Editorial : Un nouveau nationalisme

La réaction de la rue chinoise aux manifestations parisiennes contre  la torche olympique, a surpris plus d’un.

Depuis la France, des étudiants ont appelé à boycotter Carrefour et autres intérêts français : « pas la peine », disait l’un d’eux sur le site Chinaren («homme chinois»), d’enrichir les Français. Faisons leur plutôt découvrir la puissance de la Chine » ! Samedi 19, une manifestation visait l’ambassade de France à Pékin, « protégée » par la police : avec hymne national et calicots défendant le « Tibet chinois ».

Ainsi en moins d’un mois, la vision chinoise de la France s’inverse, d’un respect amical, à une volonté de revanche—contre la France, à travers Carrefour et ses 122 hypermarchés. L’appel a connu un fort succès. D’heure en heure, le nombre d’internautes sympathisants au boycott a gonflé en millions. De façon un peu inquiétante, par la voix d’un porte-parole officiel (15/4), le pouvoir a validé ce mouvement : « la France ferait bien de se demander pourquoi le peuple chinois appelle au boycott de firmes françaises ». Sur la toile, des masses d’inconnus diffusent des détails pour justifier cette attaque : 10,7% de Carrefour seraient aux mains de Blue Capital, et donc de Bernard Arnault, PDG de LVMH, qui aurait financé le Dalai Lama. Tout comme Body Shop, filiale de L’Oréal, aussi sur la liste.

Malgré les apparences, il faut admettre que cette action est « indépendante » : l’opinion nationaliste chauffée à blanc, est l’expression véridique de la rue—comme si le régime l’avait invoquée, mais ne la contrôlait plus. Ainsi en Australie, des milliers d’étudiants chinois sont montés à Canberra «défendre» la flamme contre les « séparatistes », la « lie » et les «chiens courants » étrangers, à 10 heures d’avion de chez eux !

Cela dit, on note que l’Allemagne, les USA, le Royaume-Uni sont aussi visés par la presse chinoise. 

Mais depuis le 18/04, l’Etat inverse la vapeur, et fait appel aux citoyens pour qu’ils «canalisent» leur patriotisme vers le «développement». Traduisez: pour éviter que les choses n’aillent trop loin. Pékin veut satisfaire son aile cocardière, mais sans faire de «casse ». Carrefour, comme toutes les chaînes de grande distribution, est en Chine l’outil n°1 pour étaler dans le temps l’insupportable hausse des prix alimentaires (+25,5% en mars) : depuis janvier, leur fréquentation a augmenté de 40%. Autant pour ménager Paris (l’Union Européenne et le monde!) que pour nourrir son peuple, Pékin a effectivement tout intérêt à enrayer le dérapage. Par contre l’avertissement est net : la Chine en reste à sa ligne dure : ne permet à quiconque de lui donner des leçons, et n’est prête aujourd’hui à aucune concession.

 

 

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