A la loupe : La Chine paie son fer à prix d’or

La bataille mondiale du minerai de fer est engagée : par la Chine, qui dévorait l’an dernier 47% du marché (384Mt, en plus de ses 609Mt de production locale). La crise résulte du déséquilibre entre la demande avide du tiers-monde, et les limites techniques de l’extraction des gisements : depuis 2003, le cours a fusé de 320%.

Curieusement, cette hausse profite aussi à la Chine en forçant ses centaines d’aciéries à fusionner. Aussi n’essaie-t-elle plus, comme en 2006, de bloquer ces hausses inévitables. Elle peut par contre tenter d’enrayer le rachat hostile de Rio Tinto, 2d minéralier australien, par BHP Billiton, le n°1 minéralier : fusion qui engendrerait un dinosaure trustant 40% des ressources mondiales.

Heureusement pour Pékin, Rio partage son refus – pour une raison plus prosaïque : à 170MM$, BHP mégote. C’est ce qui a convaincu la NDRC, (National Development and Reform Commission), chef d’orchestre de l’économie chinoise, d’inciter Baosteel, aciérie n°2, à céder à l’exigence de Rio, et de lui accorder des hausses annuelles entre + 80% et + 96,5%. Par comparaison, le Brésilien Vale en février, n’avait obtenu que 71%.

Les experts spéculent que Baosteel a voulu briser le front australien. Jusqu’alors, les fournisseurs mondiaux suivaient le prix d’un contrat de référence. Mais en surenchérissant, Rio a transgressé et à son tour, BHP exige plus, afin de prouver aux actionnaires qu’il est, face à Rio, le groupe capable d’arracher la meilleure valorisation du minerai aussie. Prochaine étape: afin de défendre son alliance avec Rio Tinto, Pékin pousse ses aciéries au boycott de BHP. Et logiquement, l’étape suivante devrait être, de la part de BHP, un peu de beurre dans les épinards de son OPA…

Autre volet de cette bataille planétaire, Pékin via son marchand de fer Sinosteel, tente de prendre pour 1,5MM$ une part majeure dans Murchison, petit minéralier de l’Ouest australien. Sinosteel est déjà en train de contrôler contre son gré un autre minier, Midwest -Canberra a donné son feu vert. Mais voilà que Canberra lui interdit pour 90 jours toute mise sur Murchison (25/06), et préparerait d’ici là une loi interdisant à tout fonds souverain la prise majoritaire de firmes nationales : c’est un tournant «anti-chinois» de la part d’un Kevin Rudd qui cesse de revendiquer avec Pékin le rôle d’ami ou arbitre privilégié : face à l’offensive commerciale chinoise sans précédent, il protège les intérêts nationaux.

Signalons enfin les deux outsiders à l’affût :

[1] Chinalco, le roi chinois de l’aluminium, déjà maître de 9% de Rio Tinto, espère aller plus loin.

[2] Arcelor Mittal, bloqué aux portes de la Chine par la grande muraille d’acier, attend la fin de la consolidation interne, sous cinq ans, pour reprendre la majorité d’un des nouveaux géants -voire peut-être, se partager alors avec eux le monde !

 

 

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