient passés dans le camp de Mao Zedong), la marine de la RP de Chine invitait ses soeurs de 14 pays à une régate à Qingdao, sa base nordique. C’était la 4ème parade depuis sa naissance, après celles de 1957 (Dalian), de 1995 (en présence du Président Jiang Zemin), et de 2005, au Shandong, suite à des exercices sino-russes.

Pour l’occasion, démontrant sa confiance en soi, la marine chinoise déployait ses trésors cachés : – Ses sous-marins nucléaires de classe Jin et Shang, presque au plus haut niveau mondial. Le Grande Muraille 218 fut visité par de rares invités, dont le contre-amiral américain Bird, qui se dit impressionné par… sa propreté. – Les frégates lance-missiles Wenzhou et Mianyang, – Les destroyers Guangzhou et Haikou (flotte sud), Harbin (flotte nord).

– Le navire hôpital Daishan, dit « l’arche de paix ».

21 bateaux étrangers étaient de la parade. Le plus admiré était le coréen Dokdo, porte-hélicoptères d’assaut de 18800t, lancé en 2007. Le plus sympathique était le voilier école mexicain Cuauhtemoc, arrivant à quai avec 80 élèves officiers perchés dans la mâture, saluant la foule. Ainsi que la frégate légère française Vendémiaire (2.600t) où les visiteurs peu habitués, furent surpris de voir un équipage multiethnique et une femme officier. On peut encore citer l’impressionnant croiseur lance-missiles russe Varyag (11.370t), le ravitailleur canadien Protecteur, (24.000t), et le destroyer USS Fitzgerald (8.800t).

Mais parmi tous ces pavillons, l’un manquait ostensiblement, faute d’avoir été invité : le japonais – partiellement compensé par l’invitation du Contre-amiral Kato. L’omission n’était pas anodine, pas plus que le rendez-vous de Qingdao : à 150km du site d’une fameuse bataille navale où l’escadre nippone, plus petite mais mieux organisée, avait écrasé en quelques heures celle des Qing en 1895, dite l’orgueil des mers… « ceci est un message (au Japon) », dit cette source anonyme de la marine chinoise, « la Chine ne laissera plus jamais sa flotte se laisser battre si aisément ».

Cette marine militaire chinoise a fait des progrès considérables depuis 10 ans, grâce à ses budgets annuels en milliards de US$. C’est ce même signal que donnait le 21/04 Wu Shengli, commodore de la marine, annonçant de futurs équipements de nouvelle génération, et le changement de cap d’une mission côtière, vers la conquête des océans. Même si cette flotte chinoise reste encore encombrée de centaines de rafiots hétérogènes, le tournant est évident. Engagée depuis 20 ans, la course au porte-avions pourrait aboutir d’ici 2020. A Qingdao, se murmurait à bord des navires étrangers un plan pour six de ces navires, plus petits qu’un USS Nimitz de 100.000t, mais plus réalistes pour un 1er pas, et permettant de maîtriser plus vite cet ensemble de savoir-faire très complexe…

La Chine ne fait pas mystère de ses objectifs: protéger ses routes maritimes, ses 98% d’export convoyées par mer, ses 95% d’import de pétrole : « on ne peut pas confier nos ambitions de puissance émergente au bon vouloir de l’étranger, entendez, l’Amérique », dit cet expert chinois.

Pas par hasard, d’autres missions d’avenir pour la marine chinoise, visent aussi la 7ème flotte américaine, basée au Japon (et dont provenait l’USS Fitzgerald!). Selon un rapport du Congrès, daté de novembre 2008, il s’agirait dès 2010 d’empêcher les USA, par sa puissance de feu de défendre Taiwan, puis de les «encourager» à se retirer du Pacifique. Une autre mission «urgente» serait de soutenir les revendications chinoises sur la mer de Chine, les archipels Diaoyu, Paracelses et Spratley aux riches dépôts pétroliers et contrôlant les routes d’accès au monde.

Enfin, Pékin commence aussi à guigner du côté de l’Océan Indien, loin de ses bases, mais où il compte des alliés comme le Bengladesh ou le Pakistan : histoire de rivaliser avec l’Inde…

On ne peut conclure ce survol de cette flotte émergente, sans évoquer son appel à négocier avec toutes ces puissances maritimes : la Chine demande aux partenaires de coopérer plus contre la piraterie maritime, «sous l’égide de l’ONU ». Et pour commencer, de donner à la Somalie de quoi financer sa police des mers, et son développement, pour supprimer la cause structurelle de l’émergence des nouveaux forbans : « jamais nous n’utiliserons notre flotte pour autre chose que notre défense », affirmait le Président Hu Jintao, présent à la parade !

 

 

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