Editorial : Une fin d’année dans la tension

Le conclave économique qui vient de finir (8-10/12) le précise, l’essentiel du grand plan (ou du moins, de ses 100MM² frais) n’ira pas en davantage d’industrie, mais dans le niveau de vie : agriculture, HLM, ouvrages routiers anti-bouchons, environnement et écoles. La presse abonde de gadgets symboliques : abris pour 140.000 mendiants dans Canton, bus gratuit à Pékin pour 1,6M de vieux et surtout, soutien d’urgence aux nouveaux pauvres, qui augmentent en avalanche, avec 40M attendus sous quelques mois. Notamment le paiement des salaires dans les milliers de firmes aux patrons en fuite. Il faut résorber les émeutes dès qu’elles se forment, sans leur laisser le temps de gonfler. Telle celle de 1000 ouvriers électroniciens renvoyés de chez Yixin, usine taiwanaise à Shanghai, (8/12). Le moral de la rue  est  bas (suicides en hausse, à 280.000/an), mais Pékin, ne peut offrir plus que les 500MM² du plan, déjà sur la table !

Le 8/12, deux jours avant le jour mondial des droits de l’homme, l’activiste Liu Xiaobo et quelques compagnons sont aux arrêts, pour avoir créé la Charte 08, d’après la « Charte 77 » de V. Havel. Aussi inspirée par la France («liberté», «égalité»), la charte 08 réclame la démocratie à l’occidentale, et appelle les forces vives de Chine à s’unir pour changer la société. D’autres bavures émaillèrent cette journée mondiale, telle l’arrestation d’une  journaliste-juriste de la  CCTV pour avoir dénoncé un cas de corruption,  telle l’annonce de l’internement psychiatrique de 18 pétitionnaires à Xintai (Shandong).  Fait rare, ces cas sont dévoilés par la presse (Journal de la Jeunesse, China Daily). On note aussi l’embarras du pouvoir : presque tous les 300 signataires de la Charte restent libres et le 11/12, Hu Jintao admet que les droits de l’homme en Chine laissent à désirer, et promet pour l’avenir, d’aller de l’avant dans les réformes.

  Après la rencontre de Sarkozy avec le Dalai Lama (6/12, Gdansk), Pékin a sévèrement critiqué, puis (9/12) a appelé Paris à «réparer ». L’ambassadeur Hervé Ladsous a été convoqué, et suite à la conférence de presse tenue pour tenter de calmer les esprits, critiqué dans la presse : pour la 3ème fois dans l’année (après le passage de la torche olympique à Paris en avril, puis les hésitations de Sarkozy en mai à assister aux Jeux Olympiques), la France est au coeur d’une campagne critique. Pourquoi elle, et pas tous ces autres pays qui «voient» le prélat lamaïste en toute quiétude? Notre croyance : parce qu’aux yeux chinois, la France est un pays spécial, (berceau de la révolution et des « lumières ») et parce que (ça tombe mal) la Chine traverse des temps toujours plus dangereux. La déception de Pékin n’est pas simulée, mais elle en use aussi, pour prouver à son opinion son ardeur patriote !

Mais pour faire face à tous ces défis, relancer son économie, signer les accords futurs mondiaux de commerce (Doha) et d’environnement (Copenhague), Pékin peut moins que jamais se passer de l’Europe et des USA —de leur marché, de leur confiance. Remonter la pente, trouver un accommodement, voilà, en réalité, ce qu’elle cherche, et ce en quoi il faudra l’aider.

 

 

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