La crise fait rage en Chine. La croissance du trimestre a atteint 6,1%, moins de la moitié des 13% de 2007, pire score en 20 ans. L’export a chuté de 19,7%. Mais on croit lire aussi que le pire est déjà dépassé : une légère reprise des exports en mars a permis une remontée, par rapport aux -25,7% soufferts en février. Même tendance visible dans la consommation électrique, moins 4% pour le trimestre, mais moins 2% seulement en mars. Idem, la déflation d’1,6% en février décroît à 1,2% en mars…
L’embellie est due au plan de relance et à ses 500MM$ de crédits : ils alimentent les +30,3% d’investissement fixe urbain au mois de mars, effort accru par rapport à janvier-février (+26,5%). Les banques prêtent toujours plus : 1890MM¥ en mars et 4580MM¥ pour le trimestre, frisant les 5000MM¥ assignés pour l’année -mais la Banque centrale le dit déjà : pas question de refermer le robinet ! Ce crédit maintient un commerce de détail de +14,7% en mars contre 15,2% en janvier-février. Il vient compenser les 9,5% de repli de l’investissement étranger (IDE) en mars : repli qui faiblit lui aussi : il atteignait -15,8% en février. Et surtout, la production industrielle redémarre, à +8,3% (mars) contre 3,8% en janvier-février. Les salons d’équipement tel le CIMT à Pékin font mine réjouie. Et dans les garages, 1,1M d’autos se sont vendues en mars, +5%. Tout cela permet à Wang Tao (UBS) de rajuster la croissance du trimestre à 7%, dans les temps pour atteindre les 8% annuels, but officiel. La moyenne des analystes préfère tabler sur 6,5%.
Cependant, au-delà de l’optimisme de rigueur, bien des ombres subsistent : de baisses d’impôts en lancement de projets massifs d’infrastructure, l’Etat perd 8,3% de recettes, à 1460MM¥. Aussi, cette croissance reste fondée sur l’export vers un monde industrialisé qui a cessé de croître, et ne pourra pas accepter indéfiniment la pratique.
Autre risque insidieux : l’aspect artificiel d’une croissance manipulée par un pouvoir détenant la plupart des leviers sur son économie. Exemples :
[1] la bourse a gagné près de 30% depuis janvier, boostée par des dizaines de milliards de US$ détournés en sous-main des fonds du stimulus ;
[2] de discrètes braderies immobilières permettent aux « gros » promoteurs de vendre à perte, tandis que les petits coulent. Aussi, Cao Jianhai, de la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales), voit les cours s’effondrer de moitié sous 24 mois ;
[3] ce flux d’argent facile va induire des mauvaises dettes -l’Etat prédit des contrôles renforcés—voeux pieux !
Pour l’expert A. Kroeber, ce flux d’investissement « politique » à faible profit, ne compensera qu’un an ou deux la chute de l’export – il suffit, pour s’en assurer, d’observer la chute des profits des grandes entreprises d’Etat. Ensuite, la croissance devra venir du marché intérieur. Mais les indispensables réformes, pour ce faire, ne sont pas lancées. Il y a bien (12/04) le droit accordé à 150 paysans de Faku (Liaoning) d’emprunter 300.000¥ en hypothéquant 60ha de terre: prêt «illégal», mais béni par les autorités à titre de test. Mais comme new deal du paysannat, c’est un peu court. Aussi Li Xiaochao, du bureau national des statistiques, prévient ses concitoyens contre tout triomphalisme : « l’économie reste sous la pression de la récession mondiale… Les bases sont fragiles, et la tâche reste très aléatoire » !
Sommaire N° 13