Le Vent de la Chine Numéro 22

du 29 juin au 5 juillet 2008

Editorial : Caléidoscope d’une semaine d’été ordinaire…

[1] La meilleure nouvelle de la semaine, consista en la réouverture du tourisme étranger au Tibet (25/06).

Le régime tenait sa promesse, en cas d’étape paisible de la torche olympique à Lhassa. A vrai dire, il n’avait pas le choix, sauf à sacrifier une économie locale largement tournée vers l’accueil de visiteurs. Au lieu d’une saison espérée de 2millions de visiteurs, le Toit du monde n’en avait reçu que 120.000. Du coup, hôtels, restaurants, agences de voyage ont licencié trois-quarts de leur personnel!

Comme pour marquer l’effort de normalisation, Dadrak Tenzin Gelek, Bouddha vivant et n°2 de l’association bouddhiste de Chine (branche tibétaine), déclare que « l’ activité religieuse a repris dans les cloîtres »: interdites durant la répression, les prières publiques (pour les JO, le Sichuan), le festival de Sakadawa, battent leur plein.

[2] Pékin vient de faire abattre une mosquée à Kalpin (Xinjiang), et accuse son consistoire d’une longue série d’infractions à la loi : construction puis rénovation du sanctuaire (10 ans plus tôt, en 1998!), inscriptions saintes sur le fronton, recel de Corans, activités religieuses interdites… Depuis son exil à l’étranger, le Congrès ouighour mondial croit la destruction liée au refus de la paroisse de célébrer l’avènement des Jeux.

Le Xinjiang a maille à partir avec la loi sur un autre dossier : les drogues.

En 12 mois, quatre réseaux y furent éradiqués. Le Xinjiang est la nouvelle route du Croissant d’or, acheminant vers la Chine et l’Amérique son héroïne, croisée dans l’autre sens par les métaamphétamines de Hong Kong. En mars, les douaniers chinois ont trouvé à Urumqi 32 tapis bourrés de tubulures contenant 48kg de poudre blanche. Mais dans l’absolu, dit Yang Fengrui, directeur du Bureau national des drogues, les saisies baissent : moins 20% en 2007 avec 4,6t d’héroïne et 1,2t d’opium. C’est grâce au travail de prévention chinois sur la Birmanie et au Laos depuis cinq ans, où pour 100M$ de vivres et médicaments ont été distribués aux paysans d’accord pour arrêter la culture du pavot : au Laos, elle aurait disparu et en Birmanie, elle aurait reculé de 88% (18.600ha).

 [3] Viviane Reding, commissaire européen aux télécoms, constate soudain que la censure chinoise de l’Internet est «inacceptable », vu l’idéal européen de la libre circulation des données. Cette foi est récente : avant 2001, quand l’Union Européenne négociait avec la Chine son contrat d’entrée à l’OMC, l’organisation mondiale du commerce, le sujet n’était pas sur la table.

Nonobstant le désagrément de Bruxelles, cette semaine, le satellite de télévision Eutelsat, subit sur la Chine une panne, dont une seule chaîne fut victime : NTDTV, la TV du Falungong, dont le signal ne peut plus être capté.

En même temps la SARFT, (State Administration of Radio, Film and Television), tutelle de l’audiovisuel, publiait les 247 sites autorisés à distribuer ce type de contenu sur la toile: manquaient au rendez-vous, Tudou, Youku, 56.com, qui sont pourtant les chouchous du public, drainant 220M de fans riches et éduqués.

Ce que la SARFT ou plutôt derrière elle, les chaînes nationales de télévision, CCTV lui reprochent, est leur concurrence « déloyale », audace, jeunesse et transgression. La SARFT a désormais deux options : rétablir ces trois maisons après les Jeux, ou les laisser périr, au risque d’en voir renaître des clones clandestins, moins contrôlables, moins sains, comme pour l’alcool aux USA aux temps de la prohibition. Mais qu’on se rassure. En Chine plus qu’ailleurs, chassez le naturel, il revient au galop!

 

 


Temps fort : Chronique de l’après-séisme

ª La confusion règne  au Sichuan dévasté par le séisme.Des milliers de victimes retournent à Beichuan, mais la police ferme la zone. Pour la ville à rebâtir, pas encore de site—mais le lac qui s’est formé à Tangjiashan, sera redéveloppé en zone touristique.

ª Épluchant les comptes des secours, les 10.000 auditeurs disent n’avoir trouvé que des maladresses, pas des fraudes. La Chine n’était pas prête à telle catastrophe : les voies d’acheminement manquaient. Aussi seuls 19% de l’aide (de 10MM²) furent distribués. Aussi, des fournisseurs ont triché sur les volumes ou la qualité (riz piqué, tentes pourries). Les auditeurs tiquent sur 3,8M², trouvés sur le compte du min. provincial du commerce. A l’inverse, les villages trichèrent sur leurs pertes : le 19/06, le bilan des morts fut réduit de 10.000, à 58.360… Pour toutes ces irrégularités, 12 cadres ont été limogés, 31 “punis” (24/06).

ª Cependant depuis le 12/05, la zone sinistrée a reçu 1,58M tentes, 4,9M couvertures, 14M vêtements, 318.000 cabanes. Elle a aussi subi 13538 après secousses.

ª Nouvelle troublante de Reuters, le pouvoir local fait campagne, experts à l’appui pour nier sa responsabilité sur la qualité des 130 écoles perdues. Au plan national, la qualité des écoles est un sujet banni. Localement, les parents qui protestent sont harcelés. Pékin, pour l’instant, couvre.

 

 


Pol : Délocalisations : le Sud de la Chine menacé

Tourisme français : grève perlée !

Le souvenir de l’étape parisienne de la torche (07/04), empoisonne les relations franco-chinoises.

Depuis mai, les agences pékinoises annulent leurs voyages vers la France. L’action n’est pas présentée comme rétorsion mais comme expression de colère de la rue. Elle coûte: à l’ambassade, les demandes de visas ont chuté de 70%, à 300-400 par semaine en juin, signifiant autant de pertes pour l’Hexagone. Elle se limite à Pékin. Shanghai, Canton, Wuhan ne sont pas touchés.

Constatant qu’en dépit des assurances, la crise s’éternise, l’Ambassade donne des signes de nervosité: au Salon du tourisme à Pékin, aucun signal n’a été donné aux agences pour les encourager à reprendre les inscriptions. La France a beau être soutenue par Bruxelles, comme partie indivisible de l’espace-Schengen – tant que la Chine reste sur son silence, la France ne peut que pâtir – en silence. Pour réamorcer la pompe, H. Ladsous, l’ambassadeur, multiplie les gestes, y-compris une conférence de presse (23/06) réservée à nos confrères chinois. La rumeur que N. Sarkozy prépare sa valise pour Pékin le 8/08, et le tarif «saison creuse», rétabli par Air France en juillet-août (vol Paris-Pékin A-R à 4900¥).

Mais ces efforts pourraient rester vains, en raison de la reconstruction du Sichuan, et des 10MM²/an à dégager à cet effet. Normalement dotés de 3 sorties tous les 5ans, les fonctionnaires voient leurs voyages sacrifiés sur l’autel de l’austérité nationale. Ce qui semble dénoncer une pratique dont l’Etat n’est pas dupe: leurs missions cachent souvent un voyage d’agrément aux frais du socialisme, abus aujourd’hui imprésentable.

Délocalisations: le Sud de la Chine menacé

Dans les années ’80, le Guangdong (Canton) fut aussi pauvre qu’un autre, jusqu’à ce que le capital, les technologies et les PME de Hong Kong, associés au laisser-faire du patriarche, le propulse dans l’ère digitale et à la fonction de locomotive du pays.

A présent cependant, cette phase s’achève—bien plus tôt que prévu. Après avoir vidé Hong Kong de ses industries, il se voit à son tour miné par sa vie chère, avec ses 300MM² de PIB en 2007. Ce phénomène d’usure a été amplifié, cette année, par une série d’incidents tel le gel de janvier, la loi du travail (ses salaires minimum et primes de licenciement), la baisse du dollar, la hausse du fuel, les crues de juin, les coupures de courant, la fin des primes à l’export…    

Désormais, sur la chaussure ou le jouet, fleuron de Canton, les marges (quand il en reste) se cantonnent frileusement sur la bande à un chiffre. Chez Kam Pin, firme de matériaux de construction (300 actifs), les salaires, en six mois, ont monté de 30% : en clair, c’est la fin. Sur les 70.000 usines Hongkongaises de la province, 20.000 ne finiront pas l’année, prédit D. Lau, Président de l’association des PME du Rocher. Foxconn (iPod, tel. portables) s’est déjà transplanté vers Hebei et Shanxi. Face à cela, les municipalités de la province tentent d’aider comme elles peuvent, pour retenir l’emploi qui file comme du sable.

Au 1er juillet, Shenzhen hausse le salaire minimum à 1000¥/mois (+17%) en ville, 900¥/mois en banlieue (+20%). Canton va suivre et même (perfidement) surenchérir. Dongguan offre aux bas salaires (moins de 600¥/mois) une prime unique de 1000¥ au titre de compensation à l’inflation. Mais ces expédients ne règleront rien : comme de coutume, fer de lance d’expérimentation sociale, Canton se trouve au pied du mur, contrainte d’inventer un nouveau modèle de développement « post-libéral », qui réconcilie haut niveau de vie, productivité, rentabilité et qualité d’environnement. Comme en Europe ou en Amérique !

 

 


Argent : Taipei-Shanghai — la paix des braves

Taipei-Shanghai — la paix des braves

Le ciel des relations sino-taiwanaises se dégage à grande vitesse.

Différentes mesures unilatérales de Taipei vont accélérer l’intégration du marché boursier insulaire avec ceux de Hong Kong et de la Chine, par exemple en dispensant ses maisons de courtage d’un minimum de 25% des actifs chinois qu’elles représentent. Le 4/07, les charters hebdomadaires semi directs relieront une dizaine de villes du détroit.

Le gouvernement nationaliste de Ma Ying-jeou encourage désormais ses fonctionnaires à voyager en Chine, pour s’ébrouer de leurs préjugés.

Et surtout, dès le 24/06, Hau Lung-bin, maire de Taipei, en visite à Shanghai, reçut de son homologue Han Zheng, le privilège d’une place à l’Expo universelle de 2010, supposée attirer 70M de visiteurs. Taipei se mesurait à 130 autres villes, pour ce pavillon de 800m² qui présentera ses technologies d’Internet sans fil et de recyclage des déchets. Ce sera sa 1ère Expo universelle depuis Osaka, en 1970—la malédiction s’arrête !

Pour faire bon poids, Hau Lung-bon invita Han comme hôte personnel à l’Expo Internationale d’Horticulture de Taipei, en novembre 2010 !

NB : Paris, comme Taipei est candidat à  un pavillon à thème à Shanghai. Et quoi qu’en termes détestables avec la Chine (notamment avec la mairie de Pékin), des sources prétendent que ses chances demeurent.

 

 


A la loupe : Essence : plus c’est cher et plus on prend !

Par une dynamique des fluides propre à la Chine, la hausse de 16% de l’essence, 18% du diesel, le 20/06 (cf VdlC 21) s’est suivie, non par une fuite de l’usager comme chacun s’attendait, mais le contraire.

Avant, les pétroliers ne livraient les stations que de mauvaise grâce, pour limiter leurs ventes à perte (à prix bloqué sous le cours mondial). Tandis qu’après la hausse, ils ont rouvert le robinet, entraînant la course aux pleins -« coûte que coûte » !

Cette impavidité envers l’impératif d’abstinence, vaut pour toutes les énergies, avertit l’EIA (Energy Information Administration) dans son étude du 25/06 : en 2030, l’Empire céleste brûlera 85% en plus de charbon et d’hydrocarbures. A +6,8% d’émissions par an, elle aura ajouté d’ici là 50% de CO² supplémentaires et 12MMt/an dans les airs. Par bonheur, d’autres experts ne partagent pas ce pessimisme, argumentant que dans 12 ans, une Chine mûrie, sera passée à un modèle de croissance durable, renonçant à la voiture pour tous et tout ce qui s’ensuit -comme par exemple, le redéploiement militaire hors frontières, indispensable pour sécuriser ses sources d’énergie.

En attendant, en visite à Jeddah (Arabie Saoudite), le vice-Président Xi Jinping réitéra dans l’enceinte de la Conférence internationale de l’Énergie (22/06) la doctrine énergétique chinoise.

Rien de nouveau, ni de bien encourageant : au reste du monde, il propose de discuter, pratiquer l’exploration collective pour satisfaire la « demande normale » (sic) de tous les pays. Il invite les riches à mettre à disposition des autres  leurs technologies, mais ne fait en revanche aucune allusion à un engagement de la Chine vers une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Au contraire, « la consommation par habitant chinois n’est que de 84% de la moyenne, et en pétrole importé, que de 37%»: il y a de la marge !

L’aspect nouveau dans ce défi énergétique chinois est l’appel à l’étranger comme bailleur d’énergie, pour l’appoint que la Chine ne peut plus assurer seule.

On a vu semaine passée la signature du contrat Total (VdlC n°21). A présent, Daewoo (Corée du Sud) signe avec CNPC une intention de livraison de gaz naturel liquéfié (GNL) birman, depuis ses gisements A1 et A3, sa propriété à 51%. Avec l’Inde et la Chine, la Corée/sud se partage ce pays aux 2500MMm3 de réserves, que les autres préfèrent ignorer pour cause de dictature.

CNPC offre aussi à Shell et Qatar Petroleum 24,5% (chacun) d’une future raffinerie à Hainan, au coût pouvant atteindre 10MM$. Pour ce type d’outil, la Chine n’a plus tellement besoin de technologie, ni de financement. Elle ouvre quand même à ces deux outsiders cette entrée sur un marché qui leur rendra le profit du raffinage… du pétrole qu’ils lui auront livré. En un mot, face à ses besoins incompressibles et qu’elle ne peut plus satisfaire seule, la Chine ne peut plus prendre sans donner!

 

 


A la loupe : La Chine paie son fer à prix d’or

La bataille mondiale du minerai de fer est engagée : par la Chine, qui dévorait l’an dernier 47% du marché (384Mt, en plus de ses 609Mt de production locale). La crise résulte du déséquilibre entre la demande avide du tiers-monde, et les limites techniques de l’extraction des gisements : depuis 2003, le cours a fusé de 320%.

Curieusement, cette hausse profite aussi à la Chine en forçant ses centaines d’aciéries à fusionner. Aussi n’essaie-t-elle plus, comme en 2006, de bloquer ces hausses inévitables. Elle peut par contre tenter d’enrayer le rachat hostile de Rio Tinto, 2d minéralier australien, par BHP Billiton, le n°1 minéralier : fusion qui engendrerait un dinosaure trustant 40% des ressources mondiales.

Heureusement pour Pékin, Rio partage son refus – pour une raison plus prosaïque : à 170MM$, BHP mégote. C’est ce qui a convaincu la NDRC, (National Development and Reform Commission), chef d’orchestre de l’économie chinoise, d’inciter Baosteel, aciérie n°2, à céder à l’exigence de Rio, et de lui accorder des hausses annuelles entre + 80% et + 96,5%. Par comparaison, le Brésilien Vale en février, n’avait obtenu que 71%.

Les experts spéculent que Baosteel a voulu briser le front australien. Jusqu’alors, les fournisseurs mondiaux suivaient le prix d’un contrat de référence. Mais en surenchérissant, Rio a transgressé et à son tour, BHP exige plus, afin de prouver aux actionnaires qu’il est, face à Rio, le groupe capable d’arracher la meilleure valorisation du minerai aussie. Prochaine étape: afin de défendre son alliance avec Rio Tinto, Pékin pousse ses aciéries au boycott de BHP. Et logiquement, l’étape suivante devrait être, de la part de BHP, un peu de beurre dans les épinards de son OPA…

Autre volet de cette bataille planétaire, Pékin via son marchand de fer Sinosteel, tente de prendre pour 1,5MM$ une part majeure dans Murchison, petit minéralier de l’Ouest australien. Sinosteel est déjà en train de contrôler contre son gré un autre minier, Midwest -Canberra a donné son feu vert. Mais voilà que Canberra lui interdit pour 90 jours toute mise sur Murchison (25/06), et préparerait d’ici là une loi interdisant à tout fonds souverain la prise majoritaire de firmes nationales : c’est un tournant «anti-chinois» de la part d’un Kevin Rudd qui cesse de revendiquer avec Pékin le rôle d’ami ou arbitre privilégié : face à l’offensive commerciale chinoise sans précédent, il protège les intérêts nationaux.

Signalons enfin les deux outsiders à l’affût :

[1] Chinalco, le roi chinois de l’aluminium, déjà maître de 9% de Rio Tinto, espère aller plus loin.

[2] Arcelor Mittal, bloqué aux portes de la Chine par la grande muraille d’acier, attend la fin de la consolidation interne, sous cinq ans, pour reprendre la majorité d’un des nouveaux géants -voire peut-être, se partager alors avec eux le monde !

 

 


Joint-venture : Finance : les banques étrangères se sinisent

Finance : les banques étrangères se sinisent

Hankou Bank, ex-Wuhan Bank (25/06) cherche partenaires étrangers.

Peut-être plus aisé à dire qu’à faire, dit le sondage de PricewaterCoopers auprès de 42 banques non chinoises, qui avouent avoir perdu l’appétit pour leurs soeurs célestes. C’est que depuis 2007, au titre de l’OMC, l’organisation mondiale du commerce, il leur suffit de se faire incorporer comme firmes locales, pour se passer de leurs partenaires hier obligatoires. Et pourtant, en même temps, 50% de ces maisons vont continuer, sous trois ans, à racheter des actifs —mais hors des banques. Car le secteur se fait moins lucratif, en période de surchauffe. Il y a les contrôles stricts anti-spéculation sur le ¥, les entraves au prêt (les réserves obligatoires), les délais, règlements, et bien sûr, l’écrasante concurrence locale…

A ce moment, la finance trouve d’autres terrains pour prospérer : le courtage boursier (des bourses nationales et internationales), pour contourner la non convertibilité du ¥, les marchés à terme (sur des produits de plus en plus rares et chers), le tout constituant autant d’outils à disposition pour la gestion de fortunes privées. Et c’est là que la banque étrangère se déverse, profitant d’une avance en savoir faire sur la locale. Crédit Suisse et CLSA obtiennent (15/06) pour leurs JV avec Founder et Fortune (chacune à 33%) la licence en gestion de portefeuille -ticket d’entrée pour le client : 100 000². BNP-Paribas achève (25/06) son incorporation avec 4 filiales et sous 2 ans, 650 emplois. KBC (belge) opte pour le fonds de placements boursier pour étranger en ¥, sous licence QFII.

Le batave ING prend le plus de risques avec son fonds de 750M$ qu’il espère porter à 2MM$ pour reprendre (une bouchée de pain) les actifs faillis des promoteurs. Tous ces sondés de PwC gardent un moral d’acier, ils croient doubler leur croissance cette année et conserver un rythme de +40 à 60% dans les années à venir.

Agroalimentaire: Cargill met la gomme

L’histoire chinoise de Cargill se confond avec celle des relations sino-US: suite à la visite de R. Nixon en 1972, la multinationale agroalimentaire s’était installée à Pékin, important et exportant  grains, huiles, sucre, jus de fruit, aliments pour bétail, et même l’acier, pour arriver à sa force actuelle, avec 25 firmes en propriété ou en JV dans 16 provinces, et 3000 employés assurent 3MM$ de ventes annuelles. A présent, Cargill duplique à Zibo (Shandong) un de ses produits les plus modernes, le xanthène, gomme polysaccharide émulsifiante-E415 selon le code européen.

Deux versions sont produites : le Satiaxane CX800 stabilise, épaissit ou améliore la texture d’un aliment. Le CX801 réhydrate instantanément les lyophilisats. Les deux finiront en assaisonnements, sauces, desserts congelés, produits laitiers, préparations à base de fruits, etc. Le site de Baupte (France) assurait jusqu’alors la production mondiale : Zibo sera trois fois plus grande, pour un marché allant de la Chine aux USA, en passant par l’Asie et l’Europe de l’Est.

NB : très respecté en ce pays, Cargill lançait en mars un programme en JV avec l’AQSIQ, tutelle de l’hygiène chinoise, pour former les industriels aux normes mondiales, incluant des stages dans ses usines. Manière d’aider la Chine à interdire à l’avenir, tout remake de la vague de scandales de l’été 2007 !

Droit du travail : IBM, épinglé

Le 18/06, la cour d’arbitrage du travail de Pudong (Shanghai) émit un verdict qui fera date.

IBM devait réintégrer Yuan Yipeng, 26 ans, licencié pour «viol des règles d’entreprise» – il souffrait d’une dépression. Recruté en 2006, l’ingénieur était bien portant, jusqu’à la crise de neurasthénie qui le frappa en mars 2007. En juin, il offrit de démissionner : fort «classe», l’employeur lui offrit un congé-maladie. Deux mois après, requinqué, il demanda sa réintégration, mais le centre de soins précisa un besoin de «soins réguliers». C’est alors qu’IBM lui interdit l’accès au bureau et lui notifia son licenciement après 6 mois- juste après sa tentative de suicide. En mars, il porta plainte et obtint gain de cause. Concluant à un cas de discrimination pour maladie mentale -une 1ère en Chine-, ce conseil « des Prud’hommes» cassa le licenciement et octroya au plaignant 5700² de dommages -IBM est en appel.                                                    NB : selon un avocat chinois, la dépression ne peut constituer un motif valable. La procédure juste aurait dû consister à démontrer l’incapacité de travail. Mais quoique de bonne volonté, le verdict apparaît impraticable et en fin de compte, nuisible aux deux parties:

[1] après 12 mois de litige amer, la réintégration apparaît irréaliste, faute de confiance.

[2] Pour IBM, quel type d’emploi confier à un suicidaire, quid de son utilité technique? Ce que le verdict IBM débusque, avant tout, est un vide juridique.

 

 


JO : En attendant les JO, la Chine sous apnée

A moins de 40 jours des Jeux Olympiques, la fièvre olympique monte.

C’est l’ère des «fadas des Jeux», qui se donnent corps et âme à une promotion volontariste. Ainsi Sun Dingguo (30 ans), du Zhejiang, s’est fait tatouer le corps de 36 sigles de disciplines olympiques, et sillonne le pays sur son pousse-pousse pour recueillir des signatures. Fièvre aussi chez ces 1000 couples pékinois qui ont réussi, en jouant des coudes, à figurer sur la liste des «mariés du 8/8/2008», pour l’ouverture des Jeux. L’immense majorité des Chinois attend le jour de gloire, de voir le pays battre les USA pour passer 1ère nation sportive : déjà PricewaterhouseCoopers  (PwC) leur promet 88 médailles d’or, battant les USA d’un petit disque en métal jaune.

Acte de courage : la Chine a fait bannir à vie Ouyang Kunpeng, son meilleur espoir de brasse, et son entraîneur, pour dopage aux stéroïdes.

C’est Hu Jintao qui le dit, Pékin est prête, et peaufine les derniers détails de ses Jeux.

[1] A compter du 20/07, pour deux mois, la circulation alternée éradiquera de l’asphalte pékinois près de la moitié des 3,3M de voitures. En compensations aux chauffeurs, il en coûtera 186M$ à la mairie.

[2] Pour éviter toute jonction entre esprits forts, des intellectuels shanghaïens reçurent consigne de ne pas se montrer à Pékin durant les Jeux.

[3] D’ultimes frappes seront lancées pour faire disparaître toute drogue dans les sept villes des Jeux.

[4] Pour le cas d’un attentat à l’avion fou, l’APL, l’armée populaire de libération, a installé sans discrétion, près du grand Stade Nid d’Oiseau, deux camions lance-missiles sol-air Hongqi 7.  

[5] Le TGV Pékin Tianjin vient de faire ses premiers tests (350km/h, Siemens) : dès août, il réduira le trajet à moins de 30 minutes, depuis sa nouvelle gare du Sud. Un réseau Wifi gratuit couvre 100km², avant de mailler toute la ville d’ici 2010.

Côté médias étrangers, la Chine refuse toujours à des groupes comme NBC ou France-TV, le droit de transmettre en direct et celui de transmettre dans Pékin, de l’extérieur des sites olympiques. Dénonçant ainsi sa parole, et un droit payé en MM$. Le Comité international olympique (CIO) poursuit les palabres et promet des progrès. Le CIO a par contre regretté (25/06) que lors d’une cérémonie placée sous son égide, le Secrétaire du Tibet Zhang Qingli ait appelé à « écraser » le séparatisme : le CIO a prié la Chine, à l’avenir, de faire une meilleure séparation entre sport et politique.

Face à l’inéluctable baisse de fréquentation, les sponsors font contre mauvaise fortune bon coeur, et tentent de voir si leur investissement sera récompensé. La presse mondiale s’interroge sur cette fête du sport si soigneusement préparée mais dont l’image s’est abîmée : à 40 jours des Jeux, on espère encore le coup de baguette magique, ou de courage politique, pour rétablir la confiance réciproque.

 

 


Petit Peuple : Dongguan – l’avion chasseur du Président

A Taipei, Liao Darao eut une enfance à la baguette – plutôt à deux baguettes, celles d’une éco-le dictatoriale et d’un père à poigne. Pour seule évasion, à 12 ans, il avait ses BD hebdomadaires traduites de l’américain : dès la 1ère page, magiquement, elles le jetaient dans une guerre aérienne mythique, dans laquelle lui, Darao, était un as de l’US Air Force, semant la terreur parmi les escadrilles du Mikado ou de la Luftwaffe, aux commandes de son P-51 Mustang.

En  1978, à 22 ans, il connut le plus beau jour de sa vie : son baptême de l’air, qui lui révéla l’ivresse de la sustentation. Après telle  émotion, il se jura d’obtenir son brevet de pilote. Volontaire, endurant, il y parvint en 10 ans.

 En 1991, il ouvrit à Dongguan (Canton) son usine, et se mit à inonder les cinq continents de ses poteries bon marché, fauteuils en rotin, et autres papiers peints, bâtissant en peu d’années un  florissant empire de l’article de maison. Ainsi millionnaire, après 20 ans de labeur acharné, Liao était prêt à s’attaquer à un très vieux rêve : construire son Mustang, puis faire le tour de Chine avec.

Il s’en rendit vite compte, son idée transgressait 1000 tabous et exigeait 1000 palabres, surtout avec l’armée, monopole de l’espace aérien : il dut attendre la fin des années ’90 pour installer près de l’usine son héliport privé, doté de balises lumineuses et d’un radar. Il monta le hangar de 200m², commanda aux States des kilos de plans, ouvrages, revues. Liao s’était mis en tête de recréer son chasseur à l’échelle 3:4 pour une envergure de 8,4m et longueur de 6,7m. Après avoir recalculé les cotes, refait les plans, il les fit valider par l’association américaine d’aéronautique.

Tout bien réfléchi, pour contourner l’obstacle de technologies de la seconde guerre mondiale dont le coût astronomique dépassait les moyens d’un simple hobby (les alliages, par exemple), il opta pour l’emploi des techniques plus simples de la 1ère : bois de pin pour la structure, feuille d’aluminium pour le revêtement. Il recruta huit techniciens, y compris l’ingénieur Ma, Taiwanais déjà auteur de 128 avions de tourisme.

Chef du projet, Ma sélectionna et commanda (en double) les pièces, toutes certifiées «aéronautiques»: le moteur chinois (vitesse max. 260km/h), le train rentrant, l’hélice, l’avionique. Au total, il y en avait pour 70.000², cinq fois moins que les salaires de l’atelier : une somme rondelette quand même —mais quand on aime, on ne compte pas! 

Aujourd’hui, rutilant, argenté,  l’avion est prêt, jusqu’au parachute dans sa niche. Il ne reste plus qu’à poser moteur, électronique et tableau de bord – les 1ers essais sont pour décembre.

Inutile de le dire, désormais notre PDG «aime et ne lâche plus» (爱不释手, aì  bú shi shoǔ): il ne quitte plus son bébé des yeux. Chaque matin au bureau, il passe une heure à réviser son test chinois de pilotage -sa licence taiwanaise n’étant pas valable en Chine. Une fois donnée cette apparence de travail, il s’en va guilleret, passer le reste de sa journée à admirer son joujou, au risque de déranger ses hommes dans leur travail.

Et à l’usine, de son idée fixe, que pense-t-on ? Le personnel, la famille, lui pardonnent, comme à l’enfant ses caprices, et comme au père fondateur de leur bien-être à tous. Avec son aîné aux commandes, son cadet au marketing et sa femme à la caisse, la boite n’a plus besoin de lui. La famille se prête au jeu. Son hobby est cher, mais valorisant pour l’image du clan. A tout prendre, il vaut mieux qu’entretenir une danseuse, ou griller sa fortune sur les tapis verts de Macao, le temple du vice à 30 minutes d’hélicoptère.

Surtout, la Chine, pays de jouvence éternelle, ne peut que voir avec sympathie son industriel, après avoir si bien réussi, rester fidèle à ses rêves d’enfant !