Blog : Pékin – Le 11 août : de la sueur

Odeur de salpêtre…

A Pékin, Shanghai ou Tianjin, les athlètes s’affrontent sur le tapis, le plancher ou dans les bassins de natation, et leurs supporters dans les gradins.
Cependant, en contrepoint de la course aux médailles, la nouvelle affaire de Kuqa prend toute son ampleur, sans que la Chine cette fois semble tenter de la dissimuler. Après l’attentat de la semaine passée au Xinjiang ayant fait 16 victimes policières, on assiste la nuit de dimanche, dans cette agglomération de 400.000 âmes, à une offensive d’attaques coordonnées : du jamais vu en Chine. La première fut pour le commissariat détruit par un 三轮车 (san lun che) ou tricycle chargé d’explosifs. Les suivantes frappèrent différents bureaux et commerces han, cafés ou boutiques.

Les bombes étaient faites maison et de faible puissance, mais la vague violente suggère une préparation de plusieurs mois. La détermination des attaquants est nette : 9 des 11 morts furent des leurs, dont une partie par suicide pour échapper à l’arrestation.

Les violences étaient annoncées depuis longtemps par la police elle même, et nombreux, dont moi-même, doutaient ouvertement de leur réalité, soupçonnant un prétexte des autorités pour renforcer leur « dictature du prolétariat » qui s’effiloche. Cette fois, je suis contraint d’admettre la réalité de la menace – j’ai pour excuse la censure chinoise, qui nous prive de sources et de preuves crédibles à toute information…

Par ailleurs, on se rappelle l’Américain tué à l’arme blanche à Pékin samedi sur la tour du tambour : chômeur et divorcé, l’assaillant, Tang Yongming, de 47 ans, était récemment débarqué du Zhejiang, semble t’il, pour se faire entendre, d’une manière ou d’une autre. Décidément, bien des Chinois croient le moment des jeux propices pour tenter de faire sauter la chape de plomb du régime.

A ce sujet, j’ai une question – répondez, si vous avez une idée : ce forum est là pour nous éclairer les uns par les autres : laquelle des menaces est la plus forte contre la stabilité publique chinoise :

– celle des millions de Han dépossédés-désespérés-isolés, sans aucun moyens mais très nombreux,

– celle de Ouighours en petit nombre, mais frères en religion et organisés?

– ou encore celle d’autres minorités comme les Tibétains (qui, pour l’instant, maintiennent une règle strictement pacifique) ou du Falungong (qui n’a pas jusqu’alors posé de bombes, et agit de l’étranger)?


…en route vers Wukesong…

Hier, sur la ligne 1 du métro, en route vers Wukesong la halle de basket-ball, je rencontre Ye Handong, petit homme sur la quarantaine, en complet veston, comme en voyage d’affaires, mais pas tout à fait. Mon voisin de siège m’explique qu’il a 43 ans et vit à Chengdu, la ville sinistrée par le séisme du 12 mai. En vacances dans la capitale, Ye se rend, avec sa femme et son fils jeune universitaire, au même lieu que moi. Il est négociant en boites de vitesse de camion : improbable source de fortune, mais en Chine, les camions et bus sont plus nombreux que les voitures, et leurs boites de vitesses de conception locale cassent tout le temps, source du florissant commerce de monsieur Ye.

Je lui demande combien lui aura coûté son voyage : sans hésiter, il me répond que l’agence lui a demandé 5000 yuans par personne, soit 1500 euros pour la famille, au bas mot. Comptons : l’entrée du stade est libellée à 150 yuans. Bloqué des mois à l’avance par l’agence, le billet d’avion pourrait revenir à 1500 yuans A-R. L’hôtel revient à 500 yuans la nuit, pour trois nuits, et les autres frais restent à la charge du voyageur… J’arrive ainsi à 3500 yuans, à la louche. Le profit ne semble pas immodéré, comme conclut modestement Ye lui-même, « faut bien que ces gens bouffent » ! Mais ce pouvoir consommateur inattendu de notre négociant en pièces auto, fait relativiser la réputation de faiblesse économique de sa province du Sichuan, surtout trois mois après avoir été déchirée par sa catastrophe naturelle !

… Et odeur de sueur !

Puis voici le centre olympique de basket, d’une qualité sans surprise, carré de béton de luxe aux finitions parfaites, renfermant une arène équipé ede 16 écrans moniteurs de tailles diverses, sans compter les dizaines d’écrans individuels pour la presse, et ses deux anneaux digitaux dont l’un, en hauteur, fait le tour du gymnase. Il va sans dire que partout circulent les volontaires en bleu et blanc, à l’anglais trébuchant, à la bonne volonté éperdue et aux immenses sourires.


Le Wukesong, le temple ultra moderne du basket-ball de ces JO

J’ai vu successivement les duels « préliminaires » entre Espagne et Grèce, Lithuanie et Argentine, puis USA et Chine.

Le second match m’a particulièrement intéressé, vu les personnalités si différentes des deux équipes qui n’avaient en commun que leurs tailles surdimensionnées, d’1,80m à 2,15m.

En bleu roi sur flanc jaune, les Argentins minces, bruns, aux cheveux souvent longs émanaient une sorte d’aristocratie de bonnes manières, très techniques et un rien nonchalents – gens catholiques (signe de croix) et bien élevés. Plus enveloppés, blonds et en brosse, les Lithuaniens faisaient d’emblée plus militaires. On devinait aussi une population moins éduquée, plus prolétaire, et ayant eu faim jusqu’à quelques années en arrière : la rage, la soif de vaincre était plus affirmée., ainsi que l’absence de vague à l’âme, la fin justifiant les moyens. L’équipe en vert-pomme et blanc avait même déplacé son agit-prop, qui passa son match à crier ses « Lietuva », ses chants nationalistes, à déployer ses bandeaux et slogans et surtout, à siffler et scander pour tenter (parfois avec succès) de déconcentrer l’adversaire lors de ses lancer-francs. Curieusement, contrairement aux grands tournois de tennis, aucun arbitre ne fit un geste pour raisonner ces gestes déplacés.

Lituanie vs. Argentine et Espagne vs. Grèce


Les deux équipes étaient de force égale, et menèrent tour à tour à quelques points d’écart. 7 minutes avant la fin, l’Argentine s’était effondrée, menée 61 à 49. Mais voilà que par une série de traversées rapides comme l’éclair, elle remonta pour se retrouver à 30 secondes de la fin, à 75 partout. Avant de rater un panier en longueur, perdre la balle, et se retrouver perdante (80/75).

Durant ce match, le public chinois, non concerné et donc libre de ses choix, réagit avec maturité et un sens inattendu de l’esthétique du stade, applaudissant les beaux gestes des deux bords, mais accordant sa préférence à la plus belle équipe (quoique trop « gracile » peut-être), l’Argentine.

Enfin, le dernier match américano-chinois fut le morceau de bravoure. Le score final de 101 à 70 en dit long sur l’aisance yankee et de ses stars au talent réellement au dessus de la mêlée, les athlètes noirs parvenant plus souvent qu’à leur tour à dérober des balles chinoises et les passer à travers toute la salle, pour une crucifixion minute. Du très grand art. Je soupçonne l’équipe à la bannière étoilée d’avoir relâché la défense en fin de match, et permis aux Chinois de marquer leurs points afin de ne pas perdre la face ! (à suivre)

Question : en basket, d’après vous, qui gagnera? L’Amérique ? l’Espagne (l’ex-championne du monde)? Je prends les paris !

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